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Bolivie : un artiste peint la Vierge en culotte contre le harcèlement des femmes

Représenter une Vierge sans visage et en culotte rouge a provoqué de vives réactions dans le pays andin. Dénoncer les « dévots hypocrites » et le harcèlement dans un pays officiellement laïc mais de solide culture catholique ne va pas de soi.

En distribuant sur le parvis des églises des reproductions de sa représentation de la Vierge de Socavón, sainte patronne de la ville d’Oruro dans l’altiplano andin, Rilda Paco, une jeune artiste plasticienne a déclenché une intense controverse en Bolivie.

Sur le tableau, dévêtue, avec une culotte rouge et des bas noirs, la Vierge est intensément scrutée par trois personnages en tenue de carnaval, bouteille à la main.

Dimanche 25 février, Monseigneur Cristóbal Bialasik, évêque d’Oruro a appelé les fidèles à se joindre le 1er mars à "une prière de repentance pour demander pardon à la mère de Dieu dont l’image a été profanée par la peintre Rilda Palco".

Dans la foulée, le maire de la ville a déclaré vouloir porter plainte contre l’auteure du tableau, tandis que les intellectuels, les artistes et les laïcs se mobilisent dans les médias et sur les réseaux sociaux en faveur de la liberté d’expression.

En apoyo a la artista boliviana #RildaPaco que sufre la opresión de la censura de su país. pic.twitter.com/e1wNFu7F2w

  Pepe el Ninja (@pepelninja) 25 février 2018

Dénoncer les agressions sexuelles pendant le carnaval

Âgée de 31 ans, la jeune artiste s’est défendue de tout blasphème. "Il y a tant de dévots hypocrites qui dansent, boivent, se comportent mal et qui ensuite vont à l’église comme s’il ne s’était rien passé", a déclaré à l’agence EFE Rilda Paco.

Menacée et insultée, l’artiste affirme que sa toile vise avant tout le célèbre carnaval d’Oruro, qui mêle religiosité catholique, cultes indigènes, alcool et transgressions en tous genre. Rilda Paco qui se déclare catholique et attachée à la figure de la Vierge dénonce une fête qui "encourage le harcèlement des femmes, les féminicides, les abandons d’enfants" et plus généralement "le machisme et la femme objet".

La Bolivie d’Evo Morales en pointe dans la séparation de l’Église et de l’État

Devant l’ampleur prise par l’affaire, le Ministre de la Justice bolivien a écarté toute action judiciaire. Sur son compte twitter, Héctor Arce a rappelé que "la liberté d’expression et de culte sont garanties par la constitution et qu’aucune action pénale n’est à envisager".

En effet, la "Nouvelle Constitution Politique de l’Etat Plurinational" adoptée en février 2009 sous l’impulsion d’Evo Morales, premier président indigène de Bolivie, énonce que l’État "respecte et garantit la liberté de religion et de croyances spirituelles en accord avec les cosmovisions".

Par rapport à la Constitution de 1967 qui affirmait que "l’État reconnaît et soutient la religion catholique, apostolique et romaine" ce changement fait de la Bolivie l’un des États les plus avancé du continent sud-américain en matière de séparation de l’église et de l’État.

Le récit de France 24 en Espagnol