
La tête de liste de La République en marche pour les européennes, Nathalie Loiseau, qui éprouve les pires difficultés à faire décoller sa campagne, a reçu le soutien du Premier ministre Édouard Phiippe, lors d'un premier grand meeting à Caen, lundi.
Il y a parfois des non-dits et des regards qui trahissent le fond d’une pensée. Venue à Caen, lundi 6 mai, pour soutenir Nathalie Loiseau en meeting, la députée La République en marche de la Manche, Sonia Krimi, avait du mal à cacher son embarras lorsqu’on lui a demandé de juger la performance de l’ancienne ministre des Affaires européennes. "Que voulez-vous que je vous dise ? On ne peut pas demander à quelqu’un qui n’a aucune expérience en campagne de devenir charismatique ou de faire soulever les foules du jour au lendemain. Il lui reste trois semaines pour progresser."
À l’image de Sonia Krimi, nombreux sont ceux, au sein du parti présidentiel, à faire le même constat : Nathalie Loiseau est à la peine. Les qualités intrinsèques de la tête de liste ne sont pas remises en cause. Elle connaît ses dossiers sur le bout des doigts et fera une excellente députée européenne, assure son entourage. Seul problème, mais de taille lorsque l’on a été choisi pour porter haut et fort une liste de candidats : Nathalie Loiseau éprouve les pires difficultés à entraîner un public avec elle.
D’autant que le contexte est loin d’être favorable. Nathalie Loiseau a été récemment mise en cause par un article de Mediapart qui a révélé sa présence sur une liste d’extrême droite lors d’élections syndicales étudiantes quand elle avait 23 ans. Plutôt que de reconnaître les faits rapidement, la tête de liste s’est enfoncée dans la polémique en modifiant plusieurs fois sa ligne de défense.
Quant au gouvernement d’Édouard Philippe, il reste englué dans une crise des Gilets jaunes qui n’en finit pas depuis six mois. À Caen, une poignée de manifestants ont réussi à infiltrer le public avant d’interrompre le meeting en hurlant "Révolution Gilets jaunes" et en chantant "On est là ! On est là !".
Pour La République en marche, ce meeting à Caen devait donc servir d’électrochoc pour relancer une campagne moribonde. Le Premier ministre Édouard Philippe, les ministres Muriel Pénicaud, Sébastien Lecornu et Gabriel Attal, de même que l’ancien ministre Stéphane Travert ont ainsi fait le déplacement, lundi soir, pour vanter les mérites de la liste Renaissance et louer l’"honnêteté", la "solidité" et la "patience" de l’ancienne ministre.
Mais alors qu’Édouard Philippe venait d’haranguer les quelque 500 partisans présents au centre de congrès de Caen, assurant que Nathalie Loiseau allait "en surprendre plus d’un" dans la dernière ligne droite de la campagne, la candidate est montée sur scène, a mis ses lunettes et a commencé la lecture de son discours. Son audience, enthousiaste jusque-là, s’est, elle, progressivement murée dans le silence.
"Il faut bien reconnaître que ça patine un peu"
"Ce n’est peut-être pas la tête de liste la plus pertinente niveau communication, reconnaît Benoît, 68 ans, qui votera malgré tout pour la liste Renaissance le 26 mai. C’est quelqu’un qui a beaucoup d’expérience sur l’Europe, elle connaît ses dossiers. Mais pour l’instant, il faut bien reconnaître que ça patine un peu."
Le noyau dur de l’électorat qui avait voté pour Emmanuel Macron en 2017 devrait toutefois rester fidèle à son parti. Peu importe si la tête de liste apparaît peu à son aise, ces électeurs voteront La République en marche aux européennes. La plupart des personnes interrogées au meeting de Caen, lundi soir, préféraient d’ailleurs retenir le fond du message délivré par Nathalie Loiseau plutôt que la forme.
Mais chez les indécis, c’est une autre histoire. Répéter sur un ton monocorde qu’il faut "ramener la voix de la France au Parlement européen", faire de l’Union européenne "une puissance verte" ou "construire l’Europe du progrès" risque de ne pas suffire. La personnalité introvertie de la tête de liste pourrait bien, à la fin, coûter quelques précieux points à LREM au soir du 26 mai.
Les derniers sondages confirment cette impression : pour la première fois depuis des mois, plusieurs d’entre eux, publiés début mai, ont placé le Rassemblement national devant La République en marche. Face à cette adversité, Nathalie Loiseau s’est d'ailleurs sentie inspirée par sa visite, quelques heures plus tôt, au Mémorial de Caen, et s’est risquée à filer la métaphore du Débarquement du 6 juin 1944, comparant le scrutin européen à un "D-Day" et la présence de membres du gouvernement à son meeting "à un débarquement allié". On a voulu savoir ce qu’en avait pensé Sonia Krimi. Elle n’avait pas de commentaire à faire.