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Un Premier ministre qui boycotte le Sénat, un air de déjà-vu

Édouard Philippe a sciemment boudé, jeudi, la séance de questions au Sénat, après la saisine de la justice par les sénateurs des cas d'Alexandre Benalla et surtout de proches d'Emmanuel Macron. Un boycott pas si exceptionnel dans la Ve République.

Jeudi 21 mars, le premier ministre Édouard Philippe ne s'est pas rendu à la traditionnelle séance des questions au Sénat. Une manière d'ignorer la chambre haute qui a annoncé plus tôt dans la journée sa décision de saisir la justice des cas d’Alexandre Benalla, de Vincent Crase, et surtout de trois collaborateurs de l’Élysée, dont Patrick Strzoda, directeur de cabinet, Alexis Kohler, secrétaire général, et le général Lionel Lavergne. Fait rarissime ? Pas tant que cela, si l’on remonte le fil de l’histoire.

Une habitude de Pompidou

C’est même un grand classique entre 1962 et 1969. Dès les premières années de la Ve République, Georges Pompidou, alors Premier ministre du général de Gaulle, boude régulièrement les séances de questions-réponses des sénateurs. En cause, un désaccord profond entre le général de Gaulle et le président du Sénat, Gaston Monnerville.

En 1962, ce dernier s’oppose vivement au projet de référendum sur l’élection du président de la République au suffrage universel. Il qualifie de "forfaiture" le fait que Georges Pompidou ait accepté de signer le projet. En retour, le Premier ministre décline toute participation aux séances sénatoriales et envoie des secrétaires d’État pour représenter le gouvernement.

De cette guerre ouverte, c’est finalement le Sénat qui sortira vainqueur. En avril 1969, la victoire du "non" au référendum, qui porte notamment sur la réforme due la chambre huate donne raison aux sénateurs. Ce même "non" provoque la démission du général de Gaulle.

Jospin et "l’anomalie" du Sénat

La crise entre le Sénat et l’exécutif reprend de plus belle sous le gouvernement de Lionel Jospin. En avril 1998, le Premier ministre de cohabitation doit composer avec un Sénat à droite. Dans un entretien au Monde publié le 21 avril 1998, le chef du gouvernement socialiste qualifie l'institution "d'anomalie parmi les démocraties" en raison de son mode d'élection. "Je la perçois comme une survivance des chambres hautes conservatrices", poursuit-il. Joignant le geste à la parole, il ne se rend pas à la séance suivante des questions d'actualité de l’institution, prétextant qu'aucune question ne lui était adressée. Et s’attire ainsi les foudres des parlementaires.

Pas d’absence similaire signalée à l'Assemblée nationale, en tout cas sur les vingt dernières années. Les Premiers ministres, même malmenés par les députés, ont toujours répondu présent aux séances de questions, sauf en cas d’absence excusée.