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Abdel Fattah Al-Sissi, retour sur l'itinéraire de l'homme fort de l'Égypte

Maître incontesté de l'Égypte, le président Abdel Fattah al-Sissi sera réélu cette semaine faute de rival crédible. Adulé par ses partisans, il est honni par ses opposants qui le décrivent comme un autocrate.

Sécurité et stabilité. Ce sont les maîtres mots du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi, candidat à une réélection assurée, incarne aux yeux de nombreux Égyptiens le sauveur de la nation, depuis qu’il a chassé du pouvoir les Frères musulmans, quand il n’est pour d’autres qu’un nouveau tyran, chef d’orchestre d’une répression impitoyable contre ses opposants.  

Confortablement élu président en 2014 (96,9 % des voix), l'ex-maréchal âgé de 63 ans, Abdel Fattah Al-Sissi était inconnu du grand public jusqu’à sa nomination, en 2011, au sein du Conseil suprême des forces armées (CSFA), chargé de la transition post-Moubarak.

Le fils d’un artisan devenu maréchal

Un an plus tard, cet ancien chef des renseignements militaires, formé au Royaume-Uni et aux États-Unis,  est nommé par le président Mohamed Morsi à la tête de l'armée et au poste de ministre de la Défense en août 2012. Moins d’un an plus tard, en juillet 2013, il dépose le président issu de la confrérie islamiste et s’empare du pouvoir en lançant une répression sanglante contre les partisans des Frères musulmans.

Depuis son élection, le visage rond de ce père de quatre enfants est omniprésent dans un pays traditionnellement nourri au culte de la personnalité, de Gamal Abdel Nasser à Hosni Moubarak. Le portait d’Abdel Fattah Al-Sissi trône dans chaque rue du pays, son image s’affiche partout à la télévision et dans les journaux égyptiens.

Né au Caire dans le vieux quartier de Gamaliya , et issu d’une fratrie de huit enfants, il a grandi près du bazar cairote de Khan al-Khalili, où son père, artisan, tenait une boutique. Avant de décrocher son diplôme de l'académie militaire en 1977 et de connaître une ascension éclair dans les rangs de l’armée égyptienne, le jeune Sissi se distinguait par son sérieux, quand les autres enfants de son âge préféraient jouer au football. "Ce qui l’intéressait c’était le savoir et la lecture, il était également très pieux", avait confié à France 24, il y a quelques années, un de ses cousins, Ahmed Youssef al-Chafei.

Le nouveau grand ami de Vladimir Poutine, Abdel Fattah al-Sissi était très proche de l’armée et des services de renseignements américains, avec lesquels il a coordonné la lutte contre le terrorisme dans la région. En avril, le président américain Donald Trump lui a rendu un hommage appuyé en jugeant qu'il fait "un travail fantastique". Ancien attaché militaire en Arabie saoudite, un posté clé sous Moubarak, Abdel Fattah al-Sissi entretient également d’excellents rapports avec les autorités des pays du Golfe. Les relations naguère tendues entre Le Caire et Ryad sont désormais au beau fixe.

Une opposition réduite au silence

En quatre années de présidence, il a méthodiquement réduit au silence l'opposition islamiste, laïque mais aussi libérale, emprisonnant des centaines de voix considérées comme dissidentes. Procès inéquitables, intimidations, tortures, disparitions forcées, arrestations arbitraires et détentions illégales : "La répression est sans précédent et bien pire que sous Moubarak. Cela s'apparente à la situation en Syrie sous Hafez al-Assad (père de Bachar, ndlr)", analyse Amr Magdi, chercheur pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à l'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch (HRW).

Malgré ce bilan controversé, "l’homme fort de l’Égypte" jouit d’une image positive auprès de ses partenaires occidentaux, qui voient en lui un partenaire solide à même de sauvegarder la sécurité régionale, dans un Moyen-Orient chaotique. L’Égypte elle-même est régulièrement la cible d'attentats jihadistes, notamment de l’organisation État islamique (EI), dont la menace, confinée au départ à la péninsule du Sinaï, ne cesse de s'étendre. Une menace qui lui permet sa politique répressive.

Lors de sa campagne pour la présidentielle de 2014, il avait estimé que "parler de libertés" ne devait pas primer sur la "sécurité nationale" avant d'affirmer publiquement qu'il faudrait "20 à 25 années pour instaurer une vraie démocratie" en Égypte.

Avec AFP et Reuters