
À la suite de la publication d'une étude sur la dangerosité des algues vertes en décomposition sur le littoral breton, le Premier ministre, François Fillon, est allé constater les dégâts dans une petite commune du nord de la Bretagne.
Le Premier ministre François Fillon a anticipé sa rentrée politique pour se rendre, jeudi matin, à Saint-Michel-en-Grèves (nord de la Bretagne), où la pollution des algues vertes sévit particulièrement. Un rapport remis hier par l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) affirme en effet que l’accumulation des algues vertes en décomposition, comme c'est le cas dans la région, représente "un vrai risque pour la santé publique".
La synthèse du rapport, commandé la semaine dernière par la secrétaire d’État à l’Écologie Chantal Jouanno, montre que des prélèvements effectués dans la baie de la ville bretonne contiennent une concentration en hydrogène sulfuré qui "avoisine les 1 000 points par million (ppm)". Or, comme le rappelle jeudi le quotidien régional Ouest France, une dose supérieure à 500 ppm peut être mortelle si elle est respirée.
À la fin du mois de juillet, un cheval enlisé dans le sol vaseux de la plage de Saint-Michel-en-Grèves est mort brutalement après avoir inhalé l’hydrogène sulfuré dégagé par les algues en décomposition. Son cavalier de 27 ans, qui avait perdu connaissance, a pu être sauvé par des témoins intervenus très rapidement.
Le drame a remis sur le devant de la scène un problème connu de longue date : celui des algues vertes qui envahissent régulièrement une partie du littoral breton depuis plus de 30 ans. "Leur prolifération est favorisée par la pollution de l'eau en nitrates et azotes d’origine agricole, explique Jean-François Piquot, porte-parole de l’association "Eau et Rivières de Bretagne". M. Fillon a évoqué des pollutions urbaines et industrielles, mais l’agriculture intensive représente 90 % des nitrates en Bretagne. Ne déplaçons pas le problème !", déclare-t-il à FRANCE 24.
Le Premier ministre s’est rendu à Saint-Michel-en-Grèves en compagnie de Chantal Jouanno, de la ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, et du ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire. Dans un entretien paru jeudi dans le quotidien "Ouest France", François Fillon a annoncé la mise en place, "dans les jours qui viennent", d’une mission interministérielle sur la gestion du risque des algues vertes, qui devra "d’ici trois mois faire des propositions".
À la mi-juillet, le Grenelle de la mer avait déjà arrêté une série de décisions visant à enrayer la prolifération des déchets et des pollutions marines venues de terre. Objectif : réduire de 40 % le niveau de nitrates et de phosphates dans les zones les plus vulnérables du littoral d'ici à 2014. Jean-François Piquot déplore, lui, que les propositions faites par 'Eau et Rivières' pour des "mesures spécifiques pour les baies à algues vertes" n’aient pas été retenues.
Pour l’association, le problème ne pourra être résolu sans une refonte complète du système d’agriculture intensif mis en place en Bretagne dans les années 1970, régulièrement mis en cause en raison de ses conséquences néfastes sur l’environnement depuis quelques années. "La Confédération paysanne se joint à nous pour dire qu’il faut passer d’un modèle intensif à un modèle extensif, favorisant les petites exploitations et les méthodes non-polluantes", affirme Jean-François Piquot. "Sinon, ce sont les matières premières de l'agriculture – l’eau, la terre et l’air – qui seront irrémédiablement souillées."
La mission interministérielle risque de ne pas satisfaire non plus le président du Conseil régional de Bretagne, Jean-Yves Le Drian. Celui-ci a adressé vendredi dernier une lettre au Premier ministre dans laquelle il demande que la Région Bretagne devienne "le coordinateur des actions [destinées à améliorer la qualité de l’eau] sur son territoire", soulignant que "toutes les actions mises en œuvre jusqu'à présent [en ce sens] se sont révélées insuffisantes".
M. Le Drian propose de faire de la baie de Saint-Michel-en-Grèves "un territoire-pilote" en matière de qualité de l’eau, en y accélérant la mise aux normes des exploitations agricoles et des stations d’épuration, et en intensifiant les efforts de recherche.
Selon M. Piquot, le gouvernement fait preuve de "schizophrénie" en ce qui concerne la lutte contre les nitrates. "En février 2004, 'Eau et Rivière' et trois autres associations ont porté plainte contre l’État pour non-respect des directives environnementales européennes. Le tribunal administratif nous a donné raison, mais l’État a fait appel ! Et c’est ce même État qui, aujourd’hui, évoque la mise en place de nouvelles mesures."