
Après avoir démissionné de son poste de PDG de Renault, Carlos Ghosn pourrait toucher plusieurs millions d’euros au titre de son "package" de sortie. Un sujet politiquement sensible pour l’État, actionnaire de référence du groupe.
La page Carlos Ghosn n’est pas encore entièrement tournée pour Renault. Malgré sa démission, annoncée par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, jeudi 14 janvier, il reste encore un très épineux dossier à régler qui devrait nourrir la saga Ghosn jusqu’à juin 2018 : les sommes versées à l’ex-PDG pour solde de tout compte.
Les actionnaires doivent, en effet, valider à l'occasion d'une assemblée générale, le 14 juin , le “package” de sortie de son patron démissionnaire. La question aurait également dû être évoquée lors du conseil d’administration, qui a nommé le tandem Jean-Dominique Sénard et Thierry Bolloré à la tête du groupe jeudi. Il n’en a rien été et le groupe a remis le sujet à plus tard.
Politiquement explosif
Pas étonnant : dans le contexte de la crise des Gilets jaunes sur fond de pouvoir d’achat en berne et d ’ accusations de malversations financières qui pèsent sur Carlos Ghosn au Japon, le gouvernement français sait que le sujet est politiquement explosif. D’autant plus que l’État, actionnaire de référence de Renault, a son mot à dire sur la question. Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, a assuré qu’il serait “extrêmement vigilant sur la question”.
“Il doit partir avec seulement ce qu’on lui doit”, a affirmé Fabien Gache, délégué CGT à Renault, sur France Info, jeudi. Plus facile à dire qu’à faire. Une chose semble sûre : Carlos Ghosn ne touchera pas d’indemnités de départ, d’après les informations recueillies par Les Échos.
Mais, il aura néanmoins droit à un strict minimum qui peut déjà paraître très élevé : un million d’euros au titre de sa rémunération fixe pour l’année 2018. Et ce n’est pas tout. Carlos Ghosn peut également obtenir sa part de salaire variable, bien plus complexe à calculer, sujette à interprétation et potentiellement à controverses.
Cette dernière, indexée notamment sur la performance du groupe, ne peut s’élever à plus de 100 % du fixe de l’ex-PDG, avait décidé l’assemblée générale des actionnaires en 2018. Pour Carlos Ghosn, le montant pourrait avoisiner au mieux 250 000 euros. La part variable est en effet composée, pour un quart, d’un chèque et, pour le reste, d’actions gratuites Renault. Mais, pour en bénéficier, Carlos Ghosn devra être “présent au sein de l’entreprise” en 2022, d’après le document de référence boursier de Renault. Il y a peu de chances que l’assemblée générale des actionnaires, habilité à valider l’octroi de ces titres, juge un tel scénario possible.
Actions gratuites et droit à la retraite
Carlos Ghosn peut aussi demander la liquidation d’actions qu’il a accumulées au fil de son règne. Le schéma prévu dans le document de référence boursier de Renault prévoit que le PDG peut convertir les titres qu’il détient seulement après une période de quatre ans. En d’autres termes, il peut réclamer la valeur des actions reçues en 2014, soit un nouveau chèque d’un peu plus d’un million d’euros, d’après les calculs des Échos. Sauf que la période de quatre ans s’achève début février et qu’il doit encore être “au sein de la société” à ce moment-là. Il reviendra au conseil de rémunération de définir le sens de l’expression “au sein de la société” et d’en tirer les conséquences pour le dernier chèque à verser à son ex-patron.
En outre, Carlos Ghosn est censé recevoir une indemnité de non-concurrence, censée garantir que le chef d’entreprise n’ira pas faire bénéficier un concurrent de ses talents dans les deux prochaines années. En théorie, le plus célèbre des prisonniers français au Japon a droit à deux années de salaire (fixe et variable) au titre de cette clause, soit quatre millions d’euros. Mais cette indemnité est soumise à l’approbation de l’assemblée des actionnaires, qui risque de s’y opposer.
Un dernier casse-tête concerne la retraite du PDG démissionnaire. Carlos Ghosn devrait fêter en mars ses 65 ans, ce qui lui donnerait droit à une pension annuelle versée par Renault comprise entre 700 et 800 000 euros. Mais, là encore, cette retraite est assortie d’une condition de présence au sein de l’entreprise au moment où il soufflera ses 65 ans. Il reviendra donc à l’actionnaire, dont l’État, de fixer le montant de la retraite. Voire même de ne rien lui payer. Les semaines, voire les mois qui viennent, risquent de donner lieu à d'intenses tractations entre la direction de Renault, l'État et les avocats de Carlos Ghosn.