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Pérou : malgré Noël, des manifestations contre la grâce accordée à Fujimori

Au Pérou, plus de 5 000 manifestants ont défilé lundi soir à Lima pour dénoncer la grâce accordée à l'ex-président Alberto Fujimori et exiger la démission de l'actuel chef de l'État, Pedro Pablo Kuczynski.

Le Pérou ne connaît pas de trêve des confiseurs. Au cri de "Dehors, dehors PPK!" (l'acronyme et surnom du président Pedro Pablo Kuczynski), plus de 5 000 péruviens ont manifesté lundi 25 décembre à Lima, malgré les fêtes de Noël. Ils dénoncent la grâce accordée le 24 décembre à l'ex-président Alberto Fujimori et exigent la démission de l'actuel chef de l'État.

D'importantes forces de l'ordre avaient été déployées dans les rues de la capitale péruvienne pour empêcher les manifestants de rejoindre la clinique où Alberto Fujimori a été hospitalisé samedi pour arythmie et tension artérielle basse, et devant laquelle des centaines de ses sympathisants étaient massés pour fêter sa remise en liberté.

Des affrontements ont néanmoins éclaté en soirée entre manifestants et policiers, qui ont fait usage de gaz lacrymogènes et de leurs matraques pour disperser la foule, blessant un cameraman de la télévision nationale, hospitalisé pour des examens médicaux.

Président de 1990 à 2000, Alberto Fujimori, 79 ans et d'origine japonaise, purgeait depuis 2007 une peine de vingt-cinq ans de prison pour corruption et crimes contre l'humanité pour avoir commandité l'assassinat de 25 personnes aux mains d'un escadron de la mort durant la guerre contre les guérilleros du Sentier lumineux (extrême gauche maoïste).

Dimanche, Pedro Pablo Kuczynski lui a accordé une grâce "humanitaire", alors qu'il s'était engagé durant sa campagne électorale de 2016 à ne pas le libérer.

Une manœuvre politique ?

"Tout fait partie d'un jeu politique, les raisons de santé (invoquées pour le grâcier) ne sont pas claires, nous sommes ici avec les proches [des victimes] pour dénoncer cette grâce illégale, car elle ne correspond pas à la gravité des délits sanctionnés", a déclaré aux journalistes Gisella Ortiz, représentante d'un groupe de familles des victimes d'Alberto Fujimori.

Le secrétaire exécutif de la Commission intermaméricaine des droits de l'Homme, Paulo Abrao, a également critiqué sur Twitter "une décision politique qui ignore la proportion entre l'amnistie et la gravité des crimes contre l'humanité". "C'est une offense aux victimes. Ce n'est pas une réconciliation. C'est simplement de l'impunité", a-t-il affirmé.

Indultar a #Fujimori, habiendo la opción de trasladarlo a un hospital, personalmente me parece acto político que ignora la proporción entre el perdón de la pena y la gravedad de los delitos de lesahumanidad. Una ofensa a las victimas. No es reconciliación. Es simples impunidad.

  Paulo Abrāo (@PauloAbrao) 25 décembre 2017

Le président Kuczynski a grâcié Alberto Fujimori sur la base d'une recommandation médicale, trois jours après avoir échappé à une destitution lors d'un vote au Parlement. Il était accusé d'avoir menti sur ses liens avec Odebrecht, le géant du BTP brésilien qui a reconnu avoir payé près de 5 millions de dollars à des entreprises de conseil directement liées au chef de l'État, alors ministre, entre 2004 et 2013. Les adversaires de "PPK" avaient lancé une procédure de destitution express que le président a évité in extremis, à la faveur de l'abstention de plusieurs membres de l'opposition.

Division parmi l'opposition

Derrière ce résultat, véritable claque pour la principale adversaire du président, Keiko Fujimori, fille d'Alberto Fujimori, se jouait une lutte d'influence au sein de son parti, Fuerza Popular, principale formation d'opposition, avec son frère Kenji.

Le vote a fait éclater au grand jour les divisions de Fuerza Popular, puisque dix de ses représentants se sont abstenus, dont Kenji Fujimori. Des rumeurs de négociations entre le gouvernement et les proches de l'ancien homme fort du Pérou sur une éventuelle grâce présidentielle circulaient avec insistance ces derniers jours.

Avec AFP