En Chine, le taux de croissance de 2018, rendu public lundi, n’a jamais été aussi bas depuis les années 90. Un ralentissement économique qui risque de perdurer, Pékin n’ayant plus les mêmes moyens d’action que par le passé.
La Chine n’avait plus connu un taux de croissance aussi faible depuis près de 30 ans. L’économie chinoise a progressé de seulement 6,6 % en 2018, a indiqué Pékin lundi 21 janvier, confirmant les craintes au sujet d’un ralentissement de la superpuissance asiatique.
Dans les colonnes du Monde, l’économiste chinois Xiang Songzuo compare même la situation actuelle à la crise économique de 1929. “Si vous regardez les performances boursières, c’est comparable. Dans les dix ans qui ont suivi 1929, Wall Street a baissé de deux tiers. Ces dix dernières années, les actions chinoises ont aussi baissé de 70 % en moyenne”, souligne-t-il.
Risque de décrochage incontrolé
Mais il faut savoir raison garder, estime Jean-François Dufour, spécialiste de l’économie chinoise et directeur du cabinet de conseil DCA Chine Analyse, contacté par France 24. “L’affolement autour des chiffres de la croissance chinoise est irrationnel”, affirme-t-il. Un taux de croissance annuel de 6,6 % reste élevé au regard des standards des économistes occidentales. “La richesse ajoutée à l’économie chinoise en 2018 est équivalente au PIB total du Pays-Bas”, rappelle cet expert.
Ce qui l’inquiète davantage, c’est la tendance à plus long terme. “Le risque serait un décrochage économique incontrôlé aux conséquences lourdes”, craint Jean-François Dufour. Un scénario catastrophe non seulement pour les Chinois, mais aussi pour les constructeurs japonais de pièces détachées automobiles, les fabricants français de produits de luxe ou encore Apple et ses iPhone.
Car le ralentissement chinois menace de se transformer en crise profonde. Non pas à cause des tensions commerciales sino-américaines qui “ne sont qu’un facteur aggravant”, selon Jean-François Dufour. Le problème est plus profond : l’économie chinoise croule sous les dettes. L’endettement des entreprises a, en effet, atteint 160 % du PIB alors qu’il n’est que de 75 % aux États-Unis. Le président chinois, Xi Jinping, essaie depuis environ trois ans de le réduire en coupant les investissements dans les infrastructures (donc les prêts accordés aux entreprises), ce qui a eu pour effet de ralentir l’activité industrielle. À cela est venu s’ajouter le conflit commercial qui a grippé le moteur des exportations.
Plan de relance prudent
Comment inverser la tendance ? En 2008, le régime avait mis 580 milliards de dollars sur la table pour éviter que la crise financière mondiale n’atteigne la Chine. Ce n’est plus possible en 2018 : “Les marges de manœuvres de Pékin sont beaucoup plus réduites”, estime le Wall Street Journal. La situation actuelle est, en effet, en partie une conséquence des efforts déployés lors de la dernière crise financière. L’argent a coulé à flots sous forme de prêts aux entreprises et aux consommateurs, entraînant une hausse rapide du niveau d’endettement. Répéter l’histoire risquerait de rendre explosive une situation déjà tendue.
Mais Pékin manque d’alternatives. Les autorités se sont résolues, début janvier, à mettre en place un mini-plan d’investissement qui consiste, notamment, à relancer des projets de lignes de chemin de fer ou à simplifier les formalités administratives pour octroyer des crédits et pousser les Chinois à consommer davantage. Jean-François Dufour s’attend à ce que le régime “continue dans cette voie, tout en faisant attention à ce que les niveaux d’endettement restent sous contrôle”.
Une approche prudente qui “ne suffira sûrement pas à inverser la tendance”, assure l’expert français. À ce stade, et faute de moyens d’action, les autorités chinoises se contentent de maîtriser le ralentissement économique. Elles sont d’autant moins enclines à faire plus que “Pékin a intérêt à garder quelques cartouches de côté dans l’hypothèse d’un échec des négociations avec Washington au 30 mars [fin de la trêve commerciale décidée en décembre, NDLR]”, assure à la chaîne américaine CNN un analyste chinois qui préfère garder l’anonymat.
La Chine prépare ainsi une lente descente vers une normalité économique avec des taux de croissance comparables au commun des pays industrialisés. “Une évolution anticipée par le gouvernement depuis longtemps”, souligne Jean-François Dufour. Mais est-ce que le reste du monde y est préparé ? La Chine permet, depuis plus d’une décennie, à des entreprises du monde entier de doper leurs résultats en bénéficiant un peu de sa croissance astronomique. Si l’eldorado asiatique d’hier arrête d’être le moteur de la croissance mondiale, elles vont devoir s’adapter. Mais la tâche sera loin d'être simple, à l'image des récents déboires financiers d'Apple qui a mis la baisse des ventes d'iPhone sur le compte du ralentissement économique chinois.