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Facebook, Twitter, Amazon... Haro sur la Silicon Valley

Donald Trump, le Congrès ou encore le démocrate Bernie Sanders sont tous d'accord : il y a quelque chose de pourri au royaume de la tech. Mais les critiques qu'ils adressent à Google, Facebook, Twitter ou Amazon ne sont pas les mêmes.

La chasse au géant de la tech est ouverte. Aux États-Unis, les Facebook, Twitter ou encore Google vivent une rentrée politiquement très houleuse. À l’image de Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook, et de Jack Dorsey, patron de Twitter, qui ont essuyé un feu nourri de critiques lors de leur audition devant le Congrès, mercredi 5 septembre.

Lorsque ce n’est pas le Congrès qui doute de l’efficacité de leurs efforts pour lutter contre la désinformation en ligne, c’est le département de la Justice qui signale, mercredi, son intention d’enquêter sur d’éventuels enfreintes par les géants du Web à la sacro-sainte liberté d’expression. Jeff Sessions, le secrétaire à la Justice, a précisé qu’il envisageait également d’engager des poursuites pour abus de position dominante contre ces plateformes.

Offensive éclair de la droite

Jeff Bezos, le patron d’Amazon, a, quant à lui, même droit à une proposition de loi qui porte son nom : le "Stop B.E.Z.O.S." Act. Déposée par le sénateur démocrate Bernie Sanders, elle vise à taxer les grands groupes tech accusés de ne pas payer correctement leurs employés.

Facebook, Twitter, Amazon... Haro sur la Silicon Valley

Le top départ à la saison de la chasse aux stars de la Silicon valley avait été donné par le président américain et maître ès-Twitter, Donald Trump, fin août. Sans avancer de preuves, il avait accusé Google de manipuler son algorithme pour enterrer les actualités en sa faveur, et avait aussi dénoncé une supposée censure exercée par les réseaux sociaux à l’encontre des personnalités de droite.

Ces mêmes arguments – contestés par Google, Twitter & Co – ont été repris par les sénateurs républicains lors de l’audition de Sheryl Sandberg et Jack Dorsey. Ils ont aussi inspiré Jeff Sessions, qui a mis les plateformes de réseaux sociaux en garde contre "la pratique d'entraver volontairement le libre-échange des idées".

Les élections de mi-mandat en ligne de mire

La fronde contre les géants du Web ressemble donc à une offensive éclair de la droite américaine, orchestrée depuis la Maison Blanche. "Il faut un nouvel ennemi au camp Trump pour fédérer et remobiliser sa base électorale", assure Oliver Darcy, spécialiste des médias au sein de la chaîne CNN. Les attaques contre les médias traditionnels, comme CNN ou le New York Times, ne suffisent plus.

Donald Trump n’a pas déclaré la guerre à la Silicon valley par hasard. Il a senti qu’une fenêtre de tir s’était ouverte après les déboires d'Alex Jones, le célèbre conspirationniste et fervent défenseur du président américain qui a été banni des principaux réseaux sociaux début août. L’opinion de l’alt-right s’était alors considérablement dégradée à l’égard de Google et Facebook, qui jouissait pourtant déjà d’une image négative de "nids à libéraux (gauche)".

Le président compte bien exploiter cette défiance, d’autant plus que les élections de mi-mandat, qui doivent se dérouler en novembre 2018, approchent. "Cette offensive est pour Donald Trump une manière de rappeler à cette frange de l’électorat qu'il est le seul à les défendre et qu'il a besoin d'une majorité dans les deux chambres pour pouvoir continuer à le faire", écrit le site USA Today.

Le locataire de la Maison Blanche a une autre raison électorale de s'en prendre aux réseaux sociaux. Il prépare sa campagne de 2020, pour laquelle il a déjà acheté 5 900 publicités sur Facebook, et cherche à intimider ces plateformes, assure Vice News. "En évoquant la possibilité que Facebook censure les voix républicaines, Donald Trump et le parti républicain s’assurent que le réseau social fera tout pour qu'en 2020, on ne puisse pas avoir cette impression, ce qui est tout à leur avantage", explique le site.

Les démocrates participent à la chasse

Mais l'offensive ne provient pas que du camp conservateur. Bernie Sanders, candidat malheureux à la primaire démocrate de 2016, est, lui aussi, vent debout contre certaines pratiques dans la Silicon valley. Il a choisi Jeff Bezos, le patron d'Amazon, dans le rôle de super-méchant avec son "Stop B.E.Z.O.S. Act", mais ses critiques dépassent le cas du géant de l’e-commerce.

Sa proposition de loi, dont le nom complet est Stop Bad Employers by Zeroing Out Subsidies (Stop aux mauvais patrons en réduisant les subventions), vise les entreprises de la Silicon valley qui paient leurs employés une misère. Plusieurs rapports soulignent, en effet, que des salariés de la Silicon valley dépendent de l’aide sociale pour survivre alors que leurs entreprises font d’importants bénéfices. Amazon serait l'exemple parfait de cette dérive : alors que la fortune de son patron s'élève à plus de 168 milliards de dollars, une partie de ses employés travaillant dans les entrepôts ont des salaires si bas qu’ils sont éligibles au programme de bons alimentaires.

Amazon a vigoureusement contesté ces critiques. Mais elles font partie d’un mouvement plus large de défiance envers des groupes, comme Amazon, Facebook ou Google, qui abuseraient de leur position dominante. Des voix, à gauche comme à droite, se sont élevées pour demander au législateur de casser ces monopoles, rappelle le journal MIT Technology Review. C’est l’un des rares sujets sur lequel Donald Trump et Bernie Sanders se rejoignent, souligne le New York Times.