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Les femmes démocrates ouvrent le bal des candidatures à la Maison Blanche

, correspondante à Washington – Dans un Parti démocrate sans réel leader, ce sont des femmes qui ont ouvert le bal des candidatures à la Maison Blanche ces dernières semaines. Parmi elles, la charismatique Kamala Harris et l'ultra progressiste Elizabeth Warren se détachent.

  • Kamala Harris, une "Obama au féminin"

C’est la dernière candidate démocrate en date aux États-Unis : Kamala Harris, 54 ans, vise la Maison Blanche. La sénatrice californienne a fait son annonce lundi 21 janvier, un jour férié en hommage au héros des droits civiques assassiné Martin Luther King. Une manière symbolique de souligner ses origines, jamaïcaine et indienne, pour celle qui est souvent comparée à l’ancien président Barack Obama.

Comme lui, elle n’en est qu’à son premier mandat de sénatrice, et pourtant elle se lance déjà dans la course à la mandature suprême. Si elle était élue en 2020, Kamala Harris serait la première femme, mais aussi la première Afro-américaine et la première Américaine d’origine asiatique à devenir présidente.

Cependant, cette nouvelle venue dans la politique nationale veille à ne pas tomber dans les mêmes travers qu’Hillary Clinton, à qui on a reproché d’avoir trop insisté sur les questions d’identité durant sa campagne. La Californienne, mariée, sans enfant, préfère avancer sa vision rassembleuse de la société. Elle a déclaré que sa campagne serait concentrée sur "le peuple", avec pour slogan "For the people".

I'm running for president. Let's do this together. Join us: https://t.co/9KwgFlgZHA pic.twitter.com/otf2ez7t1p

  Kamala Harris (@KamalaHarris) 21 janvier 2019

"Ne mettons pas les gens dans des cases", a-t-elle lancé lundi. "Quand une mère se reveille au milieu de la nuit - qu’elle vienne de Compton (ville défavorisée du comté de Los Angeles, NDLR) ou du Kentucky - c’est à cause des mêmes soucis. Elle se demande comment elle va pouvoir élever ces bébés, comment elle va pouvoir pouvoir payer le loyer à la fin du mois, et comment elle va pouvoir prendre sa retraite avec dignité."

Pour les primaires, Kamala Harris peut compter sur le soutien de l’État qui l’a élue sénatrice il y a deux ans, la Californie, terre érigée en fief de la résistance à Donald Trump. Elle y a fait carrière comme procureure, jusqu’à devenir la première femme élue procureure générale de l’État en 2010. Durant cette période, elle se fait connaître notamment pour son combat contre le trafic sexuel. Elle essuie cependant des critiques pour sa fermeté envers les prévenus et pour son soutien à la peine de mort.

Des positions qui pourraient, une fois les primaires passées, convaincre certains républicains modérés, même si elles lui aliènent la gauche du Parti démocrate. Plutôt centriste au départ, Kamala Harris est en effet critiquée par l’aile la plus progressiste de son camp. Son ralliement tardif à certains thèmes chers au socialiste Bernie Sanders et à la jeune garde menée par Alexandria Ocasio-Cortez, comme l’assurance santé universelle ou la légalisation du cannabis, est perçu par certains comme de l’opportunisme en vue de sa candidature à la Maison Blanche.

A-t-elle des chances de l’emporter ? Ces derniers mois, Kamala Harris s’est fait remarquer pour son charisme, son opiniâtreté et son talent oratoire. L’ex-procureure s’est illustrée en commission judiciaire du Sénat, où elle a posé des questions dures et insistantes, notamment lors de l’audition de Brett Kavanaugh. Son échange musclé avec ce juge accusé d’agression sexuelle, qui sera tout de même confirmé à la Cour suprême, est resté dans les annales.

Si la course aux primaires n’en est qu’à ses débuts, Kamala Harris est une candidate à prendre au sérieux. Vingt-quatre heures après l’annonce de sa candidature, elle a déjà levé 1,5 million de dollars auprès de 38 000 donateurs pour sa campagne.
 

  • Elizabeth Warren, à gauche toute

Elizabeth Warren, un visage bien connu chez les démocrates, a été la première à se lancer. Elle a créé, le 31 décembre dernier, un "comité exploratoire" en vue d'une candidature aux primaires.

La sénatrice du Massachusetts, en poste depuis 2013, a grandi dans une famille modeste de l'Oklahoma. Proche des idées de Bernie Sanders, avec qui elle partage un rejet de l'"establishment" et de la corruption au sein du gouvernement, cet ancienne professeure de droit à Harvard a fait de Wall Street son ennemi n° 1.

À l'inverse de Kamala Harris, Elizabeth Warren est adulée par la gauche du Parti démocrate. Toutefois, dans une Amérique plus polarisée que jamais, cet engagement ultra-progressiste peut lui coûter cher, certains républicains n'hésitant pas à la taxer d''élitiste gauchiste". Donald Trump ne l'épargne pas non plus. Il la surnomme depuis plusieurs mois "Pocahontas", une allusion à ses origines amérindiennes qu’elle a tenu à prouver en publiant un test ADN. La tribu Cherokee n'a pas apprécié.

Le Boston Globe, le journal de sa région, lui a d'ailleurs demandé dans un éditorial de ne pas se présenter, arguant qu'elle était devenue une "figure de division". Seulement 30 % des électeurs ont une opinion favorable de l'élue, selon un récent sondage.

Plus âgée que ses concurrentes, Elizabeth Warren, 69 ans, a tenté ces derniers temps de se donner une image plus décontractée. Peu après l'annonce de sa candidature, les internautes ont ainsi pu la voir discuter en direct sur Instagram, depuis sa cuisine, une bière à la main. Un moment de gêne qui a suscité de nombreuses railleries.

Au-dela de son image, certains éditorialistes américains se demandent si la candidate arrivera à gagner le vote d'un pan-clé de l'électorat démocrate, les Afro-Américains. Un obstacle déjà rencontré par Bernie Sanders avant elle.

  • Kirsten Gillibrand, défenseuse de #MeToo

Kirsten Gillibrand a choisi le plateau du "Late Show", l'émission populaire de Stephen Colbert, le 15 janvier, pour annoncer sa candidature. Cette mère de deux enfants a promis de se battre pour que "la santé soit un droit, pas un privilège", pour "de meilleures écoles publiques" et pour la classe moyenne, tout en combattant le "racisme institutionnel" et la "corruption à Washington".

TONIGHT: @SenGillibrand stops by @colbertlateshow to announce that she is forming an exploratory committee to run for President of the United States! #LSSC pic.twitter.com/vPUpF1gs8z

  The Late Show (@colbertlateshow) 15 janvier 2019

Cette sénatrice de l'État de New York s'est révélée ces derniers mois en devenant une voix puissante du mouvement #MeToo contre les violences sexuelles. Elle a notamment appelé le démocrate Al Franken à démissionner du Sénat après des accusations de conduite inappropriée, s'attirant les foudres de certains dans son parti. Elle s'est aussi battue pendant des années pour promouvoir les candidatures féminines en politique.

Certains taxent toutefois cette ancienne avocate d'affaires d'opportuniste. D'abord très modérée - elle fut jadis pro-armes à feu, ferme sur l'immigration et proche de Wall Street -, Kirsten Gillibrand, 52 ans, a adopté des positions de plus en plus progressistes à partir de 2009, date à laquelle elle a remplacée Hillary Clinton au Sénat. Elle s'est ensuite fait réélire deux fois. Elle est une opposante farouche à Donald Trump qu'elle n'hésite pas à attaquer sur Twitter.

  • Tulsi Gabbard, la candidate controversée

À 37 ans, Tulsi Gabbard est la plus jeune des candidates démocrates jusqu'ici et serait la plus jeune présidente du pays si elle remportait la présidentielle de 2020. La représentante d'Hawaï, en poste depuis 2013, est proche des idées de l'aile gauche du parti. Elle a soutenu Bernie Sanders en 2016. Parmi ses thèmes de campagne : l'accès à la santé, la réforme du système de justice criminelle ainsi que la lutte contre le changement climatique.

Cette ancienne militaire est aussi préoccupée par les dossiers internationaux et revendique une approche non-interventionniste. Elle est toutefois critiquée pour avoir rencontré le dirigeant syrien Bachar al-Assad en janvier 2017. "Si on dit se préoccuper réellement du peuple syrien, de sa souffrance, alors il nous faut pouvoir rencontrer tous ceux qui peuvent nous permettre d'arriver à la paix", s'est-elle défendue.

Ses commentaires passés sur les homosexuels et son opposition au mariage pour les personnes de même sexe dans les années 2000 lui ont aussi valu des critiques. Elle s'est excusée depuis. "J'ai été élevée dans un foyer très conservateur, avec des opinions et des croyances que je n'ai plus aujourd'hui. Comme beaucoup dans ce pays, mes vues ont évolué", a-t-elle expliqué récemment à CNN.