Syndicalistes, Gilets jaunes et écologistes ont défilé à Paris à l'occasion de la traditionnelle Fête du travail. Un rassemblement marqué par des violences, mais surtout par des revendications de justice sociale et écologistes. Reportage
Les images de violence dans la manifestation parisienne du 1er-Mai ont pris le pas sur les revendications des manifestants, mercredi 1er mai. Le cortège, émaillé d'affrontements entre des centaines de blacks blocks et les forces de l'ordre, a progressé de manière chaotique de Montparnasse à la place d'Italie. La journée devait pourtant commencer par un rassemblement pour le climat devant le Panthéon. Mais la préfecture a contraint les organisateurs à annuler l'événement. C'est donc à Montparnasse que les défenseurs du climat se sont retrouvés en fin de matinée.
Place du 18 juin 1940, au pied de la tour Montparnasse, ils ont été rejoints par les participants du traditionnel cortège syndical. La CGT a sorti ses camions et ballons, mais après plus de 24 semaines de mobilisation, les Gilets jaunes ont largement éclipsé les gilets rouges des syndicalistes.
Parmi les manifestants, beaucoup portent avec fierté sur leur gilet jaune la liste des manifestations auxquelles ils ont participé. Jean-Claude et Michèle sont de ceux-là. Pour ces habitants d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les annonces faites par Emmanuel Macron le 25 avril, au terme du grand débat national, "ne changeront rien" à la situation. "Sur l'indexation des retraites comme sur la CSG, il n'a fait que de retirer des mesures aberrantes qu'il avait prises, donc il n'a rien donné", s'agace Jean-Claude, magasinier.
"Macron, mais c'est qui, Macron ? Je ne le connais pas moi", répond Laurence lorsqu'on lui demande ce qu'elle a pensé des annonces du président. Cette salariée originaire du Val-de-Marne a rejoint le mouvement des Gilets jaunes dès son lancement en novembre. "Aujourd'hui, je n'ai pas un salaire qui me permette de vivre. Mes petits-enfants, je ne peux même pas leur faire de cadeaux", confie-t-elle, résignée. Comme beaucoup de Gilets jaunes, elle réclame au gouvernement plus de justice fiscale et "la fin de privilèges pour les hauts dirigeants".
Laurence vient du Val de Marne. Elle participe aux manifestations des gilets jaunes depuis le début. Elle refuse de commenter les annonces de Macron de la semaine dernière : « C’est un irresponsable, il n’est rien ». #1erMai2019 @France24_fr pic.twitter.com/pwlg1kV7uI
Julia Dumont (@Julia_Dmt) 1 mai 2019L'humain au cœur des revendications
Sur le boulevard du Montparnasse, le cortège tente de s'élancer dès 12 h 30, soit près de deux heures avant l'heure annoncée. En tête de cortège, la présence de "black blocs" provoque les premiers affrontements et premiers tirs de gaz lacrymogène de la journée, obligeant les manifestants à se replier vers la place du 18 juin 1940.
Yadlur, militant écologiste, ne passe pas inaperçu. Demi-citrouille sur la tête et feuilles de lierre qui lui tombent sur les épaules, il explique avoir voulu, avec son costume, "attirer l'attention et envoyer un message de convergence sur la lutte pour le climat et la justice sociale". "Il y a une corrélation parce que, dans les deux cas, il y a un respect de l'humain."
Yadlur (pseudo) est militant écologiste depuis 20 ans, il est venu costumé pour inciter à la convergence entre lutte pour les justice sociale et lutte pour le climat. #1erMai2019 #Paris @France24_fr pic.twitter.com/BKisoEBo0f
Julia Dumont (@Julia_Dmt) 1 mai 2019Il a été choqué, lors de la dernière allocution d'Emmanuel Macron, de la place réservée à l'écologie : "C'était le vide sidéral sur la transition écologique". Alors qu'Emmanuel Macron a annoncé la création d'une convention citoyenne, Yadlur estime qu'"aujourd'hui, ce n'est plus la peine de discuter, on sait ce qu'il faut faire". "Il faut juste la volonté politique de le faire", souligne le militant.
"Bon anniversaire Benalla"
Vers 14 h 30, le cortège peut finalement avancer sur le boulevard du Montparnasse. Devant le restaurant La Rotonde, un impressionnant cordon de CRS empêche les manifestants d'approcher. C'est ici qu'Emmanuel Macron avait rassemblé ses proches le 23 avril 2017, après l'annonce des résultats du premier tour de l'élection présidentielle.
Sous un grand soleil, les manifestants défilent dans le calme sur le boulevard de Port Royal. La présence de deux camions de pompiers déclenche applaudissements et félicitations dans le cortège. Des manifestants s'approchent d'eux pour leur serrer la main.
"Benalla, Benalla, même si vous n'le voulez pas, y a Benalla", reprennent en chœur un petit peu plus loin des manifestants. Un an après la journée de manifestations pendant laquelle Alexandre Benalla s'est joint aux forces de l'ordre et a violenté des manifestants place de la Contrescarpe, beaucoup de participants au cortège sont venus avec des masques à l'effigie de l'ancien chargé de mission de l'Élysée.
Au milieu du rassemblement, deux groupes qui sont venus avec des masques Benalla se retrouvent : « Bon anniversaire les mecs ! » #1erMai2019 @France24_fr pic.twitter.com/3UV4nfmKbL
Julia Dumont (@Julia_Dmt) 1 mai 2019"On est la France qui se lève tôt"
Sur le parcours du cortège, au croisement entre l'avenue des Gobelins et le boulevard Saint-Marcel, les banques se sont barricadées de crainte de subir des dégradations.
En milieu d'après-midi, c'est justement là que l'ambiance se dégrade. Des CRS pénètrent dans le cortège pour en extraire un manifestant. La situation dégénère rapidement et des gaz lacrymogènes sont lancés.
Malgré ces gaz, souvent tirés dans les manifestations de Gilets jaunes, Pascale ne compte pas abandonner le mouvement. "On est la France qui se lève tôt. On est dans la rue depuis cinq mois à revendiquer une vie digne", affirme cette habitante de Montreuil qui gère un petit commerce. "J'élève deux enfants seule avec 126 euros d'allocation. Je gagne environ 1 700 euros par mois. On doit se priver de tout. On est partis deux fois en vacances en 15 ans", raconte-t-elle.
Sur son gilet, un slogan s'offusquant du montant des dons prévus pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame. "On nous dit qu'il n'y a plus d'argent et d'un coup, les plus riches trouvent un milliard d'euros en quelques jours", s'indigne-t-elle.
En fin de journée, après de nombreux heurts avec les policiers, notamment devant le commissariat du 13e arrondissement, un grand nombre manifestants ont pu rejoindre la place d'Italie. Ils se sont dispersés dans la soirée.