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Discorde au sein du gouvernement belge autour de l'expulsion de Soudanais

Les expulsions de Soudanais ont suscité de vives tensions au sein du gouvernement belge. Le secrétaire d'État à la Migration, Theo Francken, a dû présenter ses excuses au Premier ministre après avoir proféré des mensonges.

L’impétueux secrétaire d'État belge à la Migration, le nationaliste flamand Theo Francken, a présenté ses "excuses" vendredi 22 décembre au Premier ministre, Charles Michel, après avoir critiqué ses propos sur la gestion controversée du rapatriement des migrants soudanais en situation irrégulière.

Cette controverse, sur fond d'accusations de tortures que des migrants auraient subies à leur retour à Khartoum, suscite de vives tensions au sein même de la coalition au pouvoir, composée de libéraux, chrétiens-démocrates et nationalistes flamands de la N-VA (pour Nieuw-Vlaamse Alliantie, en français Alliance néo-flamande).

Vendredi soir, elle a aussi donné lieu à une réunion en urgence d'une commission de la Chambre des députés pour entendre Theo Francken (N-VA), qui a admis avoir dissimulé certaines informations sur le sujet au Premier ministre.

"Collaborer avec une dictature"

Au cœur de la polémique : une invitation lancée à la fin de l'été par Theo Francken, coutumier des positionnements clivants, pour que des officiels du régime de Khartoum viennent aider les autorités belges, sur leur sol, à identifier les Soudanais voués à être expulsés, car non candidats à l'asile en Belgique. Cette nationalité est très représentée parmi les migrants errant dans Bruxelles, en transit vers la Grande-Bretagne.

Trois fonctionnaires du ministère soudanais de l'Intérieur ont effectivement passé quelques jours en Belgique en septembre, visitant leurs ressortissants dans des centres fermés avant de délivrer leur feu vert à l'expulsion. Le gouvernement a alors été accusé par l'opposition de "collaborer avec une dictature".

Suspension des expulsions

La controverse a rebondi cette semaine avec la publication dans la presse de témoignages – compilées par une ONG libérale – faisant état d'arrestations et de violences subies par plusieurs jeunes Soudanais à leur atterrissage, peu après la visite de cette "mission d'identification".

Jeudi, devant les députés, le Premier ministre Charles Michel a décrété la suspension des expulsions vers le Soudan, le temps "qu'une enquête indépendante", avec l'aide de l'ONU, fasse "la clarté".

Il avait dans un premier temps évoqué un moratoire "en tout cas jusqu'à la fin janvier", ce que Theo Francken avait qualifié jeudi "d'absurde" puisque, affirmait-il, aucun nouveau rapatriement n'était programmé avant cette échéance.

Une communication hâtive, puisqu'au moins une expulsion vers le Soudan était bien prévue courant janvier, ce dont le secrétaire d'État affirme avoir été prévenu seulement plus tard par ses services. "Je me suis excusé", a écrit Francken vendredi matin sur son compte Twitter.

"Mensonges"

Mais l'opposition et un parti de la majorité, le CDV (Christen-Democratisch en Vlaams, chrétiens-démocrates flamands), ont dénoncé des "mensonges". Ils lui ont reproché de ne pas avoir rectifié le tir publiquement, alors que sa mise en cause du Premier ministre avait enflammé le débat.

À la Chambre, de vifs échanges et une suspension de séance ont conduit à la convocation en urgence de la commission des Affaires intérieures, devant laquelle le secrétaire d'État a admis avoir "retenu" des informations, a apporté l'agence Belga. "Francken admet (...) avoir menti sciemment au sujet du moratoire sur les expulsions des Soudanais pour éviter un 'appel d'air' ", a commenté dans un tweet le député écolo Benoît Hellings.

Une figure de l'Open-VLD (Open Vlaamse Liberalen en Democraten, parti libéral flamand, associé au gouvernement), l'ancien chef de la diplomatie belge Karel De Gucht, a estimé que Theo Francken "ne [pouvait] plus rester secrétaire d'État à la Migration, il est politiquement, idéologiquement et humainement inapte à cela".

Avec AFP