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Narcotrafic : la défense d'El Chapo attaque l'ex-président du Mexique Peña Nieto

Pour la première fois depuis le début du procès du narcotrafiquant El Chapo, un témoin a nommément impliqué, mardi, l'ex-président mexicain, Enrique Peña Nieto. Son ancien chef de cabinet a immédiatement démenti l'information.

Cent millions de dollars. C'est le montant qui aurait été versé à l'ex-président mexicain Enrique Peña Nieto par Joaquin Guzman, surnommé "El Chapo", selon un témoin au procès du baron de la drogue, entendu mardi 15 janvier, à New York.

Des affirmations "fausses, diffamatoires et absurdes", a immédiatement démenti l'ancien chef de cabinet de l'ex-président mexicain, Francisco Guzman, sur Twitter. Il a aussi rappelé que c'était sous le gouvernement de Enrique Peña Nieto, au pouvoir de 2012 à 2018, qu'avait été "localisé, arrêté et extradé Joaquin Guzman".

Son falsas, difamatorias y absurdas las declaraciones del narcotraficante colombiano en Nueva York. El gobierno de @EPN fue el que localizó, detuvo y extraditó a Joaquín Guzmán Loera. Desde el inicio de la administración, fue un objetivo prioritario del Gabinete de Seguridad.

  Francisco Guzman O (@Fco__Guzman) 16 janvier 2019

C'est la première fois depuis le début du procès qu'un témoin implique directement et nommément celui qui a cédé sa place à la tête du Mexique le 30 novembre à Andres Manuel Lopez Obrador.

"M. Guzman a-t-il payé un pot-de-vin de 100 millions de dollars au président Pena Nieto ?", a demandé Jeffrey Lichtman, avocat de la défense, au témoin Alex Cifuentes. "C'est cela", a répondu ce dernier, même s'il a affirmé ensuite ne pas être sûr du montant exact.

Alex Cifuentes est un narcotrafiquant colombien. Il a été, de 2007 jusqu'à son arrestation en novembre 2013, un proche collaborateur d'El Chapo. Il a même vécu avec lui dans les montagnes de l'État mexicain de Sinaloa de 2007 à 2009. Il collabore désormais avec la justice américaine.

Par ces pots-de-vin, "le message était que Guzman n'avait pas besoin de rester caché ?", a relancé l'avocat. Alex Cifuentes a répondu par l'affirmative, précisant que c'était ce que lui avait dit El Chapo.

El Chapo, extradé aux Etats-Unis en janvier 2017, risque la perpétuité. Accusé d'avoir co-dirigé avec Ismael Zambada (actuellement en fuite) pendant vingt-cinq ans le cartel de Sinaloa, il plaide non coupable.

La stratégie de la défense : "El Chapo" comme "bouc émissaire"

Au début du procès en novembre, dans sa plaidoirie introductive, Jeffrey Lichtman avait soutenu qu'El Chapo avait servi de "bouc émissaire" à un gouvernement mexicain corrompu. Enrique Peña Nieto était alors encore président du Mexique. L'avocat de la défense avait alors accusé Enrique Peña Nieto et son prédécesseur Felipe Calderon (2006-2012) d'avoir reçu de l'argent du cartel de Sinaloa, mais tous deux avaient vigoureusement démenti ces accusations.

El gobierno de @EPN persiguió, capturó y extraditó al criminal Joaquín Guzmán Loera. Las afirmaciones atribuidas a su abogado son completamente falsas y difamatorias

  Eduardo Sánchez H. (@ESanchezHdz) 13 novembre 2018

Son absolutamente falsas y temerarias las afirmaciones que se dice realizó el abogado de Joaquín “el Chapo” Guzmán. Ni él, ni el cártel de Sinaloa ni ningún otro realizó pagos a mi persona.

  Felipe Calderón (@FelipeCalderon) 13 novembre 2018

À la fin de la première semaine de procès, les avocats de Joaquin Guzman avaient affirmé que le premier témoin majeur du gouvernement américain, Jesus Zambada, frère du narcotrafiquant Ismaël Zambada, témoignerait que le "président titulaire" du Mexique avait reçu des pots-de-vin si la question lui était posée à la barre, rappelle le New York Times. Le juge Cogan, chargé du procès, avait alors pris la décision d'exclure cette question du champ de l'interrogatoire invoquant "la protection d'individus et d'entité" n'étant pas directement impliqués dans ce procès et qu'ils pourraient être "embarrassés" par de telles révélations.

À défaut, lors de son interrogatoire, Jesus Zambada avait accusé Genaro García Luna, ex-ministre de la Sécurité. L'ancien ministre avait également démenti les accusations.

En revanche, mardi 15 janvier, le juge Cogan a laissé Alex Cifuentes témoigné sur les pots-de-vins payés à d'anciens présidents. C'est la première fois qu'Enrique Peña Nieto est nommément cité et impliqué par un des témoins du procès.

Des accusations émises dès 2016 mais des souvenirs flous du témoin

Lors du procès, Alex Cifuentes a ainsi confirmé publiquement un témoignage recueilli en janvier 2016 par les enquêteurs américains. Il avait alors déclaré que le président Peña Nieto avait initialement exigé 250 millions de dollars mais qu'El Chapo avait abaissé ce montant à 100 millions, selon l'avocat de la défense, Jeffrey Lichtman.

Il avait également indiqué dans ses déclarations de janvier 2016, selon l'avocat, qu'une femme identifiée comme Comadre Maria avait remis la somme au président mexicain en octobre 2012. Le témoin a dit mardi ne pas s'en souvenir précisément.

Toujours selon Jeffrey Lichtman, s'appuyant sur des transcriptions d'interrogatoires en février 2016 de Alex Cifuentes, le Colombien avait aussi révélé que le cartel Beltran Leyva - rival du cartel de Sinaloa dirigé par El Chapo - avait versé des pots-de-vin à Felipe Calderon (2006-2012) pour qu'il les protège d'El Chapo. Alex Cifuentes a déclaré mardi ne pas avoir de souvenirs précis de cette affaire.

L'accusation prévoit d'achever de citer des témoins le 23 janvier. La présentation de la défense devrait être beaucoup plus rapide et le procès, initialement prévu pour durer quatre mois, pourrait se terminer plus rapidement.

Les autorités américaines affirment que, sous la direction d'El Chapo, le cartel a acheminé aux Etats-Unis plus de 154 tonnes de cocaïne entre 1989 et 2014, pour une valeur estimée à 14 milliards de dollars.

Avec AFP