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La Libye fêtera avec faste, mardi, le 40e anniversaire de l'arrivée au pouvoir de Mouammar Kadhafi. Traité durant des décennies de chef d'État "terroriste", le numéro un libyen aura su changer son image auprès des Occidentaux.

Régnant en maître absolu sur la Libye, pays riche en pétrole, le colonel Mouammar Kadhafi célèbre mardi prochain l'anniversaire de son accession au pouvoir, quarante ans après le coup d’Etat du 1er septembre 1969 contre le roi Idriss Ier.

Le comité d’organisation des festivités a annoncé la participation de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement occidentaux, comme le président français Nicolas Sarkozy, le président russe Dmitiri Medvedev et son Premier ministre  Vladimir Poutine, en plus d’une cinquantaine de chefs d’Etat africains.

Cependant, la France a démenti la participation de Nicolas Sarkozy aux festivités. Il sera représenté "à un niveau qui n'a pas encore été déterminé", a précisé l’Elysée jeudi à l'AFP.

Pour Borhane Ghalioune, professeur en sciences politiques à l’université de la Sorbonne, ce revirement serait le résultat de pressions internes."Il est tout de même difficile pour un président français de participer à ce genre de mascarade. Y compris pour Nicolas Sarkozy qui, on le sait, cherche à tout prix à glaner de nouveaux contrats avec Tripoli et à consolider son projet de l’Union pour la Méditerranée", explique-t-il à FRANCE 24.

 Une diplomatie en clair-obscur

 Après quarante ans d’exercice, le bilan politique du dirigeant libyen est pour le moins contrasté. Kadhafi a bien du mal à présenter une figure de chef d’Etat fréquentable. Personnage ambigu et contradictoire, sa politique étrangère est marquée par des volte-face répétées.

Le Guide avait multiplié les efforts pour briser l’isolement auquel était confronté son pays à la suite de ses activités terroristes dans les années 1980. Cédant à la pression de la communauté internationale, Khadafi avait accepté, sans conditions, le démantèlement de son arsenal nucléaire en 2003. Mais l’histoire n’a eu de cesse de montrer que tout rapprochement avec Tripoli pouvait s’avérer périlleux.

La dernière incartade du chef libyen remonte à la semaine dernière où il a accueilli Abdelbasset Al Megrahi - condamné pour l’attentat de Lockerbie en 1988 - en héros national après sa libération, au grand dam des autorités britanniques. Il avait pourtant accepté de le livrer à la justice écossaise en 1992 et de dédommager les familles des victimes.

Visite embarrassante

La France a, elle aussi, eu à subir les frasques du Libyen. L’accord d’indemnisation de 2003 entre la Libye et les familles des victimes majoritairement françaises de l’attentat – attribué aux services secrets libyens – contre l’avion DC10 d’UTA en 1989 avait été accueilli comme un signe encourageant. Cet accord avait d’ailleurs entraîné la levée des sanctions de l’ONU contre la Libye.

Pour autant, la visite de Kadhafi en France en décembre 2008 a été des plus embarrassantes pour Paris. Le leader libyen avait en particulier exigé l’installation d’une tente bédouine dans les jardins de l’hôtel Marigny pour recevoir ses hôtes, ignorant ostensiblement les règles protocolaires en usage. Un caprice d’autant plus malvenu que le chef d’Etat Kadhafi était reçu au lendemain de l’affaire des infirmières bulgares, détenues à Tripoli et libérées en partie grâce à l’entremise de l’ex-épouse du président français.

Qui pour lui succéder ?


La question de la succession du Guide, âgé bientôt de 70 ans et père de cinq enfants, se pose de façon d’autant plus préoccupante que la Libye est un partenaire pétrolier hautement convoité par les entreprises occidentales.

Famille et diplomatie ne font qu'un dans la Libye de Khadafi. En témoignent les représailles décidées contre la Suisse après l’arrestation à Genève de son fils Hannibal et de son épouse, accusés tous deux de violences contre leurs domestiques. Tripoli a cessé de fournir le petit pays en gaz, retiré près de 30 milliards de dollars de ses banques et exigé des excuses officielles à l’Etat suisse. Berne a fini par obtempérer.

Les observateurs politiques voient en son fils Saif al-Islam le possible successeur. Jugé plus modéré que son père, rompu à la mentalité occidentale, il est considéré comme l’artisan principal du retour de Tripoli sur la scène internationale. Toutefois, estime Kamel Meraïche, journaliste libyen basé à Paris, rien n’indique que c’est lui qui prendra les rênes du pouvoir dans le futur. "Il convient d’être prudent car personne ne sait ce qui trotte vraiment  dans la tête de Kadhafi."

A peine ouverte, la succession de Kadhafi attise déjà les convoitises. Confirmera-t-il à son fils Saif al-Islam le rôle de dauphin, ou tournera-t-il casaque en choisissant de propulser l’un de ses autres enfants à la tête du pays? La communauté internationale n’a pas fini d’être sur ses gardes.