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Affaire Benalla : pour Collomb, c’était au préfet et au cabinet de Macron d'agir

Lors de son audition à l'Assemblée nationale, le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, s'est défendu de toute faute dans l'affaire Benalla, et renvoyé la responsabilité d'éventuels manquements au préfet de police et au cabinet d'Emmanuel Macron.

Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, a été auditionné lundi 23 juillet, à l'Assemblée nationale, par la commission des lois, sur l'affaire Alexandre Benalla, du nom de l’ex-collaborateur d'Emmanuel Macron mis en examen pour des violences en marge des manifestations du 1er mai à Paris.

Entendu par la commission des lois de l'Assemblée, le ministre de l'Intérieur a  répondu à une série de questions sensibles. Sans satisfaire toutefois les attentes des députés présents qui, selon Cyril Payen, envoyé spécial de France 24 à l'Assemblée nationale, ont fait part de leur fustration à l'issue de l'audition. Lors de sa déclaration liminaire, Gérard Collomb avait affirmé vouloir "faire toute la lumière" sur cette affaire qui "a légitimement affecté" les forces de l’ordre.

L'examen du projet de loi de révision constitutionnelle, suspendu dimanche par le
gouvernement en raison des répercussions de l'affaire Benalla sur les débats à l'Assemblée, reprendra à la rentrée, a par ailleurs appris l'AFP de source parlementaire.

• Que reproche-t-on à Gérard Collomb ?

Le 18 juillet 2018, le journal "Le Monde" avait diffusé une vidéo dans laquelle on voit Alexandre Benalla, proche collaborateur du chef de l'État dont il est chargé de la sécurité, en train de frapper et malmener des manifestants le 1er mai, alors qu'il accompagnait les forces de l'ordre en tant "qu'observateur". Le jeune homme de 26 ans porte alors un casque de CRS. D’autres vidéos, publiées peu après, le montrent avec un brassard "Police" et un poste de radio de la police. 

Après que les faits eurent été portés à la connaissance de l'Intérieur, de la préfecture et de l'Élysée, Alexandre Benalla a été mis à pied pour une durée de 15 jours. Une sanction trop faible au regard de l'opposition, qui accuse le pouvoir d'avoir voulu étouffer l'affaire. Pou rquoi Gérad Collomb, numéro deux du gouvernement, qui était au courant des faits dès le 2 mai, n'a-t-il pas réagi plus tôt, en saisissant la "police des polices" ou la justice ? 

Dimanche  une information judiciaire a été ouverte. Alexandre Benalla a été mis en examen notamment pour "violences en réunion","immixtion dans l'exercice d'une fonction publique", "port public, et sans droit, d'insignes réglementés", ainsi que "recel de détournement d'images issues d'un système de vidéo-protection". Vincent Crase, gendarme réserviste, et employé du parti présidentiel LREM, qui l’accompagnait au moment des faits, a également été mis en examen pour "violences en réunion", "immixtion dans l'exercice d'une fonction publique", et également pour "port prohibé d'une arme de catégorie B". Trois policiers de la préfecture de police de Paris ont également été mis en examen pour avoir délivré des images de vidéo-surveillance à Alexandre Benalla.

• Quand Gérard Collomb a-t-il eu exactement connaissance des faits ?

Gérard Collomb a confirmé avoir été informé par son cabinet de l’existence de ces vidéos au lendemain des faits. "Ce n'est qu'en rentrant en début d'après-midi [le 2 mai] que, lors de l'un de nos points de situation quotidiens, mon directeur de cabinet et mon chef de cabinet m'informent de l'existence d'une vidéo montrant des faits de violence sur la place de la Contrescarpe", a-t-il déclaré.

• Pourquoi n’a-t-il pas saisi la justice ?

"Ce n’est pas au ministre de saisir la justice", a-t-il fait valoir, avant de préciser que c'était au préfet de police et au cabinet d'Emmanuel Macron d'agir une fois la vidéo connue. "Je m'étais assuré le 2 mai que tant le cabinet du président de la République que la préfecture de police avaient été destinataires de l'information de la vidéo mettant en cause M. Benalla. Il leur appartenait donc d'agir. C'est la règle pour tous les manquements." Et d’ajouter : "Je considère que c'est à ceux qui sont en responsabilité dans leurs administrations, au plus près du terrain, de recueillir les éléments permettant de justifier la transmission d'un signalement au titre de l'article 40 de le faire".

Affaire Benalla : pour Collomb, c’était au préfet et au cabinet de Macron d'agir

Cet article du code de procédure pénale impose à tout fonctionnaire de signaler un délit au procureur quand il en a connaissance.

Quant à saisir lui-même l'Inspection générale de la police nationale, "j'ai considéré que les faits signalés étaient pris en compte au niveau adapté et donc je ne me suis plus occupé de ce sujet", a-t-il ajouté à propos de la sanction de mise à pied décidée par l'Élysée. Le ministre a affirmé avoir demandé la saisie de l’IGPN le 19 juillet, jour où il a appris l’implication présumée d’officiers de police dans les violences.

• Qui a permis à Alexandre Benalla d’obtenir le statut d’"observateur" de la police ?

"Je n'en sais rien. Le préfet de police devait être au courant", a répondu Gérad Collomb. Avant de "rectifier" : "C'était la préfecture de police qui était sans doute informée de la venue sur la manœuvre de M. Benalla, pas forcément le préfet de police lui-même".

"Ce qu'on me dit, c'est qu'en tous cas, le chef d'État-major était lui au courant du fait qu'il devait participer à la manifestation en tant qu'observateur. M. Benalla a donc été accueilli le matin du 1er mai, il lui a été remis un casque de moyen de protection – ce sont les notes de l'IGPN [la police des polices, NDLR] – et en l'état de la mission, il semble que ni le brassard de police, ni le poste de radio ne lui aient été remis à cette occasion", a-t-il précisé.

Le ministre de l’Intérieur avait, plus tôt, affirmé qu'à l'avenir, il souhaitait que les observateurs portent des tenues différentes afin de les distinguer des forces de l'ordre.

• Connaissait-il Alexandre Benalla ?

Gérard Collomb a indiqué qu’il avait croisé Alexandre Benalla à plusieurs reprises mais qu’il ignorait la fonction exacte du collaborateur d’Emmanuel Macron : "J’ai déjà rencontré M. Benalla, je croyais qu’il faisait partie des services de police mais j’ignorais ses qualités de conseiller du président." Il a assuré qu’il n’avait jamais été question qu’Alexandre Benalla pilote le projet de réorganisation de la sécurité à l’Élysée, comme cela a été dit dans la presse. Le ministre a également fait savoir qu’il n’avait jamais été question, au sein de ses services, d’une éventuelle nomination d’Alexandre Benalla à un poste de sous-préfet, comme certains médias s’en sont fait l’écho.

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• A-t-il autorisé Alexandre Benalla à porter une arme ?

Alexandre Benalla a été autorisé à porter une arme "par un arrêté du préfet de police", sans que le cabinet du ministre de l'Intérieur "n'en ait été avisé", a déclaré Gérard Collomb. "M. Benalla a sollicité à plusieurs reprises les services du ministère de l'Intérieur pour obtenir une autorisation de port d'arme, la première fois en 2013, en janvier 2017 – donc avec mes prédécesseurs – et enfin en juin 2017 auprès de mon cabinet", a indiqué le ministre de l'Intérieur. "Toutes ces demandes ont été refusées, car M. Benalla ne remplissait pas les conditions requises, l'exposition à des risques exceptionnels d'atteinte à sa vie, pour se voir délivrer une telle autorisation ministérielle", a-t-il poursuivi.

"Toutefois, par un arrêté du préfet de police du 13 octobre 2017, M. Benalla s'est vu délivrer une autorisation de port d'arme sur un autre fondement du code de la sécurité intérieure, sans que mon cabinet n'en ait été avisé. Je l'ai découvert mercredi dernier", a-t-il assuré.

• A-t-il parlé du cas Benalla avec Emmanuel Macron ?

"Je n’ai jamais évoqué le cas de M. Benalla avant le 18 juillet", a affirmé Gérard Collomb. Le ministre de l’Intérieur a rencontré le président ce week-end [21-22   juillet 2018, NDLR], mais a fait savoir qu’ils avaient parlé "le moins possible" de l’affaire. Avec le président, "la discussion est simple : la vérité, rien que la vérité, les faits rien que les faits", a-t-il affirmé. "Le président de la République était plutôt préoccupé de l’avancement de la réforme constitutionnelle et des blocages qui pouvaient exister", a-t-il poursuivi, provoquant des rires dans la salle.

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Retouvez l'intégralité de l'audition de Gérard Collomb par la commission des lois de l'Assemblée nationale :

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Affaire Benalla : pour Collomb, c’était au préfet et au cabinet de Macron d'agir

Avec AFP