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Accord de libre-échange : qui du Canada ou des États-Unis remportera le bras de fer ?

Le président américain Donald Trump veut utiliser l’accord conclu, lundi, avec le Mexique comme moyen de pression sur le Canada pour obtenir des concessions commerciales. Mais Ottawa est loin d’être en position de faiblesse.

Les apparences sont parfois trompeuses... surtout avec Donald Trump. Le président américain a été prompt à présenter l’accord conclu avec le Mexique, lundi 27 août, comme une mise à mort de l’Accord de libre-échange nord-américain (Aléna) qui met le Canada dans une position de faiblesse. Mais la réalité est plus complexe.

Fort de ses négociations fructueuses avec le président mexicain, Enrique Peña Nieto, le locataire de la Maison Blanche a immédiatement mis la pression sur le Canada, le troisième partenaire au sein de l’Aléna. “Nous allons leur donner une chance de conclure un accord [avec nous]”, a-t-il dit, tout en imposant le voisin “d’imposer des droits de douanes sur les voitures importées du Canada” en cas d’échec des négociations.

Accord de libre-échange : qui du Canada ou des États-Unis remportera le bras de fer ?

Un accord qui va dans le sens du Canada

Donald Trump veut croire qu’il est en position de force pour imposer ses conditions au Premier ministre canadien Justin Trudeau et à sa négociatrice en chef, la ministre canadienne des Affaires étrangères Chrystia Freeland, arrivée à Washington, mardi 28 août. Il possède, en effet, un avantage : “Le Canada sera placé par les États-Unis devant une proposition à prendre ou à laisser qui a été négociée en son absence avec le Mexique. C’est une situation inconfortable”, résume Rachel Curran, analyste au cabinet canadien de conseil Harper & Associates.

Le Canada ne va pas, pour autant, s’asseoir à la table des négociations sans atout dans sa manche. Chrystia Freeland, qui a eu une brève réunion avec le représentant américain au commerce Robert Lighthizer, a manifesté un certain optimisme mardi soir. "Nous espérons le meilleur mais nous sommes toujours prêts à tous les scénarios", a-t-elle déclaré.

Le principal est que l’accord conclu entre les États-Unis et le Mexique va, sur plusieurs points, dans le sens souhaité par Ottawa. C’est, notamment, le cas du volet automobile des négociations : le texte stipule que 40 % à 45 % des composants d’une voiture doivent être conçus dans un pays où le salaire des ouvriers du secteur dépasse les 16 dollars de l’heure. Cette clause joue en défaveur du Mexique, mais devrait profiter à la fois aux États-Unis et au Canada.

Justin Trudeau a en outre dû se réjouir de la décision de Donald Trump de ne pas renégocier le futur Aléna tous les cinq ans. La Canada estime que l’incertitude induite par un temps de vie si court aurait été néfaste au commerce, et le président américain semble s’être rangé à cet avis puisque l’accord avec le Mexique est prévu pour durer seize ans.

Ottawa pourrait accepter de signer cet accord américano-mexicain sans perdre la face car “même si on ne connaît pas encore tous les détails, il est clair que les grandes lignes sont bénéfiques aux intérêts canadiens”, a estimé Tim Murphy, avocat d’affaires au cabinet canadien McMillan LLP, interrogé par Radio-Canada.

Le Canada, maître du temps

Si Donald Trump cherche à faire avaler des couleuvres commerciales à Justin Trudeau, le Canada peut, en outre, jouer la montre. Le président américain “veut obtenir une victoire rapide pour des raisons de politiques internes”, a affirmé Patrick Leblond, spécialiste de commerce international à l’Université d’Ottawa, interrogé par le quotidien québécois La Presse. Il espère pouvoir accrocher le scalp de l’Aléna à son tableau de chasse avant les élections de mi-mandat en novembre 2018.

Car l’Aléna, contrairement aux affirmations de la Maison Blanche, n’est pas mort, et c’est le Canada qui peut l’achever. Les États-Unis ne peuvent, en effet, pas mettre fin à un traité international unilatéralement, et ils doivent encore obtenir le feu vert canadien.

Donald Trump le sait, et il cherche plutôt à réduire le traité existant à une coquille vide en lui substituant soit l’accord américano-mexicain élargi au Canada, soit deux accords bilatéraux. Mais pour ce faire, il est aussi pressé par le temps. Le Congrès américain doit encore valider le texte signé, et Enrique Peña Nieto a exigé que l’accord entre en vigueur avant qu’il quitte ses fonctions à la tête du Mexique début décembre. Problème : le processus de ratification américain peut durer jusqu’à 90 jours, ce qui laisse à Donald Trump jusqu’à la fin de la semaine pour soumettre le document aux députés américains. Pour compliquer encore la tâche au locataire de la Maison Blanche, la majorité républicaine a fait savoir qu’elle était très réticente à l’idée de valider un accord dont le Canada serait exclu.

Le rapport de force n’est donc pas autant en sa faveur que Donald Trump veut le faire croire. Quant à la menace d’imposer des droits de douane sur les importations de voitures du Canada, elle n’a pas fait grande impression. La majorité d’entre elles sont, en effet, fabriquées pour le compte de General Motors, Ford ou encore Chrysler.