Vidé de ses pouvoirs, le Parlement vénézuélien est depuis décembre 2015 le fer de lance de l'opposition à Nicolás Maduro. L'autoproclamation de Juan Guaido, son dirigeant, en tant que "président par intérim" est le dernier acte d'un long bras de fer.
Un pays, deux présidents. C'est la situation dans laquelle se trouve le Venezuela depuis le 20 janvier lorsque le président du Parlement, Juan Guaido, s'est autoproclamé "dirigeant par interim" du pays. Le député de 35 ans estime que le second mandat du président Nicolás Maduro n'est pas légitime.
Entre Nicolas Maduro, l'héritier du chavisme, et le Parlement vénézuélien, aux mains de l'opposition depuis décembre 2015, le conflit est latent, le chef d’État n'ayant eu de cesse de vider l'institution législative de sa substance.
• Décembre 2015 : la victoire de l'opposition aux législatives
Les deux premières années au pouvoir de Nicolas Maduro sont marquées par les arrestations successives de Leopoldo Lopez et d'Antonio Ledezma, deux opposants accusés de fomenter un coup d'État. La fin de l'année de 2015 est tout de même porteuse d'espoir pour l'opposition au chavisme rassemblée au sein de la coalition, la Table de l'unité (MUD). Elle remporte les élections législatives, une première en seize ans.
Le prix du pétrole, qui génère 96 % des revenus du Venezuela, est alors à son plus bas en 7 ans. Des graves pénuries d'aliments et médicaments éclatent du pays. La Mud s'appuie largement sur le mécontentement croissant de la population pour prendre le contrôle de l'Assemblée nationale. Elle dispose alors de 112 députés contre 55 pour le pouvoir le chaviste.
• 2016 : bataille autour du référendum révocatoire
Les mois qui suivent vont cependant exacerber le conflit entre le pouvoir exécutif et législatif. Quatre députés de l'État d'Amazonas, dont trois de l'opposition, se voient accusés de fraudes par la Cour suprême vénézuélienne, dont les juges sont majoritairement issus des rangs chavistes. La Mud refuse de retirer ses trois députés pour ne pas perdre sa majorité des deux tiers qui lui aurait permis de convoquer un référendum révocatoire pour faire démissionner Maduro.
Dans la rue, les manifestations anti-Maduro se succèdent au fil des mois.
• Mars 2017 : la Cour suprême s'arroge les pouvoir du Parlement
La tension entre les deux institutions monte jusqu'en mars 2017. La Cour suprême s'octroie les pouvoirs de l'Assemblée nationale. Face à la pression de la communauté internationale, la Cour suprême revient finalement sur sa décision. Trop tard, le coup de force constitutionnel a déclenché une vague de manifestations qui durent plusieurs mois, faisant près de 130 morts majoritairement dans les rangs de l'anti-chavisme.
• Juillet 2017 : la Constituante remplace le Parlement
Pour sortir de cette crise, Nicolas Maduro mise sur la convocation d'une Assemblée constituante visant à rénover la vie politique vénézuélienne en proposant une nouvelle constitution.
Le scrutin du 30 juillet est cependant boycotté par l'opposition. Les chavistes obtiennent donc une majorité écrasante dans cette nouvelle assemblée qui s'attribue l’essentiel des pouvoirs jusqu'ici dévolus au Parlement.
• Mai 2018 : une présidentielle boycottée et décriée
Des discussions entre le gouvernement du Venezuela et l'opposition sont interrompues après un désaccord concernant les modalités de l'élection présidentielle en février 2018. Dans la foulée, le gouvernement annonce que le vote sera organisé dès le mois de mai.
Après leur courte défaite en 2013, les grands partis de l'opposition décident de boycotter cette nouvelle échéance électorale en dénonçant à l'avance des fraudes. Nicolas Maduro est donc réélu sans problème. L'opposition, les États-Unis et les pays membres du groupe de Lima (une organisation panaméricaine réunissant 14 États) refusent de reconnaître les résultats.
• Janvier 2019 : Juan Guaido, de président du Parlement à président autoproclamé
Le 10 janvier 2019, Nicolas Maduro prête serment pour son second mandat. Cinq jours plus tôt, Juan Guaido était devenu, à 35 ans, le plus jeune président du Parlement. Il s'était fait remarquer en traitant le chef de file du chavisme d'"usurpateur".
Le jeune député va plus loin. Le 23 janvier, il se déclare chef de l'État par intérim. Le président américain Donald Trump le soutient immédiatement tout comme les pays du Groupe de Lima à l'exception du Mexique. La France, l'Allemagne et l'Espagne donnent huit jours à Nicolás Maduro pour annoncer de nouvelles élections, soit jusqu'au 3 février, faute de quoi ils reconnaîtront Juan Guaido.