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L’épine de la "cagnotte fiscale" dans le pied du gouvernement

Le gouvernement français dispose d’un surplus financier de 4,3 milliards d’euros dû à une conjoncture économique meilleure que prévu. Il refuse de céder aux appels à redistribuer cette cagnotte aux plus démunis.

Le retour de la “cagnotte fiscale”. C’est un dilemme auquel la France, habituée aux politiques d’austérité depuis des années, n’avait plus l’habitude d’être confrontée. Que faire du trop-plein d’argent ? Le gouvernement se retrouve, en effet, avec 4,3 milliards d’euros supplémentaires par rapport aux prévisions de la loi de finances. Un magot qui attise les convoitises et nourrit une polémique que l’exécutif a du mal à contenir depuis près d’une semaine.

Le président Emmanuel Macron est, en fait, rattrapé par une reprise économique plus dynamique que prévu. La croissance devrait s’établir à 2 % au lieu des 1,7 % anticipé, les profits des entreprises progressent encore plus vite que la croissance et l’emploi repart, apportant un surplus de revenus aux ménages. Conséquence : les revenus fiscaux sont en nette progression, ce qui devrait permettre au déficit de baisser à 2,7 % du PIB au lieu de 2,9 %, objectif officiel de la loi de finances 2017. Une différence de 0,2 % qui correspond au fameux pactole de 4,3 milliards d’euros.

“Mythe débile et dangereux”

Bonne nouvelle financière, cette cagnotte encombre politiquement le gouvernement. Il tente en effet, depuis vendredi 9 mars, de calmer les ardeurs de ceux qui, dans la majorité comme dans l’opposition, veulent redistribuer ces milliards. Le rapporteur de la Commission des finances et député La République en marche Joël Giraud avait appelé le président Emmanuel Macron à reverser une partie de la “bonne fortune” de la France aux laissés-pour-compte de la croissance, aux territoires touchés par la désindustrialisation, ou encore aux services d’accueil pour les personnes âgées.

Pour le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, cet élan de solidarité est mal placé. “Ne refaisons pas les erreurs du passé. Dès que les choses allaient mieux, on se mettait à redistribuer l’argent public alors que la meilleure chose à faire c’est de réduire les déficits, car c’est ce qui permettra de créer les emplois”, a-t-il assuré lors d’un point presse. Le patron de Bercy a même reçu le soutien du commissaire européen aux Affaires économiques, le socialiste Pierre Moscovici, qui a qualifié la cagnotte de “mythe débile et dangereux” lors de la présentation des perspectives économiques pour la France, mardi 13 mars.

“Le terme de cagnotte n’est peut-être pas opportun, car il donne l’impression d’un trésor caché, alors qu’en fait il s’agit simplement d’un arbitrage politique sur la vitesse de réduction des déficits”, résume Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). En clair, le gouvernement a le choix entre garder le cap d’un déficit à 2,9 % et dépenser l’argent ou faire mieux que prévu et mettre cette manne de côté.

Ami des riches

Avec la priorité donnée à la réduction des déficits, le gouvernement court le risque d’accentuer son image d’ami des riches. La suppression de l’impôt sur la fortune ou la réforme du droit du travail ont prouvé qu’il savait se montrer généreux... avec les ménages aisés et les chefs d’entreprise.

Mais pour Mathieu Plane, le choix est logique car “il est cohérent avec les arbitrages déjà effectués. Si le gouvernement décidait de redistribuer cette cagnotte maintenant, il donnerait l’impression de traiter le volet social par à-coups, avec les restes”.

Garder l’argent au chaud constitue aussi un choix que les économistes appellent “contracyclique”. “La question posée par cette cagnotte, finalement, est de déterminer quel est le bon timing”, estime Mathieu Plane. Le gouvernement se constitue un début de réserve contre un éventuel retournement de conjoncture économique. Sa logique : il vaut mieux faire des efforts budgétaires lorsque l’économie se porte bien pour pouvoir dépenser en période de récession afin de relancer l’activité.

Paris a appris sa leçon de la crise des dettes européennes du début des années 2010. Les gouvernements européens avaient alors été critiqués pour avoir joué à la cigale dépensière en période faste puis de s’être transformés en fourmis économes une fois la crise venue. Paris cherche donc à se montrer prévoyant plutôt que généreux. Une posture économiquement justifiée, mais politiquement dangereuse.