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Élections en RD Congo : les trois principaux candidats à l'assaut du fauteuil présidentiel

Qui, des trois principaux candidats en lice, a été choisi par les 40 millions d'électeurs congolais pour remplacer Joseph Kabila, au pouvoir depuis 17 ans ? Les résultats provisoires doivent être proclamés mercredi par la Céni.

Les résultats provisoires de l'élection présidentielle en RD Congo seront proclamés mercredi 9 janvier vers 23 h (22 h GMT), a annoncé la Céni. Attendus depuis le 6 janvier, ils doivent indiquer les grandes tendances du scrutin présidentielle. Passage en revue des trois principaux candidats qui briguent la magistrature suprême et rêvent de succéder à Joseph Kabila.

Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat du pouvoir

C'est l'homme de confiance du président congolais, au pouvoir depuis 200. Le destin d’Emmanuel Ramazani Shadary, 58 ans, a basculé quand Joseph Kabila, à la surprise générale, a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat et de désigner un dauphin. Jusque-là, ce “fervent chrétien catholique”, comme le décrivent ses proches, était inconnu du grand public. Il suscite depuis la jalousie de certains pontes du parti au pouvoir.

Mais si le choix s’est porté sur l’ancien ministre de l’Intérieur, c’est parce qu’il était l’une des rares personnalités qui répondait aux critères fixés par Joseph Kabila pour perpétuer le régime :  avoir la confiance du chef, c'est-à-dire être proche des "Katangais" qui tiennent l'appareil d'État sécuritaire. Une confiance dont il peut se prévaloir même s'il n’est pas originaire de l'ex-Katanga (sud du pays), le bastion minier du pouvoir. Ramazani Shadary est originaire du Maniema, la même province que la mère du président, Sifa Mahanya.

Bénéficiant des moyens sécuritaires, humains et financiers du pouvoir, sa campagne électorale s’est déroulée sans heurts, contrairement à celle des candidats de l’opposition. Emmanuel Ramazani Shadary a pour priorités : la restauration de l’autorité de l’État, surtout dans l’est du pays en proie à d’incessants conflits, la diversification de l’économie, la lutte contre la pauvreté et le renforcement du rôle géostratégique de la RD Congo.

Mais en cas de victoire de ce scrutin à un tour, le candidat de la coalition au pouvoir, Front commun pour le Congo (FCC), ne serait pas libre de se déplacer partout dans le monde. Le renouvellement des sanctions de l’Union européenne pour “entrave au processus électoral” et “violations des droits de l’Homme” contre plusieurs dignitaires du régime dont il fait partie, le rend persona non grata en Europe. Une décision qui exaspère Kinshasa au plus haut point. Jeudi 27 décembre, à trois jours de l’élection présidentielle, Léonard She Okitundu, le ministre des Affaires étrangères, a enjoint l’UE de rappeler dans les 48 heures Bart Ouvry, son représentant résident.

Martin Fayulu, l’homme providentiel de l’opposition

Soutenu par Moïse Katumbi et Jean-Pierre Bemba, Martin Fayulu est le candidat le plus en vue de l’oppositon. Sous l’égide de la Fondation Kofi Anan, du nom de l’ancien Secrétaire général de l’Onu mort en août 2018, cet ancien cadre d’ExxonMobil et homme d’affaires a été désigné, en novembre à Genève, candidat commun de l’opposition. Un choix fait après une concertation entre les sept leaders de l’oppositon dont Moïse Katumbi, Jean-Pierre Bemba et Adolphe Muzito, exclus de la présidentielle par la Cour constitutionnelle.

Étaient également présents Freddy Matungunlu, Felix Tshisekedi et Vital Khamerhe. Mais ces deux derniers, dont les candidatures avaient été validées par la Cour constitutionnelle, ont fait défection et rompu 24 heures plus tard l’accord signé la veille qui consacrait la candidature unique de l’opposition.

Jusque-là outsider de l'opposition, Martin Fayulu, 62 ans, est devenu en quelques semaines le pivot de l'élection présidentielle prévue le 30 décembre. C'est le candidat qui concentre les attaques les plus virulentes du pouvoir.  Depuis sa désignation comme homme fort de la coalition de l’opposition Lamuka, sa notoriété va grandissante.

Le lancement de sa campagne s'est fait tambour battant dans l'Est, dans la ville de Beni, où le vote a depuis été reporté à mars, soit après la validation des résultats de la présidentielle, puis à Kisangani où il a rassemblé une marée humaine, sans doute avec l'aide des réseaux Katumbi. Le natif du Bandudu (centre-ouest) a ensuite commis une sorte de crime de lèse-majesté en partant à l'assaut du Katanga, fief swahilophone du président Joseph Kabila.

Beaucoup de ses meetings ont été émaillés d’incidents. Surtout à Lubumbashi et Kalemie. Des partisans seraient morts dans des affrontements avec la police ou de présumés sympathisants de la majorité lors de ces deux étapes.

Martin Fayulu veut injecter 126 milliards de dollars dans l'économie congolaise. Mais envisage surtout de faire des réformes constitutionelles une fois au pouvoir. “Je compte en effet proposer au Parlement ou à la population la modification de l’article 10 de la Constitution qui consacre aujourd’hui l’exclusivité de la nationalité congolaise. Je voudrais que la nationalité congolaise puisse être détenue concurremment avec une autre, excepté pour les ressortissants de neuf pays limitrophes de la RDC”, a-t-il expliqué à Jeune Afrique.

Et d’ajouter : “L’ouverture de la nationalité congolaise que je propose, vise avant tout nos compatriotes qui ont acquis des compétences à l’étranger et qui ont pris d’autres nationalités. Demain ils pourront ainsi revenir au pays et être considérés comme des nationaux, sans perdre leurs avantages dans leur pays d’adoption”.

Le ticket Tshisekedi-Kamerhe

Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe se sont désolidarisés de l’accord signé à Genève et qui consacrait Martin Fayulu comme le candidat unique de l’opposition. Le fils de l’opposant Étienne Tshisekedi mort en février 2017 avait évoqué la volonté de sa base pour justifier son retrait de l’accord qu’il a qualifié de “supercherie”.

Malgré les multiples rappels à l’ordre de Jean-Pierre Bemba, de Moise Katumbi et Martin Fayulu, l’opposant, qui ne s’est pas encore émancipé de l’ombre de son père, a formé un “ticket” avec Vital Kamerhé pour briguer la magistrature suprême.

Comme son père en 2011, "Félix" va tenter de bousculer les forces du président sortant Joseph Kabila dans un pays qui n'a jamais connu de transition pacifique du pouvoir. Son père avait dénoncé des fraudes lors de la réélection contestée de Joseph Kabila en 2011.

"Fatshi" - son surnom - a mené campagne avec l'appui de la machine de guerre fondée par son père dans les années 80 contre la dictature du maréchal Mobutu, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS). Mais 2018 n'est pas 2011, tout comme Félix n'est pas le portrait politique craché du "sphynx de Limete", le surnom de son défunt père. "Étienne était têtu et fier. Félix est plus diplomate, plus conciliant, plus à l'écoute des autres", témoigne un bon connaisseur de l'opposition congolaise.

Mais son retrait de l’accord signé à Genève pourrait-être un handicap. Certains observateurs parlent déjà d’un candidat versatile et hésitant. Mais ses proches affirment qu'il n'a fait qu'écouter la "base" de l'UDPS, en colère contre l'accord. 

Félix Tshisékédi a une grande assise dans le “Grand Kasai” mais aussi dans les villes de Kinshasa et de Lubumbashi. Avec l’appui de Vital Kamerhe, populaire dans les provinces des Kivus et d’autres soutiens, il espère créer la surprise et réaliser de le rêve de son père : accéder à la magistrature suprême. S’il est élu, Félix Tshisekedi voudrait mener de vastes consultations pour ramener la paix et la stabilité dans l’est du pays en proie à la guerre.

Avec AFP