
Abidjan accueille, mercredi et jeudi, un sommet Union européenne - Union africaine, qui se penchera sur les questions d'immigration. Le président français veut proposer à un accord pour évacuer "les populations en danger" en Libye.
Dix ans après l'adoption d'une stratégie commune, Européens et Africains se retrouvent, mercredi 29 novembre, à Abidjan pour ouvrir une nouvelle page de leur partenariat lors d'un sommet en partie éclipsé par la question de la traite des migrants en Libye.
L'Union européenne et l'Union africaine souhaitaient éviter un nouveau "sommet des migrations" et se concentrer sur la jeunesse, mais la diffusion mi-novembre d'un documentaire de la chaîne de télévision CNN sur des faits d'esclavage non loin de la capitale Tripoli a bousculé l'ordre du jour.
À la demande de plusieurs pays membres, le sujet, qui a soulevé une vague d'émotion internationale, a été ajouté au programme de la rencontre, à laquelle doivent participer plus de 80 chefs d'État et de gouvernement.
Le président français Emmanuel Macron, en tournée en Afrique, a annoncé, mardi à Ouagadougou, qu'il proposerait à ses homologues européens une initiative pour évacuer "les populations en danger" en Libye. "C'est un crime contre l'humanité aujourd'hui sous nos yeux. Il faut le nommer, non pas pour accuser l'autre, mais pour agir avec force, avec vigueur", a-t-il déclaré.
Le président de la Commission de l'UA, Moussa Faki Mahamat, a déclaré la semaine dernière que la mise en œuvre d'une "task force" destinée à faciliter l'exfiltration des migrants en Libye vers d'autres pays africains pourrait être actée. Il faut "urgemment secourir ces gens qui sont en danger", a martelé Moussa Faki Mahamat à RFI, en marge d'une visite à Paris. "Il faut agir et il faut agir maintenant."
L’UE pointée du doigt par l’ONU
La tâche est immense. Selon l'ONU, près de 20 000 migrants étaient détenus mi-novembre dans les centres gouvernementaux libyens contre 7 000 en septembre. Des premiers rapatriements ont eu lieu, notamment vers la Côte d'Ivoire.
Au-delà de cette mesure d'urgence, des voix s'élèvent – notamment dans les rangs des ONG – pour demander une réévaluation de la politique migratoire européenne, jugée co-responsable par l'ONU et l'Union africaine des atrocités commises en Libye.
En cause, la formation depuis un an par l'UE de garde-côtes libyens chargés d'intercepter les bateaux de migrants avant leur entrée dans les eaux internationales, afin d'enrayer le flux d'arrivées en Europe.
"La politique de l’Union européenne consistant à aider les garde-côtes libyens à intercepter les migrants est inhumaine", a estimé le Haut-Commissaire aux droits de l'Homme de l’ONU, Zeïd Ra'ad al-Hussein.
"En Libye, il n'y a pas de gouvernement, donc l'Union européenne ne peut pas choisir un pays en voie de développement pour demander à ce pays de retenir des réfugiés alors qu'il n'y a pas de moyens", a renchéri le président de l'UA, Alpha Condé, lors d'une visite à Paris. "Les réfugiés sont dans des conditions extrêmement graves" donc "nos amis les Européens n'ont pas eu raison de demander à la Libye de garder les immigrés".
"Changer le destin de l'Afrique"
Des propos tempérés par Moussa Faki Mahamat, qui relève également la responsabilité des États africains. "J’en appelle d’abord à notre prise de conscience de la gravité de cette situation", a-t-il dit à RFI. "Dans nos pays, il faut qu’on mutualise tous les moyens dont nous disposons pour faire en sorte que ces jeunes ne quittent pas le pays."
Pour répondre à ce défi et "changer le destin de l'Afrique", le président du Parlement européen Antonio Tajani a appelé, fin octobre, à la mise en place d'un "plan Marshall" qui passerait par la mobilisation de 40 milliards d'euros et une action renforcée de la Banque européenne d’investissement.
L'Allemagne et la France insistent sur la nécessité de concentrer l'action européenne sur la jeunesse via l'éducation et l'entrepreneuriat sur un continent où 60 % de la population a moins de 25 ans. À Abidjan, l'UE proposera à ses partenaires africains un "cadre d’action commun redynamisé" qui pourrait être intégré dans une feuille de route pour la période 2018-2020.
La situation politique au Zimbabwe – où Robert Mugabe a été contraint par l'armée de démissionner après 37 ans de pouvoir – et au Togo – où l'opposition réclame une limitation du nombre de mandats présidentiels – devrait également être évoquée, tout comme les questions liées à la sécurité et aux menaces terroristes.
Avec AFP et Reuters