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Un tortionnaire syrien présumé mis en examen en France pour complicité de crimes contre l'humanité

Abdulhamid A., un ancien membre des renseignements du régime de Bachar al-Assad, a été mis en examen vendredi à Paris pour "complicité de crimes contre l'humanité". Deux autres suspects ont été parallèlement arrêtés en Allemagne.

C'est une première en France dans la traque des responsables d'exactions attribuées au régime de Bachar al-Assad. Vendredi 15 février, un Syrien a été mis en examen à Paris et écroué pour "complicité de crimes contre l'humanité" commis dans son pays.

Abdulhamid A. a été interpellé mardi en région parisienne. Né en 1988, il est soupçonné d'avoir participé aux exactions commises contre les populations civiles par le régime syrien entre 2011 et 2013, alors qu'il était membre des services de renseignement locaux, selon une source proche du dossier. Il a été placé en détention provisoire, conformément aux réquisitions du parquet de Paris.

Après quatre jours de garde à vue, cet homme avait été déféré vendredi au parquet de Paris. Celui-ci a ouvert une information judiciaire pour "actes de torture", "crimes contre l'humanité" et "complicité de ces crimes", a annoncé le ministère public.

Selon la source proche du dossier, Abdulhamid A. avait été signalé en janvier 2018 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Une enquête conjointe avec l'Allemagne

Les investigations ayant conduit à ce suspect étaient menées par le pôle "crimes contre l'humanité, crimes et délits de guerre" du parquet de Paris, dans le cadre d'une équipe d'enquête commune avec l'Allemagne.

Deux autres Syriens ont aussi été arrêtés mardi outre-Rhin, à Berlin et Zweibrücken (Rhénanie-Palatinat, ouest de l'Allemagne), de "manière coordonnée", selon le parquet. Ils sont aussi soupçonnés d'être des membres des moukhabarat, les services de renseignement syriens, dans la région de Damas, avait indiqué mercredi le parquet fédéral de Karlsruhe dans un communiqué. Ils ont, selon la même source, quitté leur pays dès 2012 avant de gagner l'Allemagne et d'y demander l'asile.

Anwar R., 56 ans, aurait été complice de tortures commises par les services secrets syriens dans une prison. Eyad A., 42 ans, est soupçonné d'avoir participé au meurtre de deux personnes et aux tortures infligées à au moins 2 000 personnes entre juillet 2011 et janvier 2012.

Les enquêteurs s'appuient notamment sur des témoignages de victimes de ces tortures.

L'"enquête César"

Ces investigations sont directement liées à l'enquête dite "César", ouverte côté français en septembre 2015, plusieurs mois après qu'un ancien photographe de la police militaire syrienne, exfiltré sous ce pseudonyme, avait révélé en 2014 des photographies de corps torturés et suppliciés dans les prisons du régime entre 2011 et 2013. Cet homme s'était enfui de Syrie en 2013, en emportant avec lui 55 000 photographies effroyables.

Les trois arrestations, réalisées en vertu de la compétence universelle dont disposent l'Allemagne et la France notamment en matière de crimes contre l'humanité, ont été saluées par la FIDH, qui a annoncé son intention de se porter partie civile dans le dossier.

"Ces procédures (...) restent pour l'instant le seul espoir de justice pour les centaines de milliers de victimes des crimes commis en Syrie", a fait valoir l'ONG dans un communiqué, soulignant que la perspective d'une saisine de la Cour pénale internationale restait "bloquée en raison des véto russes et chinois au Conseil de sécurité de l'ONU".

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), au moins 60 000 personnes sont mortes sous la torture ou à cause des terribles conditions de détention dans les prisons du régime, où un demi-million de personnes ont au total été incarcérées depuis 2011, début du sanglant conflit en Syrie.

La Commission d'enquête de l'ONU a accusé maintes fois les différentes parties en conflit en Syrie de commettre des crimes de guerre, et dans certains cas, des crimes contre l'humanité. En novembre, la justice française avait délivré des mandats d'arrêt internationaux contre trois hauts responsables du régime de Bachar al-Assad, soupçonnés d'être impliqués dans des exactions ayant visé deux citoyens franco-syriens.

La guerre en Syrie a fait plus de 360 000 morts depuis 2011.

Avec AFP