
Son fleuron de la finance est en sursis, son équipe de football a été éliminée prématurément de la Coupe du monde et sa chancelière est plus que jamais fragilisée : en ce mois de juin, l’Allemagne traverse une période noire.
L’Allemagne, longtemps jalousée et admirée pour sa toute puissance économique, sa stabilité politique, mais aussi sa domination footballistique, voit chacun de ces piliers vaciller.
“L’élimination de la Mannschaft est actuellement le cadet des soucis de l’Allemagne”, assure la chaîne économique Bloomberg, jeudi 28 juin. Certes, la sortie sans gloire des hommes de Joachim Löw de la Coupe du monde de football en Russie dès la phase des poules a choqué tout le pays et réjoui les autres nations qui commençaient à trouver le refrain “et à la fin c’est l’Allemagne qui gagne” lassant.
Merkel et la Mannschaft, même combat ?
Mais au-delà de sa sortie prématurée de la compétition, le sort de l’équipe nationale a une valeur symbolique pour les Allemands. “La performance de l’équipe de football a toujours été un reflet de l’état de la société”, rappelle le quotidien Die Welt. La victoire “miraculeuse” de l’Allemagne contre la Hongrie en finale de la Coupe du monde de 1954 s’est produite en même temps que “le début du miracle économique allemand et du retour tant attendu du pays dans le concert des nations”, note le journal. Les Allemands n’ont pas manqué non plus de tirer un parallèle entre le sacre de la sélection en 1990 et la réunification. “Ce n’est pas un hasard si Angela Merkel s’est sur-identifiée à l’équipe de Joachim Löw depuis son arrivée au pouvoir en 2005”, ajoute Die Welt.
Et maintenant, la chancelière est elle aussi menacée d’élimination… politique. Son allié historique au gouvernement, le parti ultra-conservateur bavarois de la CSU, a entamé un bras de fer au sujet de sa politique migratoire. Il se dit prêt à faire voler la coalition en éclats si Angela Merkel ne durcit pas les mesures d’accueil des migrants.
Toutefois, la chancelière plie mais ne rompt pas encore. L’accord conclu à Bruxelles, dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 juin, sur la politique migratoire européenne lui offre même un répit, la CSU ayant fait du succès de ce sommet une condition pour maintenir l'alliance. N’empêche que cette crise, sans précédent dans l’histoire politique allemande depuis la Seconde Guerre mondiale, met à mal l’image d’un pays à la stabilité politique exemplaire. Pour le site Politico, Angela Merkel est même passée du statut de “sauveuse de l’Europe” à celui de “menace pour l’UE”.
Le danger Deutsche Bank
La chancelière ne peut même pas se consoler sur la santé économique du pays. Certes, la croissance allemande reste dynamique (près de 2 %) et le taux de chômage (3,5 %) demeure parmi les plus bas d’Europe. Mais le mois de juin n’a pas été avare en mauvaises nouvelles sur le front économique. La Deutsche Bank, fleuron historique de la finance allemande, a été épinglée par la Réserve fédérale américaine, jeudi 28 juin. La filiale américaine de la banque allemande a été la seule institution financière sur 35 contrôlées à rater la deuxième phase des stress test – test de résistance – menés par la Banque centrale américaine pour évaluer la capacité de ces établissements à surmonter différents scénarios de crises économiques.
Un douloureux rappel à Berlin que la Deutsche Bank restait “la plus importante menace systémique à la stabilité financière”, comme l’écrivait déjà en 2016 le Fonds monétaire international. La banque a connu trois années successives de pertes et son action a atteint, le 27 juin 2018, son plus bas niveau historique.
Même les exportations, traditionnel moteur de l’Allemagne, sont attaquées. Elles sont devenues la cible favorite de Donald Trump qui ne veut plus voir de “voitures allemandes de luxe” aux États-Unis. Son administration réfléchit actuellement à l’opportunité d’imposer des droits de douanes sur ce produit d’exportation phare allemand.
Mais Berlin n’avait même pas besoin du président américain pour avoir mal à son industrie automobile. Trois ans après le début du "dieselgate" – les révélations sur les trucages de Volkswagen (VW) pour tromper les contrôles antipollution –, l’Allemagne n’a toujours pas réussi à tourner la page. VW a été condamnée en Allemagne, début juin, à un milliard d’euros d’amende pour “manquement aux obligations de surveillance” dans le cadre des tests antipollution, et Daimler, constructeur des Mercedes, est soupçonné à son tour d’avoir installé des logiciels truqueurs sur des centaines de milliers de véhicules. Le “made in Germany” automobile se passerait bien de tous ces rebondissements qui n’en finissent pas d’écorner son image.
Certes, Merkel sait que la Mannschaft aura d’autres occasion de briller, que le sommet européen lui a permis de reprendre temporairement la main dans sa bataille contre le CSU et que les fondamentaux économiques restent bon. Mais ce mois de juin est venu rappeler que le modèle allemand n’est pas à toute épreuve.