Le chef du Parlement du Venezuela, Juan Guaidó, s'est autoproclamé président par intérim du pays devant des milliers d'anti-Maduro à Caracas. Une annonce rejetée par l'armée vénézuélienne mais soutenue par plusieurs pays, dont les États-Unis.
En cette date historique au Venezuela, qui commémore les 61 ans de la chute de la dictature de Marcos Perez Jimenez, le 23 janvier 1958, Juan Guaidó, député de 35 ans, s'est autoproclamé président par intérim du pays, devant des milliers d'opposants à Nicolas Maduro à Caracas.
Une annonce rejetée dans la soirée par l'armée vénézuélienne. "Le désespoir et l'intolérance portent atteinte à la paix de la Nation. Nous, soldats de la patrie, nous n'acceptons pas un président imposé à l'ombre d'intérêts obscurs ni autoproclamé en marge de la loi. L'armée défend notre Constitution et est garante de la souveraineté nationale", a écrit le ministre de la Défense, Vladimir Padrino, sur Twitter.
Juan Guaidó a néanmoins reçu le soutien du président américain, Donald Trump, ainsi que la reconnaissance de l'Organisation des États américains, du Brésil, du Pérou, du Canada, de la Colombie, de l'Argentine et du Chili. L'Union européenne (UE) a de son côté appelé à écouter la "voix" du peuple du Venezuela et a réclamé des élections "libres et crédibles". L'UE espère lancer en février un groupe international de contact pour tenter de trouver une sortie à la crise, selon la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.
Prié de dire s'il pourrait envoyer des soldats américains au Venezuela, Donald Trump a répondu : "Nous n'avons rien prévu, mais toutes les options sont sur la table." Le Brésil a pour sa part écarté toute participation à une intervention militaire pour renverser le gouvernement de Nicolas Maduro. "Notre politique extérieure n'est pas d'intervenir dans les affaires internes d'autres pays", a déclaré le vice-président brésilien, Hamilton Mourao.
Nicolas Maduro n'a pas tardé à réagir en annonçant la rupture des relations avec les États-Unis. Il a donné 72 heures aux représentants diplomatiques américains pour quitter le pays. "Les États-Unis ne reconnaissent pas le régime de Maduro (...). Par conséquent, les États-Unis ne considèrent pas que l'ancien président Nicolas Maduro ait l'autorité légale pour rompre les relations diplomatiques avec les États-Unis ou pour déclarer nos diplomates persona non grata", a rétorqué le département d'État dans un communiqué.
De son côté, le Mexique maintient son soutien au gouvernement de Nicolas Maduro, ainsi que la Bolivie et Cuba, qui dénonce une "tentative de coup d'État".
Nuestras felicitaciones a @jguaido como Presidente encargado de #Venezuela. Tiene todo nuestro reconocimiento para impulsar el retorno del país a la democracia #23Ene #OEAconVzla pic.twitter.com/AWdjVHJtZj
Luis Almagro (@Almagro_OEA2015) 23 janvier 2019À la suite de l'annonce de Juan Guaidó, des heurts ont éclaté entre forces de l'ordre et partisans de l'opposition à Caracas, selon des journalistes de l'AFP. Treize personnes ont été tuées en deux jours dans le cadre des manifestations antigouvernementales qui ont secoué le Venezuela, a indiqué à l'AFP mercredi l'Observatoire vénézuélien des conflits sociaux (OVCS), organisation d'opposition au président Nicolas Maduro.
La télévision publique a diffusé des images de ce dernier, apparaissant au balcon du palais présidentiel pour saluer ses partisans. Nicolas Maduro a adressé un message à l'armée, priant les militaires de maintenir la discipline et l’unité. "Nous triompherons, encore une fois, nous en sortirons victorieux", a-t-il lancé.
Juan Guaidó, encore inconnu il y a quelques semaines, était déjà devenu le 5 janvier le plus jeune président du Parlement, unique institution contrôlée par l'opposition. C'est "un gamin qui joue à la politique", a dit de lui Nicolas Maduro.
#23Ene Ciudadanos en #Mérida también desbordaron las calles en rechazo a Nicolás Maduro. #TVVNoticias #TVVenezuela pic.twitter.com/mzQMkZrWVW
TVVenezuela Noticias (@TVVnoticias) 23 janvier 2019#FOTOS La Clase Obrera Petrolera está en la calle. Demostramos nuestro compromiso y lealtad con la Revolución Bolivariana y nuestro presidente @NicolasMaduro pic.twitter.com/N7OCSyMB4W@NicolasMaduro @dcabellor
PSUV (@PartidoPSUV) 23 janvier 2019Le jeune député a fait le pari d'une grande mobilisation contre le régime mercredi, qui a finalement réuni des dizaines de milliers d'opposants à Caracas et dans le reste du pays. Les commerces, écoles et institutions sont restés fermés, tandis que de rares véhicules étaient visibles dans les rues. Les violentes manifestations de 2017 qui ont fait 125 morts sont encore dans toutes les mémoires.
Peu avant la proclamation de Juan Guaidó, la Cour suprême vénézuélienne, plus haute juridiction du pays, composée de fidèles au régime, a annoncé avoir ordonné une enquête pénale contre les membres du Parlement, en les accusant d'usurper les prérogatives du président Maduro.
Chars anti-émeutes
Les appels à la mobilisation de mercredi ont été lancés dans un climat explosif, deux jours après le bref soulèvement d'un groupe de 27 militaires qui se sont retranchés quelques heures dans une caserne du nord de Caracas, en appelant à l'insurrection. Ceux-ci ont été rapidement arrêtés.
Dans la foulée du soulèvement des militaires, une trentaine d'émeutes ont été enregistrées dans des quartiers populaires de la capitale et de sa banlieue. Dans la nuit, des chars anti-émeutes ont patrouillé à Caracas. Cette insurrection s'est produite alors que l'opposition ne cesse d'appeler l'armée, considérée comme le principal soutien de Nicolas Maduro, à rompre avec le régime.
Le Parlement a notamment promis une "amnistie" aux membres de l'armée qui refuseraient de reconnaître le nouveau mandat du chef de l'État. Mardi, les députés ont approuvé cette proposition, défiant la décision de la Cour suprême, affiliée au régime, qui a déclaré nulles toutes leurs décisions.
"Ils ne peuvent pas déclarer inconstitutionnel le désir de changement d'un peuple", a affirmé Juan Guaidó, selon lequel le soulèvement des soldats traduit le mécontentement croissant au sein de l'armée.
Le nouveau mandat de Nicolas Maduro est contesté par l'opposition, qui dénonce des pressions sur les électeurs lors du scrutin du 20 mai et pointe la forte abstention.
L'Organisation des États américains (OEA), dont un grand nombre de membres jugent illégitime le deuxième mandat de Nicolas Maduro, doit se réunir jeudi en session extraordinaire pour examiner "les récents événements au Venezuela".
Avec AFP et Reuters