logo

Législatives en Thaïlande : la junte en pôle position, l'opposition crie à la fraude

S'il faudra attendre le 9 mai pour connaître les résultats définitifs des législatives thaïlandaises et que l'opposition parle d'"élections truquées", la junte semble bien partie pour conserver le pouvoir.

Malgré une percée de l'opposition, la junte, qui a pris le pouvoir en Thaïlande par un coup d'État en 2014, est bien placée pour garder le contrôle du royaume au lendemain des élections législatives entachées d'accusations de fraude et d'irrégularités et dont les résultats définitifs seront connus d'ici au 9 mai.

Mais les analystes soulignaient la difficulté qu'aura la prochaine équipe au pouvoir à gouverner : aucun parti n'ayant obtenu la majorité, il lui faudra négocier pour former une coalition et le jeu des alliances sera déterminant.

Depuis des années, la Thaïlande est profondément divisée entre des factions favorables à la famille influente des Shinawatra (les "rouges") et une élite conservatrice alignée sur l'armée (les "jaunes") qui se présente comme un gage de stabilité et de protection de la monarchie.

L'élection de dimanche – considérée comme un référendum pour ou contre les militaires au pouvoir – s'est déroulée selon de nouvelles règles électorales complexes édictées par la junte.

À la surprise générale, le parti pro-junte, Palang Pracharat, a remporté le vote populaire (soit la somme des votes de chaque citoyen). D'après des résultats préliminaires, sur 94 % des bulletins dépouillés, il a recueilli plus de 7,6 millions de voix, un chiffre qui lui permet de faire la course en tête et de revendiquer une légitimité.

Les anciennes divisions du royaume toujours bien présentes

Toutefois, ce scrutin révèle que les anciennes divisions du royaume sont toujours bien présentes. Le Pheu Thai, principal parti d'opposition proche du clan Shinawatra, a remporté 137 des 350 sièges attribués par circonscription à la Chambre des représentants, contre 97 seulement pour le Palang Pracharat, d'après des résultats publiés lundi par la Commission électorale.

Il reste cependant encore 150 sièges à pourvoir à la Chambre basse, cette fois selon un système de liste où le vote populaire importera davantage. Le Sénat devrait en tous cas priver le Pheu Thai d'accéder aux commandes du pays.

Avant d'organiser ces élections maintes fois repoussées, la junte a en effet pris soin de s'octroyer la nomination des 250 sénateurs. Il lui suffit donc d'obtenir en tout 126 sièges à la Chambre des représentants pour garder le contrôle du royaume. Et la junte devrait pouvoir compter sur une alliance notamment avec le Parti démocrate, traditionnelle formation des conservateurs.

Le Pheu Thai doit, lui, gagner au total 376 sièges pour pouvoir former un gouvernement. Une équation très difficile à réaliser, même s'il s'allie avec un nouveau parti qui a nettement percé lors de ce scrutin, Future Forward ("En avant l'avenir"). Cette nouvelle force d'opposition créée par le télégénique milliardaire Thanatorn Juangroongruangkit, très populaire auprès des jeunes, a obtenu plus de 5 millions de suffrages.

Accusations de fraude

Mais au lendemain des élections législatives thaïlandaises, les accusations d'achats de vote et de partialité de la Commission électorale, nommée par les militaires, se sont multipliées.

"Tout le monde sait en Thaïlande, toute la communauté internationale qui a observé le scrutin sait qu'il y a eu des irrégularités", a déclaré l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra, évincé en 2006 par les militaires, dans un entretien avec l'AFP, dénonçant "des élections truquées".

Près de 2 millions de bulletins ont d'ores et déjà été invalidés en raison d'un système de cochage prêtant à confusion. Ces irrégularités présumées agitaient les réseaux sociaux : une pétition en ligne a déjà recueilli plus de 400 000 signatures pour demander la dissolution de la Commission électorale, "la plus corrompue de l'histoire de la Thaïlande".

"Il y a eu des signalements d'achat de votes, d'irrégularités dans le dépouillement et d'intimidation des membres des partis d'opposition", a dénoncé Sunai Phasuk, de l'ONG Human Rights Watch. À cela s'ajoute, depuis des semaines, "une concurrence inéquitable en faveur du Palang Pracharat", grâce à un "contrôle des ressources de l'État, de l'accès aux médias d'État", souligne-t-il.

Populaires dans les régions rurales et pauvres peuplées du nord et du nord-est, les partis "rouges" ont remporté toutes les élections depuis 2001, mais ils sont privés sur le terrain de leurs figures emblématiques : Thaksin Shinawatra et sa sœur Yingluck, évincés par des coups d'État en 2006 et 2014, vivent en exil pour échapper à des poursuites qu'ils jugent politiques.

Avec AFP