logo

Le gouvernement veut "tout mettre sur la table" pour réformer la SNCF

Le gouvernement envisage une grande refonte du système ferroviaire français, à partir des recommandations du rapport rédigé par l'ancien patron d'Air France, Jean-Cyril Spinetta, remis jeudi 15 février à Matignon.

Refonder le modèle ferroviaire français, initier une grande réforme des transports, bouleversements à la SNCF… Derrière les grandes intentions, le rapport remis jeudi 15 février au Premier ministre français, et rédigé par Jean-Cyril Spinetta, ancien patron d’Air France, devrait entrer dans les détails de la réforme du statut des cheminots et de l’ouverture à la concurrence.

Depuis octobre dernier, l'ancien spécialiste du transport aérien, âgé de 74 ans, a planché à la demande du gouvernement sur "un rapport vérité sur la situation du ferroviaire français". Les préconisations de M. Spinetta doivent alimenter une loi d'orientation sur les mobilités, annoncée pour avril.

Premier chapitre de cet état des lieux : la viabilité du modèle ferroviaire, car les péages payés (par SNCF Mobilités à SNCF Réseau) pour la circulation des trains et les subventions publiques ne permettent ni d'entretenir le réseau, ni de rembourser la lourde dette contractée au fil des décennies pour construire les lignes à grande vitesse (LGV).

Le maintien de voies ferrées peu fréquentées pose notamment question alors que de nombreuses collectivités se ruinent à subventionner les billets des voyageurs (jusqu'à 90 % des coûts de transport dans l'ex-Limousin en 2016, par exemple). M. Spinetta a été invité à envisager des modes alternatifs.

Pour les TGV aussi, l'entreprise publique qui emploie près de 150   000   personnes (hors filiales) va devoir agir, alors que les deux tiers des dessertes perdent de l'argent, en particulier quand elles s'arrêtent dans de petites villes de province. SNCF Mobilités voudrait en contrepartie une baisse des péages payés à SNCF Réseau.

L'idée est aussi de voir comment SNCF Mobilités peut améliorer sa productivité, en faisant davantage – et mieux – rouler ses trains.

Ouverture à la concurrence dans le transport de voyageurs à partir de 2019

D'autres sujets sont sur la table : une transformation éventuelle de SNCF Mobilités en société anonyme, comme La Poste en son temps. Son statut actuel d'Epic (établissement public à caractère industriel et commercial) prévoit une garantie indéfinie de l'État, perçue à Bruxelles comme une entrave à la concurrence.

De même, le statut des cheminots pourrait être supprimé pour les nouveaux embauchés, à l'image de ce qui a été effectué à La Poste.

Jean-Cyril Spinetta doit en outre donner son avis sur "les conditions de la réussite" de l'ouverture à la concurrence dans le transport de voyageurs, prévue à partir de 2019 pour les TER et Intercités (subventionnés par l'État et les régions) et de 2020 pour les TGV (qui dépendent directement de la SNCF).

Autre grand chantier : la rénovation du réseau, alors que la dette de SNCF Réseau dépassera les 50 milliards d'euros en 2018. Celle des voies ferrées a commencé, mais il manque des centaines de millions d'euros pour la signalisation et les installations électriques. L'État serait prêt à aider, peut-être en compensation d'une réforme du régime de retraite des cheminots.

SUD-Rail redoute une "atrophie des infrastructures"

Sur tous ces sujets, les syndicats de cheminots, dont le Premier ministre, Édouard Philippe, a rencontré des représentants en début de semaine, sont très mobilisés.

La CGT-Cheminots, premier syndicat, refuse la libéralisation et souhaite au contraire que le "monopole de la SNCF" soit "confirmé pour améliorer le service public". Elle accuse la concurrence d'avoir "tué" le transport de fret, libéralisé depuis 2006 et lourdement déficitaire.

SUD-Rail, troisième syndicat à la SNCF, a estimé jeudi que le rapport Spinetta signait "la fin du ferroviaire" et pouvait "mettre le feu dans l'entreprise". Interrogé sur France Inter, Erik Meyer, porte-parole de SUD-Rail, a expliqué que le rapport de Jean-Cyril Spinetta sur l'avenir du ferroviaire français, remis jeudi au gouvernement, allait conduire à "une atrophie des infrastructures".

Selon le responsable syndical, "on va aller vers la suppression de 9 000   km de lignes sur un peu plus de 35   000, on va aller sur un transfert des charges d'exploitation aux régions, pour l'usager et le citoyen on va avoir une baisse de la qualité de service et de la couverture du ferroviaire, une augmentation du prix du billet". En outre, c'est "la mise à mort du transport de marchandises par rail", a-t-il commenté.

Pour SUD-Rail, "le contenu de ce rapport et la manière dont il sera exploité pourront forcément mettre le feu dans l'entreprise" SNCF.

Les cheminots redoutent des fermetures de petites lignes, des transferts de salariés avec l'ouverture à la concurrence, une remise en cause du statut et du régime de retraite.