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Les annonces que le président Emmanuel Macron devrait dévoiler jeudi, ajoutées aux mesures prises en décembre, permettent de dresser un tableau moins négatif que prévu de l’impact économique du mouvement des Gilets jaunes. Du moins à court terme.

Tourner la page de la plus importante crise sociale de son quinquennat. Le président français Emmanuel Macron s’apprête, jeudi 25 avril, à tirer le bilan du "grand débat", initié pour répondre à la grogne du mouvement des Gilets jaunes, en dévoilant une série de nouvelles mesures sociales et économiques.

Il espère calmer la colère des manifestants à coup de baisses de l’impôt sur le revenu, de réindexation des retraites sur l’inflation ou encore introduisant un recours limité au référendum d’initiative populaire, selon des fuites du discours télévisé qu’Emmanuel Macron avait prévu de délivrer lundi 15 avril, avant de l’annuler à cause de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le président serait même prêt à évaluer si l’annulation de l’impôt sur la fortune - l’une de ses mesures phare, et parmi les plus contestées - a eu l’effet économique escompté.

Politique de la demande

La nouvelle salve d’annonces intervient après un premier train de mesures "d’urgence économique et sociale" adoptés en décembre 2018. Cette réponse présidentielle en deux temps illustre l’impact sur la politique économique d’Emmanuel Macron du mouvement social, débuté en réponse à la volonté du gouvernement d’instaurer une taxe sur le carburant en octobre 2018.

"Il y a eu la période de la politique de l’offre [favoriser, notamment, à travers des baisses de charge, la productivité et l'offre de biens et services, NDLR] qui a bénéficié aux entreprises, suivie, dans la foulée du mouvement des Gilets jaunes, d’un tournant en faveur d’une politique de la demande qui vise à stimuler la consommation", résume Pascal de Lima, économiste en chef au cabinet de conseil Harwell Management.

Difficile de dire si les manifestations sont à l’origine de la conversion du président à la politique de la demande ou si elles n’ont fait qu’accélérer la bascule. En tout état de cause, "on assiste, grâce aux Gilets jaunes, à une vraie nouveauté dans la politique du gouvernement avec ce virage très symbolique à gauche pour favoriser le pouvoir d’achat", souligne Pascal de Lima.

Cette séquence politique - des "mesures d’urgence" aux annonces de jeudi en passant par le "grand débat" - a aussi eu un effet sur la perception de l’impact économique du mouvement des Gilets jaunes. Dans les premiers mois, les manifestations ont été perçues comme une menace pour la croissance française. Fin novembre 2018, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, déplorait "l’impact sévère" des blocages sur les ronds-points - la signature du mouvement des Gilets jaunes - sur le commerce. Dans la foulée, la Banque de France révisait, en décembre, sa prévision de croissance pour le quatrième trimestre 2018 à la baisse, citant l’effet négatif des manifestations sur le "secteur des services" (hôtellerie, transport, restauration, etc.).

Le pouvoir d’achat à la rescousse

Mais en poussant le gouvernement à adopter des mesures en faveur du pouvoir d’achat, les Gilets jaunes semblent à avoir fait moins de mal à l’économie du pays que certains ont pu le croire. La Banque de France a même battu sa coulpe, en mars 2018, en indiquant que la croissance française pour 2019 serait légèrement plus forte que prévue. Elle s’est félicité de la "résilience de l’économie française dans un contexte [mondial, NDLR] incertain"... sans pour autant citer le mouvement social. La vénérable institution a, cependant, souligné l’effet bénéfique des "MUES" c’est-à-dire des fameuses "mesures d’urgence économiques et sociales" inspirées par les revendications des Gilets jaunes.

Même son de cloche à l’Insee, qui a revu à la hausse ses prévisions de croissance pour le premier trimestre 2019 citant "une politique budgétaire plus expansionniste qu’envisagé il y a quelques mois" qui aurait permis de doper l’activité économique. L’institut conclut même que "l’impact à court terme [du mouvement social, NDLR] a, sans conteste, été plus faible que son retentissement politique et médiatique".

Enfin, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), un cercle de réflexion économique qui penche plutôt à gauche, a chiffré l’effet des mesures gouvernementales pour répondre à la colère des Gilets jaunes à 440 euros en plus par ménage pour 2019, dans ses prévisions économiques pour la France, publiées le 16 avril. Les économistes de cet organisme ajoutent que les Français avaient préféré épargner durant les premiers mois du mouvement social, et que ce pécule mis de côté avait de forte chance d’être utilisé pour consommer davantage en 2019, améliorant encore les perspectives économiques.

Risque à long terme

Mais Pascal de Lima averti que l’effet bénéfique pour l’économie des concessions macronistes aux Gilets jaunes risque de ne pas durer. D’abord parce que les "mesures annoncées sont avant tout symboliques" affirme-t-il. Pour lui, ce n’est pas avec 440 euros en plus par an - soit environ 40 euros par mois - que le gouvernement réussira à créer un réel rebond de la consommation à long terme.

D'après lui, le gouvernement peut être tenté de revenir dans les mois qui viennent sur les mesures en faveur du pouvoir d'achat. Pascal de Lima cite l'exemple des retraites qui illustrerait, d'après lui, cette tendance "d'Emmanuel Macron à pratiquer un jeu à somme nulle" : d'un côté le gouvernement annonce un coup de pouce aux retraites qui vont être réindexées sur l'inflation, et de l'autre il envisage de raboter des niches fiscales qui bénéficiaient aux retraités.

Enfin, il est, d’après lui, encore trop tôt pour tirer un vrai bilan économique de ce mouvement social. "Il est, notamment, difficile de savoir à quel point l’image de la France a été dégradée auprès des investisseurs étrangers et si cela va avoir un impact sur leurs intentions d’investir dans le pays" estime cet économiste. Sur ce point, il rejoint l’Insee qui, malgré ses conclusions plutôt bienveillantes à l’égard des Gilets jaunes, ajoute que les mesures inspirées par les revendications des manifestants permettent à la France de faire mieux que prévu, "du moins ponctuellement".