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Le SMS est-il un testament comme les autres ?

Avant de se suicider, Pierre a envoyé un SMS à sa sœur. Depuis, sa famille se déchire à propos de celui-ci.

Selon le tribunal de grande instance de Metz, un SMS ne peut pas avoir valeur de testament. Le 17 août, ce dernier a en effet tranché dans une affaire d'héritage, et a estimé que seule une lettre écrite pouvait avoir une telle valeur.

L'affaire, repérée par Le Monde, remonte à 2016. Le 23 octobre de cette année, Pierre [le prénom a été changé], un homme âgé de 46 ans, se suicide après avoir appris que son épouse venait de déposer une demande de divorce.

Sa femme, avec laquelle il s'est marié en 1997 et avec qui il a eu trois enfants âgés de 11 à 20 ans, doit alors hériter de la moitié de son patrimoine – les enfants récupérant l'autre moitié. Mais c'est sans compter un SMS, envoyé par Pierre à sa sœur peu avant qu'il se donne la mort. "Tu pourras voir avec l'avocat que mamie récupère ma part merci bisous et mettez-moi à côté de mon père et de ma soeur", écrit-il.

Odette, la "mamie" en question, se basant sur ce texto, estime qu'une part de l'héritage lui revient. Elle serait équivalente, d'après les lois, à un quart de la partie normalement destinée aux enfants. 

La femme de Pierre et leurs enfants refusent. Ils citent le Code civil, qui stipule dans l'article 970 qu'un testament n'est valable que si il est "écrit en entier, daté et signé de la main du testateur". Alors, Odette décide de les poursuivre en justice, et les assigne devant le tribunal de grande instance de Metz, le 19 mai 2017.

Signature électronique ou manuscrite ?

L'avocat d'Odette demande à ce que le tribunal dépose une question prioritaire de constitutionnalité à la cour de Cassation. Un procédé ouvert à toute partie lors d'un procès, qui permet de déterminer si une loi est conforme ou non avec la Constitution et les droits et libertés qu'elle garantit. Selon lui, l'article 970 du Code civil n'est plus actuel, car il ne prend pas en considération des messages électroniques, mais uniquement des messages manuscrits. De fait, les personnes ne seraient pas totalement libres d'organiser leur héritage comme elles le souhaitent, ce qui serait contraire au droit de la propriété (il stipule en effet que chacun doit pouvoir disposer de ses biens comme il le souhaite).

L'avocat note par ailleurs qu'une loi promulguée en mars 2000 sur les signature électroniques considère qu'un message électronique peut bien constituer "un mode de preuve littérale".

Le tribunal de Metz a finalement refusé le 17 août d'envoyer cette QPC à laquelle s'opposaient la femme de Pierre et leurs enfants, jugeant que le Code civil est volontairement restrictif pour protéger les testateurs : "Cette exigence manuscrite permet de limiter les risques de falsification, de prévenir les risques d’erreurs dans la rédaction, de garantir une réflexion suffisante de la part du testateur. L’écrit garantit son identité, son indépendance, et sa liberté d’esprit."

Odette a indiqué qu'elle comptait faire appel de la décision du tribunal.

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