logo

Le Parlement européen doit juger à partir de mardi si la politique menée par Viktor Orban présente un "risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée". Le pays risque des sanctions le cas échéant.

Bruxelles va-t-il sanctionner la politique de Viktor Orban ? Le Parlement européen doit en tout cas décider à partir de mardi 11 septembre s’il déclenche ou non une rare procédure (dite article 7) visant à sanctionner Budapest pour "l'existence d'un risque clair de violation grave par la Hongrie des valeurs sur lesquelles l'Union est fondée".

Le dirigeant a plaidé sa cause mardi 11 septembre à Strasbourg avant un vote mercredi, dénonçant le "chantage" du Parlement européen. "Ce rapport ne respecte pas la nation hongroise", a-t-il lancé aux parlementaires. "Je refuse que les forces du Parlement européen qui sont en faveur de l'immigration et des migrants menacent, fassent du chantage et diffament la Hongrie et le peuple hongrois avec de fausses accusations, a-t-il ajouté. Peu importe la décision que vous prendrez, la Hongrie ne cèdera pas au chantage, la Hongrie protègera ses frontières, mettra fin à l'immigration illégale et protègera ses droits, y compris, si besoin, en réponse à vos actions."

Atteintes à l'État de droit et aux libertés des ONG, mauvais traitement des migrants, la liste des griefs formulés contre le Premier ministre national-conservateur Viktor Orbán  est pourtant longue. Au pouvoir depuis 2010, il a lancé en huit ans des réformes sujettes à controverse.

???????? Hongrie: Manifestation citoyenne pro européenne ???????? sur la place du parlement à Budapest pour soutenir l'opposition et la pousser à s'unir en vue des prochaines élections.
???? Reportage Florence La Bruyère 5hTU #RFImatin #Afriquematin #DirectRFI
Extrait ???? pic.twitter.com/JnzMq7iLHz

  RFI (@RFI) 9 mai 2018

Contre-pouvoirs affaiblis

À peine revenu au pouvoir en 2010, Orban engage une vaste révision constitutionnelle gravant dans le marbre les valeurs du "christianisme" et de la "famille traditionnelle".

La réforme accroît l'emprise du gouvernement sur la justice et cimente le pouvoir du parti Fidesz d’Orbán dans toutes les institutions, y compris les contre-pouvoirs. Une autorité est créée qui peut sanctionner les organes de presse pour diffusion d'informations "non nuancées". Au fil des années, la grande majorité des médias est entrée dans la sphère d'influence du gouvernement. Une liste de journalistes "suspects" a récemment été publiée par un organe proche du gouvernement.

La Cour constitutionnelle a aussi vu ses pouvoirs limités.

Pour comprendre ce qui se passe en ce moment en #Hongrie, la grande manifestation à #Budapest https://t.co/3ucJwJggHY #Népszabadság

  Le Courrier d'Europe centrale (@CEuropeCentrale) 8 octobre 2016

Élections sur mesure

Orban a par ailleurs imposé un mode de scrutin uninominal à un tour avantageant son parti au détriment de l'opposition.

Combiné au recul de pluralité de la presse, à une "rhétorique hostile et intimidante" et à des dépenses de campagne gouvernementales jugées "excessives", ces mesures créent un "climat défavorable" pour l'équité des scrutins, selon le rapport du Parlement européen.

Avec 49,3% des voix obtenues aux législatives d'avril dernier, Orbán s'est assuré une majorité qualifiée des deux-tiers lui permettant de poursuivre ses réformes institutionnelles.

"Irrégularités graves" et "conflits d'intérêts" dans l'attribution de marchés publics, budgets artificiellement gonflés, proches du pouvoir avantagés : les accusations sont nombreuses concernant la gestion des deniers publics dans ce pays dont 4,4 % du PIB provient de fonds structurels européens et où la corruption est jugée endémique.

Universités et ONG dans le collimateur

Pressions et restrictions diverses imposées à l'enseignement supérieur, et en premier lieu à l'Université d'Europe centrale créée par le financier américain George Soros, bête noire d'Orbán : la Hongrie "restreint d'une manière disproportionnée la liberté de fonctionnement des universités de l'Union et de l'étranger" et va "à l'encontre du droit à la liberté académique, du droit à l'éducation et de la liberté d'entreprise", selon l'UE.

"Rhétorique stigmatisante" à l'encontre des ONG qualifiées d'"agents étrangers", taxes spéciales, obligation de se soumettre à un enregistrement spécial : les ONG de défense des droits de l'Homme, et en particulier des migrants, sont elles aussi dans le collimateur du pouvoir, qui prévoit même des peines de prison pour toute assistance aux demandeurs d'asile. Une "ingérence disproportionnée et inutile dans les libertés d'association et d'expression", selon le rapport. La plupart des ONG visées sont financées par Soros.

Hongrie: mobilisation rom contre une manifestation d'extrême droite http://t.co/QGo5Nd1S #AFP

  Agence France-Presse (@afpfr) 17 octobre 2012

Migrants, SDF et minorités maltraités

"Détention automatique" des demandeurs d'asile, possibilité de périodes d'enfermement longues et indéfinies, "expulsions sommaires et sans discernement", "passages à tabac": le traitement réservé par la Hongrie aux migrants est jugé contraire au droit européen. De même que le refus par Budapest de se plier aux quotas d'accueil de migrants fixés par l'UE.

Le pays est également épinglé pour le traitement réservé à sa minorité rom. Chasse aux sans-abris, interdiction de dormir dans la rue, interdiction de "nombreux espaces publics" aux SDF : la guerre déclarée par la Hongrie aux plus démunis est considérée "incompatible avec le droit international sur les droits de l'Homme".

Avec AFP et AP