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Seuls 23 % des Français entre 18 et 25 ans prévoient de voter aux européennes le 26 mai, selon une enquête publiée jeudi. Malgré le rajeunissement de leurs têtes de listes, les partis français peinent à intéresser les jeunes à l'Europe.
Le 9 mai a beau être le jour de la fête de l’Europe, les chiffres qui ressortent de l'enquête* publiée à cette occasion par les associations Jeunes Européens et l’Anacej sont loin d'être réjouissants : 77 % des Français âgés d'entre 18 et 25 ans ont prévu de s’abstenir au scrutin des élections européennes. Un chiffre alarmant qui témoigne du désintérêt croissant de la jeunesse française pour l’Europe et la politique, mais aussi l’incapacité des partis à répondre à leurs aspirations.
La participation attendue chez les jeunes s'élèverait à 23 %– contre 42,5 % pour l'ensemble des Français. Aux précédentes élections européennes de 2014, 25 % des 18-24 ans avaient voté selon une étude post-électorale du Parlement européen (contre 42,43 pour la population totale).
La prévision d’abstention chez les 18-25 ans pour les #Europeennees2019. Taux d’abstention historique... #JeunesAuxUrnes #MonVoteMonEurope #jevote #CetteFoisJevote pic.twitter.com/QGczkIOt3J
Anacej (@Anacej) 9 mai 2019"Moins d’un jeune sur quatre prévoit d'aller voter. C'est une situation désolante mais pas surprenante", estime Hervé Moritz, président des Jeunes Européens-France, interrogé par France 24. "L'enquête explique notamment que cette abstention découle d'une méconnaissance de l'idée européenne et d'une défiance à l'égard de la capacité de l'Union européenne à répondre à leurs préoccupations et aux grands enjeux mondiaux. Ils estiment que leur participation européenne ne va pas changer la société."
Les préoccupations des jeunes dépendent des pouvoirs nationaux
"Les principales préoccupations des jeunes sont liées aux enjeux nationaux : le pouvoir d'achat, l'emploi… Rien de réellement lié aux compétences européennes', pointe Hervé Moritz. "Leur frustration est également liée au fait de voir l'UE être incapable de répondre efficacement à certains défis : l'environnement, qui arrive largement en tête des préoccupations des jeunes. Ils demandent aussi des solutions européennes aux défis en matière de politique étrangère, de défense ou d'immigration. Voter pour un Parlement européen qui n'a pas les moyens d'influencer ces enjeux ne les intéresse pas réellement."
Ce pour quoi les jeunes estiment que l’#UE est le meilleur échelon : la lutte contre le réchauffement climatique, l’immigration, la défense, la politique étrangère. #9Mai #JeunesAuxUrnes #CetteFoisJevote #MonVoteMonEurope pic.twitter.com/cP7inkKrDF
Les Jeunes Européens (@JeunesEuropeens) 9 mai 2019Pour le politologue Pierre-Emmanuel Guigo, interrogé par France 24, ce désintérêt des jeunes n'est pas circonscrit aux élections européennes : "Il y a un désintérêt général pour la politique depuis des années notamment en raison de l'effondrement des grandes idéologies et les multiples scandales de corruption. Cependant, chez les jeunes, il est plus marqué pour deux raisons : ils ont une vision différente de la société où le politique est moins structurant que pour les anciennes générations et surtout c'est une classe d'âge encore souvent dans ses études ou son premier emploi et ne dispose pas du temps pour s'engager", explique ce maître de conférences en histoire à l’université Paris-Créteil.
Un renouvellement dans les têtes de liste qui ne séduit pas
Les élections européennes françaises de 2019 ont pourtant vu les principaux partis politiques faire des efforts pour renouveler les visages en tête de liste. La moyenne d'âge de ces chefs de file est passée de 54 ans en 2014 à 43 ans cette année. Ainsi, Manon Aubry, qui mène le combat pour la France insoumise a 29 ans, Jordan Bardella (Rassemblement national), 23 ans, François Xavier-Bellamy (Les Républicains), 33 ans. Dans une moindre mesure, Ian Brossat du PCF et Raphaël Glucksmann de Place Publique-PS, du haut de leurs 39 ans, incarnent également ce renouveau. Une liste, "Allons enfants", est même intégralement constituée de jeunes de moins de 30 ans et ambitionne de porter la voix de la jeunesse sur la scène européenne. Le parti présidentiel, La République en Marche, a quant à lui pris le contrepied de ce mouvement en choisissant l'ex-ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, âgée de 54 ans.
"D'un côté, il y a une volonté de toucher les jeunes et surtout de montrer le rajeunissement de la vie politique. Emmanuel Macron a mis un coup de vieux à la plupart des partis. La logique est aussi de montrer qu'il y a d'autres visages derrière celui de la figure du chef dont dépendent beaucoup les partis, notamment à l'extrême droite et à l'extrême gauche", explique Pierre-Emmanuel Guigo. "D'un autre côté, il y a aussi des raisons 'practico-pratiques', Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon sont déjà élus députés, ils ne peuvent donc pas briguer un mandat européen."
Cependant, cette stratégie de séduction ne prend pas. Selon les résultats de l'enquête d'opinion, les 18/25 ans pèsent de manière moins importante que le reste de la population française sur le score des deux partis actuellement en tête des sondages, à savoir le Rassemblement national et la République en marche. Il ressort également que Europe Écologie- Les Verts et la France insoumise surperforment sur ces catégories d'âge par rapport au reste de l'électorat : respectivement 16 % et 12 % des jeunes votants ont l'intention de porter leur scrutin sur ces partis.
"L'enjeu de représentation générationnel n'intervient pas vraiment Ce n'est pas un critère de choix qui ressort de l'enquête. Seulement 9 % considèrent comme un critère de choix le fait qu'une personne de moins de 30 ans dirige la liste", explique Hervé Moritz. "Les partis peinent à formuler des propositions qui s'adressent aux jeunes."
"Il y a un échec des partis et des gouvernements à parler à la jeunesse", abonde Pierre-Emmanuel Guigo. "Il y a des tentatives en ce sens en faisant à la pop-culture notamment. Quand Marlène Schiappa va chez Hanouna dans 'Touche pas à mon poste' pendant le grand débat, c'est aussi une volonté de s'adresser aux jeunes là où ils sont."
Les tentatives d'intéresser la jeunesse sont légions
Les tentatives, parfois ridicules, sont légions pour ramener les jeunes vers la politique. Tricorne, masque et slip couleur or, costume bleu azur et drapeau européen, le super-héros Captain Europe amuse les réseaux sociaux et promeut un certain idéal européen, sans toutefois être lié directement aux institutions.
Le 26 mai, dans 3 mois jour pour jour, @captain_europe votera aux élections européennes pour choisir son représentant ds l'hémicycle du Parlement européen. A l'instar de notre star, #cettefoisjevote pour l'Europe de mon choix ! Et vous, pour quelle cause ? https://t.co/Qn1rFMz3DP pic.twitter.com/6HRqF5D1a4
Parlement européen (@PEStrasbourg) 26 février 2019Avec leur campagne "Rock The Eurovote", l'Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ) et l’association Européens sans frontières ont quant à eux misé sur une dizaine de dessins-animés de 30 secondes pour expliquer les enjeux de l'Europe aux jeunes. Enfin, une autre initiative de l'Ofaj, "Vote Match Europe" s'inspire de l'application de rencontres Tinder. L'utilisateur est invité à faire le tri entre différentes propositions pour découvrir avec quel parti il "match" le plus.
De leur côté, les Jeunes européens sont davantage pragmatiques et proposent de miser sur l'éducation : "À l'école, l'Union européenne est traitée comme un objet d'Histoire ou un élément de la mondialisation dans le cadre du programme de géographie mais pas comme un objet politique, dont les jeunes peuvent s'emparer", se désole Hervé Moritz". "Notre association milite pour un renforcement de l'instruction civique européenne".
Enfin, le militant pro-européen pointe du doigt la nécessité de montrer à la jeunesse les opportunités que l'Europe peut offrir, évoquant l'incontournable programme d'échange Erasmus : "À l'heure, seule une minorité bénéficie pour le moment du programme. Si on veut massifier ce programme et qu'il y ait une prise de conscience des opportunités par toute une génération, il faudrait un infléchissement du budget. La Commission veut le doubler mais les recommandations seraient plutôt de le multiplier par 10…".
*L'enquête a été menée par l’Ifop, selon la méthode, des quotas auprès de 1 498 personnes représentatives de la population, âgées de 18 à 25 ans, par un questionnaire auto-administré en ligne du 15 au 24 avril.