
À l'issue d'un sommet convoqué d'urgence, les principaux pays d'Amérique latine ont condamné l'accord prévoyant le déploiement de forces américaines en Colombie, et plus largement "la présence des forces étrangères" dans la région.
AFP - Les présidents sud-américains ont adopté un texte de compromis pour surmonter la crise provoquée par un accord militaire américano-colombien, dans lequel ils lancent un avertissement contre "la présence de forces militaires étrangères" dans la région.
Les chefs d'Etat "réaffirment que la présence de forces militaires étrangères ne peut (...) menacer la souveraineté et l'intégrité d'un pays sud-américain et en conséquence la paix et la sécurité de la région", selon la déclaration finale du sommet de l'Union sud-américaine des nations (Unasur) organisé vendredi à Bariloche, dans l'ouest de l'Argentine.
Le texte fait ainsi référence, sans les nommer, aux nouvelles forces que les Etats-Unis s'apprêtent à déployer en Colombie. Mais il peut s'appliquer aussi à d'autres forces étrangères qui pourraient être déployées en Amérique du sud.
Cette réunion avait été convoquée pour désamorcer la crise régionale provoquée par l'annonce de cet accord qui prévoit que les Etats-Unis puissent avoir accès à sept bases militaires colombiennes.
Les présidents ont appelé également à "une réunion extraordinaire de ministres des Affaires étrangères et de la Défense pour qu'ils arrêtent des mesures de renforcement de la confiance et la sécurité", selon le texte.
Lors de la réunion, le président du Brésil, Luiz Inacio "Lula" da Silva a demandé à Bogota de garantir que l'équipement et le personnel ne puissent pas être utilisés à d'autres buts que ceux qu'elle a déclarés. "L'accord ne l'interdit pas et qui n'interdit pas permet", a résumé Lula.
La présidente argentine Cristina Kirchner a, elle, appelé ses homologues dès le début du sommet à "arrêter une doctrine sur la façon dont l'Unasur devra considérer l'installation de bases d'un pays qui ne fait pas partie de l'Amérique du sud sur l'un de nos territoires".
"Demain, un autre pays pourra vouloir faire la même chose (avec une autre puissance étrangère) et il ne peut y avoir deux poids deux mesures", a-t-elle fait valoir.
Quelque 300 militaires américains sont déjà basés dans le pays sud-américain dans le cadre du "Plan Colombie" de lutte contre le trafic de drogue, mais le nouvel accord permettrait aux Etats-Unis de déployer jusqu'à 800 soldats et 600 civils.
Le président colombien Alvaro Uribe a assuré que son pays "ne renonce pas à sa souveraineté" en concluant ce pacte avec Washington. Il a cité "l'article 3 de l'accord qui stipule qu'on ne peut utiliser (ces bases) pour s'immiscer dans les affaires intérieures d'un autre Etat".
Le président vénézuélien Hugo Chavez, chef de file de la gauche antilibérale en Amérique latine, a néanmoins affirmé que cet accord américano-colombien masquait "une stratégie globale de domination des Etats-Unis".
Pour appuyer sa démonstration, il a brandi un Livre Blanc du commandement aérien américain, dans lequel ce dernier affirme que la base colombienne de Palanquero permettra une meilleure "mobilité" à ses forces.
"Il s'agit, vous l'avez compris, de mobilité pour faire la guerre", a estimé M. Chavez.
Les présidents de l'Unasur ont demandé au Conseil sud-américain de Défense d'"examiner" ce livre blanc.
Pour le Venezuela et l'Equateur, voisins de la Colombie et fers de lance de la gauche radicale latino-américaine, l'accord américano-colombien représente une menace pour la stabilité régionale.
Les dirigeants brésilien et argentin ont également soutenu la proposition du président équatorien Rafael Correa de solliciter une rencontre avec le président américain Barack Obama sur cette question ultra-sensible.