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Le millionnaire britannique Arron Banks, surnommé le "banquier du Brexit", est au cœur de plusieurs enquêtes qui pourraient remettre en cause l'intégrité du référendum de 2016.

L’étau se resserre autour du "banquier du Brexit". Le financier Arron Banks, qui avait versé 8 millions de livres sterling (9,2 millions d’euros) aux partisans du Brexit avant le référendum de 2016, a écopé d'une amende de 60 000 livres (71 000 euros) pour avoir violé la loi sur le marketing électronique à des fins de manipulation électorale, mardi 6 novembre.

Dans un rapport publié mardi, l'Information Commissioner's Office (ICO, l'équivalent britannique de la Cnil) accuse le multimillionnaire d’avoir mis à disposition de Leave.eu, l'une des principales organisations en faveur du Brexit, des données personnelles de clients de l'une de ses sociétés d'assurance afin qu'ils puissent être ciblés plus efficacement par les campagnes politiques.

Mini-Cambridge Analytica

Eldon Assurance, l’entreprise d’Arron Banks visée par le rapport, est dépeinte par les enquêteurs comme une sorte de mini-Cambridge Analytica, du nom du groupe qui avait utilisé les données personnelles de dizaines de millions d’utilisateurs de Facebook à des fins de propagande politique. "Il y a eu un mépris troublant pour le respect de la vie privée des électeurs britanniques", a déclaré Elizabeth Denham, directrice de l’ICO.

Mais ces accusations, qu'Arron Banks conteste à coup de tweets depuis mardi, ne constituent pas la menace principale qui pèse sur les épaules de ce richissime homme d’affaires conservateur. Il est aussi soupçonné d’avoir servi d’intermédiaire pour des généreux donateurs étrangers – potentiellement russes – désireux de soutenir les partisans du Brexit. Il apparaît, de plus en plus, comme un personnage clef pour comprendre les dessous du Brexit.

L'enquête criminelle, ouverte le 1er novembre, vise à déterminer de quelle poche sont sorties les 8 millions de livres qu’Arron Banks a versés au camp pro-Brexit. L’homme d’affaires a toujours assuré que ce don, le plus important de l’histoire politique britannique, provenait de ses fonds propres. Mais la Commission électorale britannique est dubitative : son enquête a conclu que le véritable donateur était probablement Rock Holding Limited, une société enregistrée sur l’île de Man, dont Arron Banks est l’actionnaire principal.

Le don serait, dans ce cas, illégal car une structure sise sur l’île de Man, qui ne fait pas partie du Royaume-Uni, ne peut pas financer un parti durant une campagne électorale. Mais il y a plus grave : la commission électorale se demande aussi si les millions n’auraient pas été déposés sur les comptes de Rock Holding Limited par une tierce personne qui serait alors le véritable "banquier du Brexit". Dans ce scénario, Arron Banks ne serait qu’un porte-valise agissant, potentiellement, pour le compte d’une puissance étrangère désireuse d’influencer le processus démocratique britannique.

Un multimillionnaire en quasi-faillite

Les soupçons proviennent de la structure de l’actionnariat de Rock Holding Limited. Les documents obtenus suggèrent la présence d’un autre actionnaire, mais impossible pour les enquêteurs d’en connaître l’identité. Arron Banks a refusé d’en dire plus à ce sujet à la commission électorale.

Difficile aussi de croire que le magnat de l’assurance a pu se permettre une telle générosité au moment du référendum. Son empire était, alors, au bord du gouffre financier, comme l’a révélé une longue enquête du site d’investigation britannique Source Material. Il ne doit son salut qu’à une injection de 77,7 millions de livres sterling (89 millions d’euros) effectuée six mois à peine avant le référendum. L'argent provenait d’une autre société à l’actionnariat opaque enregistrée sur l’île de Man.

La bonne fortune d’Arron Banks et des pro-Brexit a donc semblé beaucoup dépendre de bienfaiteurs anonymes. L’hypothèse de fonds d’origine russe a rapidement été évoquée par la presse britannique. Moscou, déjà fortement soupçonné d’avoir orchestré une campagne de propagande pro-Brexit sur les réseaux sociaux, apparaît comme le coupable idéal. L’homme d’affaires britannique a, d’ailleurs, des liens avérés avec des personnalités russes.

Il a ainsi rencontré plusieurs fois, en 2015, Alexandre Iakovenko, l’ambassadeur russe à Londres. Arron Banks a tout d’abord affirmé ne l’avoir croisé qu’une fois, avant de reconnaître qu’il s’est entretenu avec le diplomate trois fois, puis d’assurer qu’il ne l’avait pas vu plus de quatre fois.

Il a aussi entretenu des contacts avec des espions russes qui lui auraient ouvert les portes du monde des affaires russes. En 2015, Arron Banks s’est ainsi vu proposer de participer à diverses affaires potentiellement très rentables, concernant des mines d’or et de diamants. Il a affirmé ne pas avoir donné suite, et l’ambassade de Russie à Londres a soutenu qu’il n’y avait rien de suspect à essayer de faciliter des échanges commerciaux entre des hommes d’affaires des deux pays.

Pour Arron Banks, les polémiques le concernant ne sont rien d’autre que des constructions de "journalistes opposés au Brexit". Pour d’autres, cette affaire remet en cause la sortie du Royaume-Uni de l'UE. Une retraitée britannique habitant en Espagne est ainsi à l’origine d’une action collective en justice devant la Cour suprême britannique pour faire annuler le résultat du référendum à cause des doutes pesant sur les agissements d’Arron Banks. Après avoir été le bras financier de la victoire des pro-Brexit, le millionnaire pourrait ainsi causer leur perte.