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Éviction de Rokhaya Diallo : le Conseil national du numérique se saborde

La quasi-totalité des membres du Conseil national du numérique ont démissionné mardi en protestation contre le gouvernement qui contestait la composition d'une instance et notamment la présence de l'essayiste Rokhaya Diallo.

À peine relancé, le Conseil national du numérique (CNNum) fait face à une vague de démissions. La toute nouvelle présidente, Marie Ekeland, a choisi de laisser son fauteuil, entraînant avec elle plusieurs membres de cette commission chargée de conseiller le gouvernement et nommée par lui.

Ces démissionnaires s'opposent à la demande adressée le 13 décembre dernier par le secrétaire d'État au Numérique, Mounir Mahjoubi, de revoir la composition du Conseil. En cause : la présence en son sein du rappeur Axiom, et surtout celle de Rokhaya Diallo, cible de vives critiques.

Depuis le 11 décembre, jour où Mounir Mahjoubi a rendu publics les noms des 30 membres de la commision, les opposants de Rokhaya Diallo se sont étonnés de voir nommée au CNNum, une instance paragouvernementale, une militante dénonçant la persistance d'un "racisme d'État".

Dans les jours qui ont suivi, la députée Les Républicains Valérie Boyer, proche de François Fillon et Laurent Wauquier, a notamment écrit au Premier ministre pour s’y opposer. "Vous souhaitez faire de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause nationale et en même temps vous nommez Rokhaya Diallo qui considère le voile comme un 'marqueur de féminité'", a-t-elle écrit tout en reprochant également à Rokhaya Diallo sa pétition "contre le soutien à Charlie Hebdo" datant de 2011.

#CNNum : la présidente et une vingtaine de membres démissionnent pour dénoncer "l'éviction" de Rokhaya #Diallo. Pourquoi ne pas avoir dénoncé ses propos sur le voile, le racisme d'Etat, son soutien à un festival interdit aux blancs ? Bref, maintenant avançons pour le numérique !

  Valérie Boyer (@valerieboyer13) 19 décembre 2017

Des positions contestées

Née en 1978 de parents sénégalais et gambien, cette Française qui a grandi en banlieue parisienne s’est attirée depuis plusieurs années de nombreuses critiques en raison de ses positions. Elle s'est fait connaître en cofondant en 2007 l'association Les Indivisibles, dont l'objectif affiché est "de déconstruire les préjugés grâce à l'humour". Le collectif est célèbre pour ses "Y'A Bon Awards", décernés chaque année à des personnalités pour des propos jugés racistes.

"Les associations historiques sont des clubs d'intellos blancs, déconnectés du terrain et des quartiers populaires. En plus, elles ont complètement raté le virage Internet", taclait-elle en 2013, visant notamment SOS Racisme et la Licra.

Quatre ans plus tard, elle avait maintenu auprès de l'AFP que "la question antiraciste doit être portée en priorité par les personnes qui vivent le racisme dans leur chair". Et elle avait défendu l'organisation ponctuelle de réunions "non mixtes" ouvertes aux seules personnes "racisées", c'est-à-dire s'estimant victimes de discriminations en raison de leur origine et n'ayant "pas accès à la parole".

Engagée à l'intersection de différents combats, la jeune femme assume aussi avoir signé l'appel des Indigènes de la République, mouvement dont la principale animatrice, Houria Bouteldja, est accusée d'antisémitisme et d'homophobie par ses détracteurs.

"Une sorte de peur du gouvernement"

Interrogée sur France Info après son éviction, Rokhaya Diallo a regretté que le gouvernement ait cédé "à une pression qui émanait, d'une part, de la fachosphère et, d'autre part, d'une frange de la sphère politique qui est assez hostile aux positions que je défends, notamment sur les questions de racisme".

Pour la militante antiraciste, cette polémique "est une sorte de peur du gouvernement de déplaire à quelques personnes alors même qu'un arrêté a été signé par le Premier ministre" qui actait la nomination des membres du CNNum.

"Je pense que l'Etat français produit du racisme qui affecte une partie de la population", affirme @RokhayaDiallo au micro de @DucheminRapha sur @Europe1 #CNNum #E1Bonjour pic.twitter.com/OkTWj9wRs7

  Europe 1 (@Europe1) 20 décembre 2017

De son côté, Mounir Mahjoubi assume son choix. "Après cette nomination, tout le monde a oublié le CNNum et ce qu'il était censé faire. Le débat s'est porté sur d'autres sujets. Cela l'a rendu inaudible et incapable de travailler sur ses missions", a affirmé le secrétaire d'État chargé du Numérique, dans une interview au Figaro.

Le CNNum était présidé par Mounir Mahjoubi jusqu'en janvier 2017, date à laquelle il a démissionné pour s'investir dans la campagne d'Emmanuel Macron. Le Conseil était alors resté pendant plusieurs mois sans président, ses quatre vice-présidents assurant conjointement l'intérim à la tête de l'instance, avant de démissionner les uns après les autres.

Avec AFP