Alors que Kim Jong-un et Donald Trump ont pris tout le monde de court en acceptant, vendredi, de se rencontrer, nous sommes allés à la rencontre de Nord-Coréens qui ont fui la dictature de Pyongyang. Chaque année, ils sont des centaines à s’enfuir, au péril de leur vie. Pendant plus d’un an, nous avons suivi deux jeunes femmes dans leur périple vers le Sud. Elles sont passées par la Chine, puis le Laos, avant de gagner enfin l’eldorado sud-coréen. Un voyage à hauts risques vers la liberté.
Chaque année, des centaines de Nord-Coréens tentent, au péril de leur vie, de gagner la Chine. Tout au nord du pays, le prix de la liberté passe par les fleuves Yalu et Tumen, dont il faut traverser à la nage les eaux gelées pour tenter de gagner l’autre rive. Mais pour les rares personnes qui parviennent à atteindre le territoire chinois, les espoirs sont rapidement déçus.
C’est le cas de Mina et Sung Hee, 23 et 25 ans, que nous avons suivies pendant plus d'un an. Une fois arrivées en Chine, elles ont été vendues par des trafiquants et mariées de force à des paysans chinois. Après trois et cinq ans d’une vie misérable dans la clandestinité d’une province rurale, les deux jeunes femmes décident de s’enfuir et de gagner la Corée du Sud. Nous les retrouvons à Pékin, où elles sont chaperonnées par Kim, une autre réfugiée nord-coréenne, qui a fui le régime de Pyongyang en 1999. Une ONG sud-coréenne leur a fourni de faux papiers d’identité.
Pour gagner l’eldorado sud-coréen, la route est longue et passe par le Laos, bien loin au sud de la Chine : 4 000 kilomètres en train, en bus, en voiture et à pieds les attendent. Un voyage de plusieurs jours, la peur au ventre. En Chine, les fugitifs nord-coréens, dont le nombre est estimé à 200 000, sont traqués par les autorités. Si la police venait à les surprendre, Mina et Sung Hee seraient immédiatement renvoyées dans leur pays d’origine, où elles risquent la torture. Un billet retour pour l’enfer.
Métamorphose
Après avoir traversé l’immensité du territoire chinois en train et en bus, échappant aux fréquents contrôles de police, les deux jeunes femmes doivent désormais franchir la frontière avec le Laos. Escortées par des passeurs, elles marchent plusieurs heures à travers la jungle, avant d’atteindre enfin Vientiane, la capitale. Là-bas, elles retrouvent le pasteur Chun Ki-won, à l’origine de leur fuite. Depuis 20 ans, cet homme a organisé la fuite de plus d’un millier de Nord-coréens depuis la Chine. Les deux jeunes femmes, enfin libres, se réfugient enfin à l’ambassade de Corée du Sud à Vientiane, en attendant l’asile politique.
Moins d’un après leur fuite, nous avons retrouvé Sung Hee à Séoul, la capitale sud-coréenne. La jeune femme est métamorphosée. Son destin relève d’un scénario hollywoodien : Sung Hee est devenue chroniqueuse dans une émission de télévision populaire, qui raconte le difficile quotidien chez le voisin du Nord. En un an, celle qui était l'esclave d’un paysan chinois au lendemain de sa fuite est devenue une célébrité.
La jeune femme a réalisé son rêve d'une vie meilleure, mais pour elle comme pour beaucoup de transfuges, il n’est pas facile de s’intégrer dans une société sud-coréenne matérialiste et individualiste, aux antipodes des valeurs de son pays d’origine. Si elle se sent enfin libre, Sung Hee craint parfois d’être retrouvée et enlevée par les services de Pyongyang.