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"Attrape-moi si tu peux..."

, envoyée spéciale à Kaboul – À la veille de l’élection présidentielle, Leela Jacinto, l'envoyée spéciale de FRANCE 24 à Kaboul, court après le candidat Ramazan Bashardost, qui, lui, court contre la montre.

Au dernier jour de campagne, le candidat Ramazan Bashardost est dans tous ses états. Tandis que son équipe s’active dans la tente spartiate qui lui sert de QG de campagne, le candidat tient une réunion dans une annexe, derrière la tente. Déterminée à faire mon interview de l’ancien ministre de l’Aménagement du territoire, je fais le pied de grue en attendant la fin de sa réunion.


Depuis mon arrivée à Kaboul, je parcours la ville sous une chaleur écrasante à la recherche des quartiers généraux des différents candidats. Je n’ai pour le moment pas eu le temps d’acheter une bouteille d’eau.

Grosse erreur. Le budget de Bashardost est serré, alors pas de boisson. Quelqu’un amène finalement une tasse de thé que je partage avec mon chauffeur-traducteur.

Pour tuer le temps, j’interroge les bénévoles présents sous la tente. Quelqu’un me suggère d’interviewer le jeune pachtoune Ahmed Asif, 21 ans. Bashardost étant de la minorité hazara, la présence d’Ahmed est un symbole fort d’union nationale et on m’encourage vivement à l’interroger, ce que je fais.

Soudain, le candidat Bashardost surgit dans la tente. Il semble furieux de voir des médias au travail dans la tente. Le pauvre Ahmed est en première ligne. Quelqu’un intervient pour expliquer à Bashardost qu’on lui a demandé de me répondre parce qu’il est pachtoune.

"Elle peut parler à tous les pachtounes qu’elle veut, mais dans les régions pachtounes" rétorque le candidat, qui n’a pas réalisé que je comprends le dari.

Il reprend ensuite son calme et me parle en français, langue qu’il maîtrise parfaitement pour avoir passé près de la moitié de sa vie en exil en France, pendant la guerre dans les années 1980.

Bashardost m’explique qu’il lui reste assez de fonds pour s’offrir un ultime spot de campagne à la télé. Mais pour cela, il doit foncer à la banque, et n’a pas de temps à m’accorder. Je lui demande si je peux l’accompagner, mais il refuse. Motif : les haut-parleurs sur le toit qui martèlent des slogans de campagne pourraient me rendre sourde. 

Puis-je le suivre en voiture alors ? Cette fois-ci, il est d’accord. Commence alors une course-poursuite à vive allure dans les rues bondées de Kaboul. Nous suivons le mini-van bleu du candidat, qui diffuse en boucle des hadiths, ces messages attribués au prophète Mahomet. Pas de slogans, mais des hadiths.

Bashardost salue dans le vide. Les habitants de la capitale se retournent à peine sur son passage, trop occupés à leurs achats au bazar. Le mini-van accélère. Je commence à prendre peur. Mon chauffeur se démène pour ne pas perdre sa trace. Je lui dis de laisser tomber, mais il n’est pas du genre à renoncer. Je suis coincée.

Soudain, une voiture nous contraint à nous ranger sur le bord de la route. A l’intérieur, des hommes de Bashardost. Ils nous confient que le candidat n’est pas allé à la banque. Il a des affaires personnelles à régler et ne veut pas être suivi. Je suis soulagée. Abasourdie, je répète "c’est personnel ?" à mon chauffeur qui me répond, acquiesçant, "oui, Bashardost n’est pas marié".