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Le président français est arrivé jeudi sur l’archipel calédonien. Il doit notamment rendre hommage aux victimes des événements d’avril-mai 1988 sur l’île d’Ouvéa, où plusieurs chefferies appellent à boycotter sa venue.

Le séjour de trois jours d'Emmanuel Macron sur l’archipel de Nouvelle-Calédonie est placé sous le signe de la prudence : le président français doit multiplier les visites dans des lieux symboliques et éviter les prises de position politiques, à six mois d’un référendum sur l’indépendance.

Jenny Briffa, correspondante de France 24 en Nouvelle Calédonie, résume ainsi ces trois jours : "L’Élysée a voulu concocter une visite riche en symboles : exercice louable et périlleux".

Dès son arrivée à Nouméa, jeudi 3 mai, le président a souligné "cette histoire partagée, faite d'ombre et de lumière" et évoqué les "moments importants de notre histoire commune, des moments qui ont pu être parfois douloureux" et "des moments dont nous pouvons être fiers comme les 20 ans des accords de Nouméa".

Conscient de la crainte de troubles liés au référendum, dans une société encore très inégalitaire et compartimentée malgré trente ans de concorde et de rééquilibrage économique, le président se rendra dès le vendredi à la cité Pierre-Lenquette, un quartier de "reconquête républicaine" de Nouméa.

En Nouvelle-Calédonie, visite jonchée de symboles et de chausse-trappes pour Macron

La méfiance à Ouvéa

Emmanuel Macron est particulièrement attendu dans la province des îles Loyauté, à Ouvéa. C’est là que le 5 mai 1988, un assaut contre la grotte où des indépendantistes retenaient des gendarmes en otages, s’est soldé par un lourd bilan : 19 indépendantistes et deux militaires tués.

Le pésident deviendra ainsi le premier chef de l'État à commémorer les événements d’avril-mai 1988. Au programme : pas de discours, mais des cérémonies de recueillement sur trois sites-clés.

Une cérémonie aura lieu devant la stèle commémorative de la gendarmerie de Fayaoué, théâtre le 22 avril 1988 de l'attaque d'un commando indépendantiste qui avait tué quatre gendarmes et pris 27 autres en otages.

Deux moments de recueillement seront observés à Wadrilla, à l'endroit où ont été assassinés le 4 mai 1989 les deux leaders nationalistes Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné, par l'un des leurs, Djubelly Wea, et devant le monument des 19   militants kanaks tués (ainsi que deux gendarmes) lors de l'assaut de la grotte un an plus tôt, le 5 mai 1988.

"Ce temps mémoriel est important parce qu'on ne fait rien de bon en négligeant une part de son histoire, quels qu'en soient les contours", a affirmé Emmanuel Macron à Nouméa.

Or le déplacement à Ouvéa du président de la République a été mal préparé au vu de certaines autorités coutumières, selon les témoignages recueillis par le journal Le Monde. Le comité de Gossanah (tribu au nord d'Ouvéa) a menacé d’empêcher la venue d’Emmanuel Macron. L'Élysée souligne de son côté que ce comité est minoritaire, et indique avoir eu l'assurance des autorités coutumières pour la sécurité du déplacement. "Ces gestes ont été préparés avec les familles, le président est très respectueux du deuil, de la douleur et de la peine de certaines familles et respecte la réaction de chacune des familles", a précisé la présidence.

Ne se prononcera pas sur le référendum

Autre geste au fort pouvoir symbolique : la remise au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de l'acte de prise de possession de l’archipel par Paris. Le 24 septembre 1853, ce document était signé par le contre-amiral Auguste Fébvrier-Despointes au nom de Napoléon III. Emmanuel Macron présidera une cérémonie au Centre culturel Tjibaou.

Enfin, le chef de l'État prononcera un "grand discours" au Théâtre de l'Île, toujours le 5 mai, date anniversaire de l'accord de Nouméa de 1998 qui a mis un terme aux violences et entamé un processus de décolonisation par étapes, ouvrant la voie au référendum d'autodétermination qui est prévu le 4 novembre prochain.

La Nouvelle-Calédonie "est une chance, sur le plan géopolitique", "une richesse", "une opportunité", avait déclaré le président face à la presse, jeudi 3 mai, avant de décoller de Sydney. Mais il a assuré n’avoir "pas à prendre position" sur le référendum. "Je respecte ce vote, qui est une première... C'est un exemple, le monde nous regarde faire", a ajouté le président Macron. "Il ne faut pas que ce soit un moment de tension inutile". Quel que soit le résultat, "nous respecterons ce vote".

Le président français ira-t-il jusqu’à parler de "peuple calédonien", comme l’avait fait Édouard Philippe lors de son discours devant le Congrès de Nouvelle-Calédonie, le 5 décembre dernier ? Durant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait exprimé le souhait que l’archipel calédonien reste français.