Édouard Philippe et la majorité ont riposté, jeudi, au rapport de la commission sénatoriale publié la veille sur l'affaire benalla, en dénonçant le non-respect de la séparation des pouvoirs.
Le Premier ministre s'est dit "déçu". Édouard Philippe a officiellement réagi, jeudi 21 septembre, au rapport de la commission sénatoriale sur l'affaire Benalla en déplorant un biais politique du texte qui critique la gestion de l'Élysée, et jugé que les sénateurs n'avaient pas respecté le principe de séparation des pouvoirs.
"Traditionnellement, la séparation des pouvoirs fait qu'il n'appartient pas ni à l'Assemblée nationale ni au Sénat de se prononcer sur l'organisation interne de la présidence de la République", a dit Édouard Philippe, soulignant que la justice est saisie de cette affaire qui "part d'une dérive personnelle".
"La commission d'enquête du Sénat et le Sénat ont choisi de se livrer à une appréciation qui est je crois très politique. Je n'en suis pas surpris mais comme j'ai un attachement très vif et très grand au principe de séparation des pouvoirs, j'en suis un peu déçu", a-t-il encore déploré.
La maturité de la démocratie
Le principe de séparation des pouvoirs a été "scrupuleusement respecté", affirment jeudi le président et les corapporteurs de la commission d'enquête du Sénat sur l'affaire Benalla, après les critiques de l'exécutif.
Le président de la commission des Lois, Philippe Bas (LR), et les deux auteurs du rapport d'enquête, Muriel Jourda (LR) et Jean-Pierre Sueur (PS), rappellent dans un communiqué, qu' "il importe aussi, pour la maturité de la démocratie, que la mission fondamentale du Parlement dans ses pouvoirs de contrôle soit pleinement respectée", soulignent-ils.
Respecter l'indépendance de la justice
Edouard Philippe comme selon la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, mettent en cause les recommandations faites par la commission sur la gestion et la sécurité de la présidence.
Edouard Philippe a souligné que la justice était saisie des différents aspects de l'affaire Benalla et qu'il fallait que chacun respecte son indépendance.
"J'observe avec beaucoup de rigueur ce principe, je crois que chacun peut l'observer : l'exécutif, le Parlement, doivent respecter l'indépendance du pouvoir judiciaire", a-t-il insisté, alors que les sénateurs ont demandé au Bureau du Sénat de saisir le ministère public de ce qui pourrait constituer selon eux des "faux témoignages" d'Alexandre Benalla et son ami Vincent Crase devant eux.
"Un grand serviteur de l'État"
Si pour l'heure Emmanuel Macron est resté silencieux, le Premier ministre a particulièrement pris la défense du secrétaire général de l'Élysée Alexis Kohler, qu'il a connu durant ses études à Sciences-Po. "Un grand serviteur de l'État", a-t-il fait valoir en critiquant des "recommandations incompréhensibles et souvent injustes" des sénateurs.
Outre Alexis Kohler, le Sénat a mis nommément en cause le directeur de cabinet d'Emmanuel Macron Patrick Strzoda et le général de brigade de gendarmerie Lionel Lavergne qui commande le Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR).
Ces récriminations du Premier ministre couronnent une contre-attaque massive de l'exécutif et la majorité, utilisant les mêmes arguments.
Comme Nicole Belloubet, qui a jugé mercredi "curieux qu'une commission d'enquête parlementaire enquête sur les services de l'Élysée". "Constitutionnellement ce n'est pas possible et ce n'est pas possible non pas pour des raisons politiques, ce n'est pas possible parce que c'est une question de séparation des pouvoirs", a martelé la garde des Sceaux sur LCI.
"Torpille politique"
Le patron de La République en marche Stanislas Guerini a de son côté accusé les sénateurs d'avoir agi "de façon totalement orientée politiquement".
"Ce rapport, c'est une sorte de torpille politique qui était fomentée par les sénateurs LR, socialistes", a-t-il insisté sur Radio Classique. "Il est fait pour abîmer l'Élysée (...) Je crois que c'est un jeu dangereux dans le moment que nous vivons dans notre démocratie que de jouer à ce petit jeu-là politique", a-t-il ajouté.
Pour le ministre chargé des Relations avec le parlement Marc Fesneau, la commission pose "manifestement un regard politique sur le fonctionnement de l'Élysée". Les sénateurs ont émis "des hypothèses sans apporter la preuve de quoi que ce soit", a-t-il dénoncé sur Public Sénat.
François Bayrou, le président du MoDem, partenaire de la majorité présidentielle, a lui déploré une "certaine délectation à pointer du doigt" d'éventuelles dérives à l'Élysée. Il a néanmoins jugé que "le pouvoir" devait être attentif à "ce qui doit être corrigé dans la manière dont sont organisées les institutions et leurs pratiques".
Membres de la commission d'enquête, le patron des sénateurs socialistes Patrick Kanner s'est désolé sur BFMTV d'être "le bouc émissaire de l'exécutif", a-t-il renchéri, le sénateur LR François Grosdidier regrettant lui "une fuite en avant" du gouvernement.
Avec AFP et Reuters