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Jean-Claude Arnault, le Français au cœur d'un scandale sexuel en Suède

Le procès d'un Français, figure de la scène culturelle suédoise, s'est ouvert mercredi devant le tribunal de Stockholm. Jean-Claude Arnault est jugé pour deux viols révélés en pleine tempête "Me Too".

C’est un procès retentissant qui a débuté mercredi 19 septembre devant le tribunal de Stockholm, en Suède. Jean-Claude Arnault, figure de la scène culturelle suédoise, est jugé pour deux viols. Alors que le procès se déroule huis clos à la demande de la partie civile, son avocat Björn Hurtig, a seulement annoncé que son client "contest[ait] les accusations".

Absente au début de l'audience, la victime, dont l'identité n'a pas été dévoilée, est représentée par Elisabeth Massi Fritz, ténor du barreau suédois spécialisée dans la défense des femmes.

Cette affaire a éclaté un mois après les révélations en octobre 2017 des viols et abus sexuels commis par le producteur de cinéma américain Harvey Weinstein. Le quotidien Dagens Nyheter a alors publié le témoignage anonyme de 18 femmes affirmant avoir été violentées ou harcelées par Jean-Claude Arnault. Une partie de l'enquête préliminaire ouverte contre lui pour d'autres viols et agressions sexuelles présumés commis entre 2013 et avril 2015 a été classée sans suite, frappée par la prescription ou faute de preuves.

Jean-Claude Arnault comparaît en revanche pour deux viols présumés sur une même plaignante. Le 5 octobre 2011 dans un appartement stockholmois, Jean-Claude Arnault a contraint la plaignante à un "rapport oral", puis à une pénétration vaginale alors que la jeune femme se trouvait dans un "état de vulnérabilité" et "de peur intense" l'empêchant de se défendre, selon l'acte de mise en accusation. Les faits se seraient répétés dans la nuit du 2 au 3 décembre 2011, dans le même appartement, tandis que la victime dormait.

Le 19e membre de l’académie

Ce scandale a provoqué un cataclysme en Suède, car Jean-Claude Arnault est l’époux de la poétesse Katarina Frostenson, membre de l'auguste Académie suédoise, qui décerne depuis 1901 le prix Nobel de littérature. Une enquête interne a établi que plusieurs académiciennes, conjointes ou filles d'académiciens, avaient elles aussi subi "l'intimité non désirée" et les comportements "inappropriés" de l'accusé.

L'affaire a mis au jour le fonctionnement opaque de l'Académie, riche institution privée, fondée en 1786 sur le modèle de son homologue française, ses conflits d'intérêt, ses jeux d'influence, et la "culture du silence" qui y régnait. Jean-Claude Arnault se vantait d'être le "19e membre" de l'Académie. Selon des témoins, il soufflait le nom des futurs lauréats Nobel à ses amis.

Huit académiciens se sont mis en congé provisoire ou définitif, dont la secrétaire perpétuelle Sara Danius. L'attribution du Nobel de littérature 2018 a été reportée à 2019, et le prestigieux conclave, en ruines, s'efforce depuis lors de se reconstruire.

Un passé trouble

Cette affaire a aussi permis de mettre en lumière le parcours trouble de Jean-Claude Arnault. Alors que le tout-Stockholm courait Forum, son club très sélect où gravitaient de nombreuses jeunes femmes férues de lettres et rêvant, entre un concert de jazz et une lecture de Proust, personne ne connaissait vraiment son passé.

Selon une enquête du quotidien Svenska Dagbladet, Jean-Claude Arnault est né en 1946 à Marseille de parents réfugiés russes. Il serait arrivé en Suède à la fin des années 1960 pour étudier la photographie. Dans un entretien donné à Dagens Nyheter en 2006, il affirmait être monté sur les barricades parisiennes en mai 1968 contre "la direction réactionnaire de l'Université". "L'étincelle a été l'interdiction faite aux étudiants de partager les chambres des étudiantes", se souvenait-il.

Or comme le raconte Le Monde, Jean-Claude Arnault a surtout romancé sa vie. "En Suède, beaucoup sont ainsi convaincus qu’Arnault est une célébrité en France ", note le journal. "On me l’a présenté comme un directeur d’opéra. J’ai toujours pensé qu’il avait dirigé l'une des plus grandes scènes de Paris", a déclaré une écrivaine suédoise, proche de l’Académie, au quotidien français. En Suède, le Français aurait raconté "qu’il avait été élevé par des gouvernantes, qu’il serait passé par l’École normale supérieure et aurait un lien de parenté avec Bernard Arnault, le patron de LVMH". Des informations qui se révèlent fausses. Jean-Claude Arnault se serait aussi présenté comme photographe, "alors qu’il n’a pourtant réalisé aucune exposition".

"Tout le monde a toujours su qu'il agressait des filles"

Depuis la sortie de cette affaire, les langues se délient. Dans le milieu culturel, Jean-Claude Arnault était connu pour son penchant pour les femmes. "Depuis les années 1970, il avait la réputation d’avoir des mains baladeuses", a raconté la journaliste auteure de l'enquête, Matilda Gustavsson, à Marie Claire. "Tout le monde sait et tout le monde a toujours su qu'il agressait des filles", a également expliqué l'une des femmes qui l'accusent, selon France TV Info.

Comme le rappelle le Monde, dès 1997, "un article du tabloïd Expressen, intitulé 'exterror i kultureliten' - 'La terreur sexuelle dans l’élite culturelle' avait d’ailleurs déjà révélé les pratiques du Français". Une artiste avait envoyé une lettre à l’Académie suédoise, à la direction de la culture à Stockholm et au conseil régional, qui tous subventionnent le Forum, dans laquelle elle accusait Arnault de l’avoir "forcée à un rapport sexuel". Mais le Français était alors intouchable et l’affaire avait été étouffée. Il encourt aujourd’hui de deux à six ans de prison.

Avec AFP