Les dirigeants de l'Union européenne, réunis pour le dernier sommet de la présidence française, vont essayer de s'entendre sur plusieurs dossiers dont le plan climat, le besoin d'un stimulus budgétaire et le traité de Lisbonne.
Le Traité de Lisbonne : impasse irlandaise, blocage tchèque
Depuis son rejet par 53 % des Irlandais, le 12 juin, le traité de Lisbonne est en suspens. La présidence française a été l’un des architectes de ce "traité simplifié", élaboré après l’échec de la Constitution européenne. Elle souhaite trouver une issue à la crise institutionnelle lors du Conseil européen de Bruxelles.
Caroline de Camaret, spécialiste Europe à FRANCE 24, explique que si une solution n’est pas trouvée à Bruxelles, "on appliquera encore le traité de Nice, une machine très lourde qui n’est pas taillée pour l’Union européenne à 27 et surtout qui ne propose pas de présidence forte, capable de résoudre les crises internationales et économiques."
La présidence française a prévu de présenter une "feuille de route" à Bruxelles pour sortir de la paralysie institutionnelle et amener les Irlandais à voter "oui", en leur donnant un certain nombre de garanties. Il s’agit d’obtenir l’annonce officielle d’un nouveau référendum, mieux, d’une date précise courant 2009.
Outre l’Irlande, reste la République tchèque, dernier Etat membre qui ne s'est pas prononcé sur le traité et prochaine présidente de l’Union européenne (UE). La Cour constitutionnelle du pays a donné son feu vert au processus de ratification par les parlementaires. Mais le 25 novembre, le président tchèque, le souverainiste et très eurosceptique Vaclav Klaus, a menacé de ne pas signer le texte, une fois voté, tant que l’Irlande n’a pas répondu "oui". Idem pour son homologue le président polonais Lech Kaczynski, qui rechigne à signer le texte, pourtant approuvé par les parlementaires.
Volontiers eurosceptique et virulent contre tout ce qui menace "l’identité tchèque", le président Vaclav Klaus est même allé début novembre faire la campagne du "non" à Dublin, déclenchant un incident diplomatique avec le gouvernement irlandais, pro-traité.
Au total, 25 Etats membres ont déjà ratifié le traité de Lisbonne, qui a besoin de l’unanimité des 27 pour entrer en vigueur. En cas de résultat positif, côté irlandais et tchèque, le texte pourrait s’appliquer dès 2010.
La relance de l'économie européenne : réticences de l'Allemagne
A Bruxelles, Nicolas Sarkozy compte se battre pour obtenir l’engagement des 27 à mettre en œuvre le plan de relance de 200 milliards d’euros proposé par la Commission européenne, le 26 novembre. Mais rien n’est gagné. En termes de plan de relance, chacun applique ses recettes au niveau national. Plusieurs pays expriment aussi des réticences car ils ne disposent pas d'une marge de manœuvre budgétaire suffisante (la Hongrie, la Pologne, l'Irlande, la Grèce, etc.). Mais le blocage principal vient du côté de l’Allemagne.
Première économie européenne, elle n’est pas prête à payer un maximum, comme on le lui demande, au motif qu’elle dispose de finances saines. Le 26 novembre, la chancelière Angela Merkel a ainsi mis en garde contre "une course aux milliards".
Ainsi Paris, Londres et Bruxelles maintiennent-ils la pression pour que Berlin contribue à l’effort de relance. Le 8 décembre, à quatre jours du Conseil européen, Nicolas Sarkozy a organisé à Londres un mini-sommet consacré à la coordination des plans de relance européens, aux côtés du Premier ministre britannique Gordon Brown et du président de la Commission européenne José Manuel Barroso. Angela Merkel était la grande absente de la rencontre, mais elle était bien présente au menu des discussions : "Il n’y a pas de désaccord " avec l’Allemagne, a insisté Nicolas Sarkozy.
"Le plan européen sera-t-il adopté tel quel à Bruxelles et même jugé suffisant ?, interroge Caroline de Camaret. Rien de moins sûr et plusieurs experts le jugent nettement moins ambitieux que celui qui se dessine outre-Atlantique ".
Le plan européen sur le climat : blocages de l'Allemagne, de l'Italie, de la Pologne et de neuf pays de l'Est
Le plan européen sur le climat vise à faire de l’Europe le champion de la lutte contre le réchauffement climatique. Un accord des 27 sur ce texte à Bruxelles, représenterait un véritable triomphe pour Nicolas Sarkozy. Car une dizaine de pays menacent de faire front commun contre ce plan. Ils craignent que le "paquet énergie-climat" leur coûte cher, en menaçant la compétitivité de leur industrie.
Ce plan prévoit de réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre en Europe, d’atteindre 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation européenne et de réaliser 20 % d'économie d'énergie. La principale pomme de discorde entre les 27 porte sur la mise aux enchères des quotas de CO2, actuellement gratuits, à partir de 2013, selon le principe pollueur-payeur. Un problème pour les pays de l’Est, très dépendant du charbon.
Jusqu’à la dernière minute, la présidence française a négocié. Le 6 décembre, elle a réuni pour un mini-sommet à Gdansk, en Pologne, les dirigeants de neuf pays récalcitrants : la Pologne, la Bulgarie, la Hongrie, la Roumanie, la République tchèque, la Slovaquie, l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie, qui veulent que leur dépendance au charbon soit prise en compte dans le contexte actuel de crise.
Pour faire passer le texte, la présidence française pourrait accorder une dérogation à la Pologne - l'un des principaux pollueurs européens – et aux gros consommateurs de charbon. Ces pays pourraient ainsi bénéficier d'un régime préférentiel qui leur permettrait de prétendre à des quotas gratuits pour leurs centrales de charbon jusqu'en 2016.
Mais, il y aussi les réticences des "poids lourds" de l'UE : l'Italie, qui a menacé d'opposer son veto, et surtout l'Allemagne. Berlin tient à défendre son industrie frappée de plein fouet par la crise. Dans un entretien au quotidien allemand Bild, à trois jours du Conseil européen, Angela Merkel a prévenu quelle "veillerait " à ce que les 27 ne prennent "pas de mesures qui mettent en danger des emplois ou des investissements en Allemagne". La chancelière allemande vise notamment l’automobile, un des fleurons de l’économie allemande, mais aussi la chimie ou l’acier.
L’unanimité des 27 est nécessaire pour que le plan climat européen soit adopté. Une gageure.