Au-delà des plumes, des paillettes et de la sensualité exacerbée, le cru 2018 du carnaval de Rio a récompensé des défilés à forte charge politique illustrant la révolte d'une population exaspérée par la violence et la corruption.
Pendant les années de prospérité, sous la présidence Lula (2002-2010), le Brésil se passionnait bien peu pour la chose publique. Bousculés par la crise, la destitution de Dilma Rousseff, les scandales de corruption en cascade, les Brésiliens s’intéressent de nouveau à la politique même si les discussions s’achèvent souvent par un laconique "tous pourris".
Lors du carnaval qui s’est achevé ce mercredi, la crise et les scandales ont inspiré les traditionnels défilés des écoles de samba. "Beija-Flor" a remporté mercredi le 14e titre de son histoire au carnaval de Rio, avec un défilé qui a dénoncé sans concession la corruption et la violence au Brésil.
Devant les 70 000 spectateurs du Sambodrome, elle a coiffé sur le poteau "Paraiso do Tuiuti", arrivée deuxième avec un autre défilé contestataire, qui représentait notamment le président conservateur Temer en vampire, juché sur un sac rempli d'argent.
Brazil's Post-Coup President Michel Temer depicted as "Neoliberal Vampire" in Carnaval 2018 parade. pic.twitter.com/DcZKX5VJGH
Brasil Wire (@BrasilWire) 12 février 2018"Les écoles de samba ont un rôle social. Elles expriment ce que les gens normaux ressentent", affirme Léo Morais, le professeur d'histoire de 39 ans qui incarnait la version d'outre-tombe de Michel Temer.
Son école a choisi pour thème les 130 ans de l'abolition de l'esclavage au Brésil, un sujet encore d'actualité alors que le gouvernement a été critiqué il y a quelques mois pour une ordonnance qui assouplissait les normes de lutte contre le travail forcé.
A campeã do povo foi a Paraíso do Tuiti, o quilombo da favela.
“Não sou escravo de nenhum senhor;#Meu Deus, Meu Deus, está extinta a escravidão?” #TuiutiCampeaDoPovo pic.twitter.com/d517FcJPtv
Le char de Beija-Flor couronné cette année a lui aussi marqué les esprits, avec des scènes illustrant le quotidien des favelas : fusillades, braquages, prises d'otages, et le corps d'un enfant, tué par balle. Le défilé intitulé "Les enfants abandonnés de la patrie" s'est inspiré de l'histoire de Frankenstein pour dépeindre un Brésil victime des attaques de "monstres", comme la corruption et de l'intolérance.
L'école Beija-Flor a aussi fait défiler des hommes d'affaires véreux, les poches débordant de billets, distribuant des liasses à la ronde, pour dénoncer la corruption qui ronge le Brésil. "C'est une victoire du peuple, une critique de ce qui se passe en ce moment au Brésil, toutes ces inégalités", s'est époumoné au micro de TV Globo Neguinho da Beija-Flor, chanteur et figure emblématique de l'école.
Dans un récent sondage, 90 % des Brésiliens affirmaient leur souhait de voir émerger de nouvelles têtes sur la scène politique pour répondre à "l’affaiblissement de la démocratie".
Avec AFP