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Jacinda Ardern, première ministre, "le réconfort et l’acier" de la Nouvelle-Zélande

L’attitude de la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, après l’attentat de Christchurch a suscité le respect et l’admiration du monde entier. Portrait d'un prodige politique projeté en pleine lumière par cette tragédie.

Les images d’elle, voile noir sur la tête, réconfortant les proches des victimes dès le lendemain de l’attentat qui a visé les fidèles de deux mosquées de Christchurch, en Nouvelle-Zélande, ont fait le tour du monde, suscitant respect et admiration. À seulement 38 ans, et occupant la fonction de Premier ministre depuis moins de deux ans dans un pays constamment éclipsé par son grand voisin australien, Jacinda Ardern aurait pu faire un faux pas au moment où la Nouvelle-Zélande était frappée par la plus importante tuerie de masse de son histoire. De l’avis de tous les commentateurs, cela n’a pas été le cas.

Au contraire, dans un éditorial publié après la venue de Jacinda Ardern sur les lieux de l’attentat qui a coûté la vie à 50   personnes, la journaliste politique du New Zealand Herald , Claire Trevett, écrivait : "Il ne pouvait pas y avoir de réponse symbolique plus puissante à la terreur infligée aux personnes tuées en train de prier à la mosquée que les images de la Première ministre voilée et le visage rempli de tristesse, aux côtés des membres de la communauté musulmane de Christchurch".

Soulignant que Jacinda Ardern, avait ainsi réussi à la fois à rassurer les musulmans du pays et à dissocier la Nouvelle-Zélande des motivations racistes revendiquées par l’auteur présumé de la fusillade, l’éditorialiste qualifiait ainsi la réponse mêlée de compassion et de fermeté de Jacinda Ardern : "le réconfort et l’acier".

Mardi 19   mars, quatre jours après l’attentat, Jacinda Ardern réaffirmait devant le Parlement son message de paix aux musulmans en débutant son discours par un "Assalamu alaykum" ("Que la paix soit avec vous"). "They are us" (littéralement "Ils sont ce que nous sommes") poursuivait-elle. La Première ministre a, en outre, annoncé jeudi l'interdiction de la vente des armes semi-automatiques et fusils d'assaut.

Élevée dans la foi mormone et DJ à ses heures perdues

Jacinda Ardern avait déjà été dans la lumière avant l’attentat de Christchurch, mais dans des circonstances autrement plus légères. Devenue mère pour la première fois durant son mandat, elle avait été acclamée par les féministes lorsqu’elle avait, en septembre 2018, amené son bébé à l'Assemblée générale de l'ONU à New York. Quelques mois plus tôt, elle avait fait sensation au sommet du Commonwealth en se présentant devant la reine Élisabeth   II avec une cape traditionnelle maori.

Si ces coups d’éclat et sa "coolitude" (elle a été DJ dans des festivals à ses heures perdues) avaient alors déjà déclenché une "jacindamania", tout le monde n’était pas convaincu. Le Washington Post relate ainsi qu’il y a quelques semaines, lors du sommet de Davos, u n gestionnaire de fonds occidental opérant dans la région Asie-Pacifique raillait la Première ministre néo-zélandaise en la qualifiant de "version moins exaspérante de Justin Trudeau, avec un pays plus facile à diriger" .

Fille d’un policier, élevée dans la foi mormone avant d’y renoncer en raison des positions homophobes de l’Église, elle a adhéré au parti travailliste néo-zélandais à l’âge de 17 ans. Après un passage à Londres par le cabinet de Tony Blair, alors Premier ministre britannique, Jacinda Ardern devient en 2008, à 28 ans, la plus jeune parlementaire néo-zélandaise. Moins de dix ans plus tard, en 2017, elle prend la tête du Parti travailliste et le leadership. Lorsque son parti remporte les législatives de septembre 2017, elle devient, à 37 ans, Première ministre. Un an et sept mois plus tard, la tragédie de Christchurch confère à Jacinda Ardern l'envergure politique que certains lui contestaient encore.