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Une étude publiée en amont de l’ouverture du Forum économique mondial de Davos, qui débute mardi, met en lumière le risque que pose l'importance accrue de l'automatisation sur les emplois occupés par les femmes dans le secteur de la Tech.
Tech et égalité des sexes au travail ne font pas forcément bon ménage. L’importance grandissante des technologies de l’information et de l’innovation pour l’économie pourrait porter un sérieux coup à l’égalité des chances face à l’emploi, d’après une étude du World Economic Forum (WEF, Forum économique mondial de Davos), paru lundi 22 janvier.
Alors que le gratin politique et économique s’apprête, à partir de mercredi 24 janvier, à envahir la petite station de sport d’hiver suisse pour le cru 2018 du forum de Davos, cette étude appelle à s’attaquer à la question de la reconversion professionnelle face aux dangers pour l’emploi de l’automatisation. Et d’après les auteurs, le risque de décrochage professionnel est plus grand pour les femmes. Les maigres mais réels progrès réalisés pour plus d’égalité entre les sexes seraient alors en partie effacés.
Les Américaines occupent 57 % des emplois menacés par l’automatisation
“Nous prévoyons une aggravation des inégalités, tout particulièrement dans les métiers Tech”, a assuré Saadia Zahidi, responsable pour les questions d’éducation, d’égalité des sexes et de travail pour le WEF, interrogé par le quotidien The Guardian.
Le rapport, qui s’intéresse exclusivement au cas américain, souligne que les femmes occupent 57 % des métiers qui risquent de disparaître d’ici 2026 à cause de l’automatisation et de l’innovation. Elles ont aussi moins de chance de se reconvertir professionnellement dans un monde appelé à être dominé par les ingénieurs et les informaticiens.
Mais “la même tendance s’observe un peu partout dans le monde”, précise Anne Boring, économiste à l’Erasmus School of Economics de Rotterdam et spécialiste des questions d’inégalités entre les hommes et les femmes. En France, par exemple, les femmes ne représentent que 23 % des diplômés issus des filières scientifiques et technologiques qui mènent aux carrières parmi les plus susceptibles de résister au choc de l’automatisation.
Car, pour cette experte, le scénario sombre décrit par le rapport s’écrit actuellement à l’université. Toujours en France, “les jeunes femmes ont davantage tendance à intégrer des filières dont les débouchés risquent de pâtir de l’automatisation”, affirme Anne Boring. Elle cite, en exemple, les études de droit (les métiers de juristes sont menacés par l’intelligence artificielle) ou de langue (traduction automatisée).
Mâles dominants
Aux garçons les études de math, et aux filles, la philo : un cliché qui semble quelque peu éculé. Il n’en est rien. “Durant les années 90 et au début des années 2000, il y a eu une hausse du nombre de diplômées dans les matières scientifiques et technologiques, mais ces filières ont de nouveau une écrasante majorité masculine”, rappelle Anne Boring.
Un retournement de situation dû à la compétition accrue pour ces diplômes. “Ils sont devenus plus attractifs car les métiers à la clef sont parmi les plus rémunérateurs, et comme la majorité était déjà masculine, la concurrence s’est faite au détriment des femmes qui ont eu davantage de difficulté à s’intégrer”, explique l’économiste.
Après ce premier écrémage, un deuxième obstacle provient de “l’environnement professionnel dans le monde de la Tech qui n’est pas suffisamment accueillant pour les femmes”, souligne Anne Boring. C’est un euphémisme : les scandales en cascade au sein d’Uber et les appels répétés, années après années, à plus de diversité dans le monde des start-up américaines expliquent pourquoi les femmes qui optent pour des études Tech finissent souvent par changer de voie, comme le souligne le rapport.
Il faudrait donc “à la fois qu’il y ait davantage de femmes dans les métiers de l’innovation et qu’elles y restent”, note l’experte. Pour y remédier, selon elle, les étudiantes devraient être mieux informées des conséquences de leur choix de filière dans un monde où l’automatisation menace de plus en plus de métiers. Elle milite également pour davantage d’interdisciplinarité : les matheux devraient avoir plus de matières non-scientifiques au programme pour rendre leurs filières attractives à des profils plus divers. Quant aux études qui débouchent sur des métiers menacés par la robotisation, elles devraient intégrer des matières, comme l’intelligence artificielle ou le big data. Ainsi, les diplômés seraient mieux armés pour affronter les évolutions du marché du travail.