Carlos Ghosn a de nouveau été arrêté jeudi matin à son domicile de Tokyo sur des soupçons de malversations financières. L’ex-PDG de Nissan a dénoncé une “arrestation révoltante et arbitraire”. Son avocat a annoncé faire appel de cette arrestation.
Alors qu’il avait été libéré sous caution il y a à peine un mois après plus de 100 jours en détention, l’ancien président de Nissan, Carlos Ghosn, a de nouveau été arrêté jeudi 4 avril à Tokyo. Cette arrestation entre dans le cadre de nouvelles accusations d'abus de confiance aggravé en liens avec des paiements suspects effectués à un partenaire commercial du constructeur à Oman.
Il est "extrêmement rare" qu'un suspect soit ré-arrêté après avoir été relâché, a souligné la chaîne de télévision japonaise NHK, qui avait annoncé un peu plus tôt que plus d'une dizaine de représentants du parquet de Tokyo se trouvait au domicile de Carlos Ghosn afin que celui-ci se soumette à un interrogatoire. Un véhicule gris aux vitres obstruées par des rideaux, avec Carlos Ghosn probablement à son bord, a ensuite quitté les lieux.
Empêcher Carlos Ghosn de s'exprimer librement
Lors d'une conférence de presse, Junichiro Hironaka, l'avocat de Carlos Ghosn, a déclaré que son arrestation était inattendue et qu'il ferait appel de cette nouvelle arrestation. Il a précisé que le parquet de Tokyo avait confisqué à cette occasion des documents dont Carlos Ghosn avait besoin pour préparer son procès.
"L'épouse de Ghosn se trouvait avec lui lorsqu'il a été arrêté, et ils lui ont confisqué son passeport et son téléphone portable. Sa femme n'est pas une suspecte, cela est impardonnable", a ajouté l'avocat devant le club japonais des journalistes étrangers.
Junichiro Hironaka a également estimé que cette nouvelle mise en détention était destinée à empêcher son client de s'exprimer librement. Dans un message diffusé mercredi sur un compte Twitter identifié comme appartenant à Carlos Ghosn, ce dernier annonçait qu'il allait faire une déclaration publique le jeudi 11 avril. Son avocat a déclaré qu'il allait publier une vidéo de la déclaration que son client envisageait de faire à cette occasion.
Carlos Ghosn avait été remis en liberté sous caution début mars suite à trois arrestations consécutives, dont la première en novembre dernier. Il fait déjà l'objet de poursuites au pénal pour avoir omis de déclarer environ 82 millions de dollars (environ 73 millions d'euros) de salaire et pour avoir transféré temporairement à Nissan des pertes financières personnelles durant la crise financière mondiale. Carlos Ghosn est désormais sous la menace d'une quatrième mise en examen.
“Une nouvelle manoeuvre de certains individus chez Nissan”
"Mon arrestation ce matin est révoltante et arbitraire", a réagi l’intéressé dans un communiqué transmis par email. "Elle fait partie d'une nouvelle manoeuvre de certains individus chez Nissan qui vise à m'empêcher de me défendre en manipulant les procureurs. Pourquoi venir m'arrêter alors que je n'entravais en rien la procédure en cours sinon pour me ?", a-t-il poursuivi. Et d'ajouter : "Je suis innocent de toutes les accusations infondées portées contre moi et des faits qui me sont reprochés".
Le parquet le soupçonne d'avoir transféré des fonds de Nissan, pour un total de 15 millions de dollars entre fin 2015 et mi-2018, à une société "de facto contrôlée par lui". Sur cette somme, 5 millions ont été détournés, a précisé le bureau des procureurs dans un communiqué. "Le suspect a trahi sa fonction (de patron de Nissan) pour en tirer des bénéfices personnels", a-t-il souligné.
Selon une source proche du dossier, le procédé a débuté dès 2012, portant sur une somme totale de plus de 30 millions de dollars versée à un distributeur de véhicules Nissan à Oman, montants dont une partie lui serait revenue indirectement. Il aurait notamment acheté un yacht et investi dans une société dirigée par son fils aux Etats-Unis.
Un porte-parole de la famille Ghosn avait expliqué fin mars que ces paiements constituaient des primes de performance versées au distributeur local de Nissan en raison de ses très bons résultats de ventes, et qu'ils relevaient des patrons régionaux, pas du président.
Au Japon, la date du procès n'a pas été fixée. Ses avocats ont déposé cette semaine une requête au tribunal pour que l'ex-patron soit jugé séparément de Nissan, qui, bien qu'étant aussi inculpé sur un des volets, "a pris depuis le début le parti des procureurs", selon Me Hironaka.
"Mon plus grand espoir aujourd'hui est de pouvoir bénéficier d'un procès équitable", avait confié Carlos Ghosn. Le dirigeant franco-libanais-brésilien espère être blanchi après avoir été dépouillé de la présidence des trois constructeurs qu'ils avaient unis et hissés au premier rang mondial.
Avec AFP et Reuters