
Malgré l'interdiction de manifester décrétée par les autorités, l'opposition s'est rassemblée samedi pour réclamer le report des législatives du 20 décembre. Au moins deux personnes sont mortes, selon un bilan du gouvernement.
"Folie meurtrière", "sauvagerie"... C’est ainsi que l’opposition togolaise a qualifié l’intervention des forces de l’ordre lors des manifestations organisées, samedi 8 décembre, contre les élections législatives du 20 décembre.
Les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes et affronté des manifestants qui s'étaient rassemblés dans la capitale, Lomé, et dans plusieurs autres villes du pays malgré une interdiction décrétée par les autorités. Dans un communiqué publié samedi soir, le gouvernement a fait état de deux morts, dont un par balle. Plus tôt dans la soirée, le ministre de la Sécurité avait indiqué qu’un enfant de 8 ans figurait parmi les victimes.
La principale coalition de l'opposition, regroupant 14 partis, a évoqué un troisième décès possible. "Le bilan provisoire de cette violente répression serait de trois morts et de plusieurs blessés graves", a affirmé son chef de file, Jean-Pierre Fabre, dans une déclaration publiée elle aussi samedi soir.
Barricades
Dans certains quartiers de Lomé, notamment à Agoè, des jeunes ont dressé des barricades et brûlé de pneus. Les forces de l’ordre ont réagi, faisant usage de gaz lacrymogènes, avec des courses poursuites dans la zone. Dans certaines villes à l’intérieur du pays, notamment à Sokodé et à Bafilo, des jeunes qui tentaient de se rassembler ont été également dispersés à coups de gaz lacrymogènes.
La coalition, qui boycotte les prochaines législatives à cause d'"irrégularités" dans leur préparation, avait appelé à des manifestations pendant une dizaine de jours à partir de samedi pour exiger l'arrêt du processus électoral. Ces rassemblements ont été interdits par le gouvernement qui a évoqué le "risque très élevé de troubles graves à l'ordre public" alors que la campagne électorale a officiellement démarré mardi dernier.
Plus d'un an de crise
Cela fait plus d’un an que le Togo est le théâtre de grandes manifestations durant lesquelles l’opposition réclame la démission du président Faure Gnassingbé. Ce dernier a succédé en 2005 à son père qui avait dirigé le pays d'une main de fer pendant 38 ans. Les premiers grands rassemblements qui se sont tenus en septembre 2017 avaient fait une douzaine de morts et des dizaines de blessés.
La coalition de l’opposition exige des réformes constitutionnelles pour permettre la limitation des mandats présidentiels et réclame la recomposition du bureau de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) et la reprise de toutes les activités déjà menées par cette institution.
Mercredi, les Églises évangéliques, presbytériennes et méthodistes du Togo ont rejoint le mouvement. Dans une déclaration commune, elles ont dénoncé "les conditions non consensuelles" dans lesquelles est organisé le scrutin et réclament "un report de quelques mois" qui permettrait "d'approfondir le dialogue". "Force est de constater que d'une part les réformes n'ont toujours pas été faites, et que d'autre part la révision du fichier électoral a été faite par la Céni sans la participation inclusive de l'ensemble de ses acteurs", relèvent-elles.
Une "classe politique obnubilée par la défense de ses intérêts"
L'attitude de la "classe politique viscéralement obnubilée par la défense de ses intérêts politiciens amène légitimement à se poser des questions sur son attachement pour le peuple qu'elle aspire à diriger", poursuit la déclaration.
Le pouvoir de Lomé s'est engagé à mettre en œuvre les réformes demandées, mais l'opposition dénonce une manipulation, le projet de texte n'étant pas rétroactif, ce qui permettrait au président Gnassingbé d'effectuer encore deux mandats.
La semaine dernière, le projet de révision constitutionnelle n'a pu être adopté au Parlement, faute de recueillir les voix de 4 / 5e des députés. L'opposition parlementaire, qui était absente, a affirmé ne pas avoir été informée de la tenue de la rencontre.
Avec AFP