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Ebola en RD Congo : l’OMS se prépare au pire des scénarios

Critiquée lors de l'épidémie Ebola en 2014-2016, l’OMS est cette fois en première ligne face à l'apparition de nouveaux cas en RD Congo. Elle dit se préparer au "pire des scénarios" et a déjà débloqué un million de dollars.

"Nous sommes très préoccupés et nous nous préparons à tous les scénarios, y compris au pire des scénarios". Le directeur des Programmes de gestion des situations d’urgence de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), Peter Salama, s’est ainsi exprimé, vendredi 11 mai, sur la réapparition du virus Ebola qui frappe actuellement la République démocratique du Congo.

Face à l'emploi de ces termes extrêmement inquiétants, Médecins sans Frontères (MSF) tempère. "Ce n’est pas du tout de la même ampleur qu’en 2014-2016 (la plus grave épidémie depuis la découverte de cette fièvre hémorragique en 1976, qui a fait 11 300 morts dont 99 % en Guinée, Sierra-Leone et Liberia). Nous sommes dans un endroit isolé du pays qui est habitué à ces petites épidémies", prévient Axelle Ronsse, coordinatrice d’urgence pour MSF Belgique interrogée par France 24.

La République démocratique du Congo fait face à la neuvième résurgence du virus, qui porte le nom d'une rivière du nord-est du pays, depuis 1976, date où il y a été identifié.

Entre le 4 avril et le 9 mai, l’OMS a comptabilisé 32 cas d'Ebola (2 confirmés, 18 probables et 12 suspects), dans la région de Bikoro, au nord-est de la capitale, Kinshasa, à la frontière avec le Congo-Brazzaville. Dix-huit personnes touchées sont mortes. Les premiers examens montrent que la souche de la fièvre hémorragique est la souche "Zaïre", l'une des plus dangereuses. "D’autres échantillons sont actuellement prélevés en vue de nouvelles analyses", a averti Peter Salama, évoquant plusieurs éléments risquant d’amplifier la propagation de la maladie.

"Un million de dollars"

Si le foyer du virus se trouve dans une région isolée du pays, difficilement accessible, sa présence a été localisée en trois sites distincts et il a d’ores et déjà contaminé trois soignants, dont un a succombé. L’OMS redoute sa propagation vers le grand centre urbain le plus proche, la ville de Mbandaka, où le virus serait plus difficile à contenir.

L’inquiétude de voir le virus migrer jusqu'aux centres urbains est partagée par Médecins sans Frontières, dont des équipes sont également déployées sur place. "L'objectif est de confiner l'épidémie dans les villages où elle se trouve ; de la contenir pour qu’elle ne parvienne pas dans localités plus peuplés", explique Axelle Ronsse qui dit travailler "en très bonne collaboration avec les autorités congolaises".

Au total, l’OMS a débloqué un million de dollars pour "stopper la propagation d'Ebola dans les provinces et les pays voisins", prévoyant notamment la mise en place d'un pont aérien ce week-end pour acheminer du matériel dans cette région pauvre en infrastructures. Pas question de perdre de temps et de faire l’économie de moyens. Autrement dit : pas question de reproduire les erreurs de 2014.

Cette année-là, malgré une série d’alertes de MSF, en première ligne face à ce virus rapidement incontrôlable, l’agence onusienne avait été critiquée pour son manque de réactivité. Ce n’est qu'à la fin de l'été, et alors que l'épidémie avait déjà tué un millier de personnes, qu’elle décretera l'état d'urgence sanitaire.

"Tout le monde semble plus sensibiliser"

L’OMS, qui s’est dotée en 2017 d’une nouvelle direction, semble avoir tiré les leçons de ce fiasco. "Cette fois, nous n’avons pas eu besoin de monter au créneau [car] tout le monde semble plus sensibiliser", constate aujourd’hui Axelle Ronsse.

La pugnacité de MSF n’aura pas été vaine, puisqu’en septembre 2017, le conseil de sécurité de l'ONU a pris la décision de qualifier l’épidémie de "menace contre la paix et la sécurité internationale" et a adopté à l’unanimité une résolution appelant les États membres à dégager davantage de ressources contre la maladie. Dans la foulée, le secrétaire générale de l’ONU d'alors, Ban-Ki moon, créa la toute première mission sanitaire de l’ONU, la mission des Nations Unies pour la réponse d’urgence Ebola, UNMEER (Un Mission for Ebola Emergency Response).

Les pays africains eux aussi semblent avoir su tirer les leçons de l’épidémie. La Sierra Leone, le Liberia et la Guinée disposent depuis lors de laboratoires spécialisés permettant notamment d’effectuer les examnes de dépistage nécessaires. La Guinée, la Gambie, le Kenya et le Nigéria ont annoncé ces derniers jours qu'ils prenaient des mesures pour empêcher la propagation du virus sur leur territoire. "Nous allons désormais passer au crible toutes les personnes arrivant de RDC et des pays voisins", a assuré Isaac Adewole, ministre de la santé nigérian. Le pays a aussi mis en place un "centre d'urgence" pour se préparer en cas de propagation de l'épidémie. Les armes de chacun semblent cette fois affûtées face à la menace sanitaire.