
Goldman Sachs, UBS ou Commerzbank : ces banques ont toujours publié leurs propres pronostics lors d’une Coupe du monde de football. En se basant sur des modèles mathématiques compliqués, elles hésitent cette année entre le Brésil et l’Allemagne.
Le Brésil, ou l’Allemagne, avec l’Espagne en embuscade. Les banques et les économistes ne font pas dans l’originalité dans leurs prédictions du futur vainqueur de la Coupe du monde en Russie, qui débute jeudi 14 juin.
C’est un exercice traditionnel, tous les quatre ans : lorsque la planète foot entre en ébullition, des banques et des instituts de recherche en économie font chauffer leurs algorithmes.
“Machine learning” et ballon rond
Goldman Sachs se transforme ainsi en oracle du ballon rond depuis 24 ans. La banque d’investissement vient de publier son sixième rapport sur “l’économie et la Coupe du monde”. Le Brésil est le favori des analystes de Goldman Sachs, épaulés par une intelligence artificielle qui a effectué plus d’un million de simulations de match.
Ils prévoient en finale, la défaite de l'Allemagne face à la Seleçao, qui ce sera débarrassée de la France en demies. Dommage pour les Bleus, écrivent ces Pierre Menez des salles de marché, car, une fois en finale, ils “ont une meilleure probabilité de remporter la Coupe du monde que l’Allemagne”. Mais ils sont plombés par un tableau difficile.
Le modèle économique de Goldman Sachs pour parvenir à ces conclusions repose en grande partie sur le “machine learning” (“apprentissage statistique”). Un terme qui désigne une intelligence artificielle (IA) capable de faire évoluer ses algorithmes en fonction des données qu’elle analyse. Concrètement, la banque a nourri la machine de statistiques en tout genre – caractéristiques des joueurs (passes décisives, tacles par match etc.), nombre de buts marqués par l’équipe et performance générale – et lui a demandé ensuite d’analyser les matches en Coupe du monde de chaque équipe qualifiée depuis 2005 à la lumière de ces informations. L’IA est censée pouvoir prédire, grâce à ce modèle, quelles sont les caractéristiques qui importent pour chaque rencontre et en déduire statistiquement le score. Ainsi, la finale s’achèverait sur le résultat trop précis (et impossible) de 1,70 but pour le Brésil contre 1,41 pour l’Allemagne.
UBS et la Commerzbank ne sont pas d’accord. Les deux banques, respectivement suisse et allemande, prévoient une victoire allemande lors de l’affrontement pour le titre suprême contre le Brésil. Ils n’ont pas un modèle aussi complexe que Goldman Sachs, mais assurent qu’il est tout aussi solide. Une vingtaine d’analystes d’UBS ont attribué un score à chaque équipe, en fonction de critères comme les victoires contre des adversaires plus forts ou de l’enjeu d’un match (amical, compétition officielle). Ensuite, pour simuler les matches, ils appliquent un algorithme censé prendre en compte des coups du sort, comme les blessures de joueurs vedettes ou le limogeage d’un sélectionneur à 48 heures du premier match officiel.
Loin d’être infaillible
Si UBS voit les Allemands l’emporter d’un cheveu, la Commerzbank est beaucoup plus optimiste pour la Mannschaft. L’établissement allemand donne plus de 18 % de chances aux hommes de Joachim Löw de remporter la coupe contre seulement 12 % au Brésil. Elle reprend peu ou prou la même méthode qu’UBS et y ajoute quelques éléments personnels comme la valeur des joueurs sur le marché des prêts. Ce qu’un club est prêt à payer pour un joueur sur une saison est censé refléter sa qualité.
Un point sur lequel les trois banques s'entendent, c’est que l’Espagne est l’outsider qui pourrait venir briser les rêves de gloire des deux favoris. Le problème de la Roja est qu’elle croise le chemin des Bleus en quart de finale. Si les chances des Ibères sont bonnes contre le Brésil ou l’Allemagne, ce ne serait pas le cas contre la France.
Tous ces financiers ne se prêtent pas au jeu des pronostics par seul amour du ballon rond. C’est aussi, pour eux, une occasion en or de tester leurs algorithmes, rappelle le quotidien allemand Handelsblatt. UBS, par exemple, a appliqué un modèle similaire à celui utilisé pour déterminer des placements de la banque. Goldman Sachs mise de plus en plus sur l’intelligence artificielle et le big data dans ses arbitrages financiers. Pour le géant américain de l’investissement, la Coupe du monde peut représenter un parfait galop d’essai pour un nouvel algorithme. Si les prédictions sont avérées, il ne serait pas étonnant, d’après le Handelsblatt, que les modèles élaborés pour l’occasion soient, ensuite, utilisés pour faire de l’argent.
Mais jusqu’à présent, les prédictions de ces économistes n’ont pas été des plus fiables. UBS avait ainsi assuré, en 2014, que le Brésil remporterait le titre sans rencontrer de résistance particulière. En demi-finale, la Seleçao subissait une défaite historique contre l’Allemagne (1-7). En 2002, Goldman Sachs, pour minimiser les chances de se tromper, s’était contenté de citer quatre favoris pour le titre : l’Argentine, la France, l’Italie et l’Espagne. La finale, à l’époque, avait vu le Brésil dominer l’Allemagne. S’ils se trompent autant cette année, la France a peut-être ses chances.