Juan Guaido, l'opposant vénézuélien reconnu président par une partie de la communauté internationale, tente d'organiser l'arrivée d'une aide humanitaire dans le pays, vue comme le "prétexte" à une intervention militaire par Nicolás Maduro.
L'opposant Juan Guaido tente d'organiser l'arrivée et la distribution au Venezuela d'une aide humanitaire internationale, défiant le chef de l'État Nicolás Maduro qui y voit un "prétexte" pour justifier une éventuelle intervention armée étrangère.
À Caracas, le Parlement, qui est la seule institution vénézuélienne contrôlée par l'opposition, a approuvé mardi 5 février un plan stratégique pour la distribution de vivres et de médicaments depuis la Colombie et le Brésil. "Il y a entre 250 000 et 300 000 Vénézuéliens qui risquent de mourir", a affirmé Juan Guaido, reconnu "président en charge" par une quarantaine de pays.
Un député d'opposition, Miguel Pizarro, chef de la commission parlementaire sur l'aide humanitaire, a déclaré que l'attention allait se concentrer sur la façon de faire franchir la frontière à cette aide internationale. La Croix-Rouge vénézuélienne s'est dite prête à distribuer de l'aide humanitaire, mais une fois qu'elle sera au Venezuela.
"Le Venezuela n'a pas besoin de demander l'aumône"
Ottawa a promis lundi une aide de 40 millions de dollars destinée au peuple vénézuélien, s'ajoutant aux 20 millions de dollars d'aide annoncés par Washington, qui par ailleurs n'écarte pas une intervention militaire. L'Union européenne a débloqué mardi une aide de 5 millions d'euros (7,5 millions de dollars).
"Ici au Venezuela, personne ne va entrer, pas un soldat envahisseur", a rétorqué le président chaviste, qui est soutenu par la Russie, la Chine, la Turquie, Cuba et l'Iran. "Ils veulent envoyer deux petits camions avec quatre marmites. Le Venezuela n'a pas besoin de demander l'aumône. S'ils veulent aider, qu'ils mettent fin au blocus et aux sanctions", a ajouté Nicolás Maduro, assurant qu'il ne permettrait pas qu'on "humilie" le Venezuela avec un "show d'aide humanitaire".
Nicolás Maduro accuse Washington – avec qui il a rompu les relations diplomatiques – d'utiliser Juan Guaido comme un "pantin" pour le chasser du pouvoir et mettre la main sur les énormes réserves de pétrole du Venezuela. Il reproche aux Européens de soutenir ces "plans putschistes" américains.
Fort de la reconnaissance d'une vingtaine de pays de l'UE, outre celle des États-Unis, du Canada et d'une douzaine de capitales latino-américaines, Juan Guaido va demander la protection des comptes bancaires et actifs vénézuéliens à l'étranger. À partir du 28 avril, Washington va interdire aux autres pays et institutions étrangères d'utiliser le système financier américain pour acheter le pétrole vénézuélien.
L’opposition met en garde l'armée contre tout blocage de l'aide
Juan Guaido exige des militaires qu'ils laissent entrer l'aide humanitaire au Venezuela. Il a dit soupçonner l'armée, qui soutient Nicolás Maduro, de vouloir "voler" les lots d'aide pour les redistribuer au nom du gouvernement.
L'armée vénézuélienne franchira une "ligne rouge" si elle empêche l'entrée de l'aide humanitaire au Venezuela, a prévenu le député Miguel Pizarro. Ce dernier a ironisé sur le gouvernement qui "veut faire croire au monde entier que l'aide humanitaire est le moyen de dissimuler un Marine plié dans un carton pour qu'il puisse prendre le pouvoir par les armes".
Dans la soirée, un député de l'opposition, Franklin Duarte, a affirmé à l'AFP que des militaires vénézuéliens avaient bloqué un pont situé sur la frontière avec la Colombie. L'accès au pont de Tienditas, qui relie les localités de Cucuta (Colombie) et d'Urena (Venezuela), a été barré par un camion-citerne et un grand conteneur, a constaté une équipe de l'AFP sur place.
"Des effectifs de l'armée ont bloqué le passage" dans l'après-midi, a affirmé à l'AFP Franklin Duarte, qui est député de l'État frontalier de Tachira. Selon des informations de presse, ce pont devait cependant être l'une des voies choisies pour l'entrée d'aide humanitaire internationale au Venezuela. Mais le député a déclaré que "cela n'avait pas été décidé" pour le moment.
Les habitants du Venezuela, autrefois le pays le plus riche d'Amérique latine, sont confrontés à de graves pénuries de vivres et de médicaments, ainsi qu'à une inflation galopante. Depuis 2015, quelque 2,3 millions d'entre eux se sont exilés, sur une population totale de 31 millions d'habitants.
"Faux dialogue"
Sur le plan institutionnel, le Parlement a adopté mardi une loi fixant à 12 mois la durée maximale d'un éventuel gouvernement de transition qui serait présidé par Juan Guaido. Cette période débuterait lorsque cesserait ce que cette assemblée contrôlée par l'opposition considère comme "l'usurpation" du pouvoir par Nicolás Maduro.
Cherchant une sortie pacifique à la crise, un groupe de contact formé par l'UE et quatre pays d'Amérique latine (Bolivie, Costa Rica, Equateur et Uruguay) tiendra une première réunion jeudi à Montevideo avec le soutien de Nicolás Maduro. Le Mexique, qui ne fait pas partie du groupe de contact, prendra part à la réunion. Juan Guaido a refusé de participer à ce qu'il a appelé un "faux dialogue".
Le pape François, dont le président chaviste a sollicité l'intervention dans la crise vénézuélienne, a souligné qu'une éventuelle médiation du Vatican nécessitait l'accord des deux parties. "Je verrai ce qui peut être fait", a dit le pape dans l'avion qui le ramenait à Rome après une visite aux Émirats arabes unis.
Avec AFP