
La Birmanie, marquée par l'exode forcé de la minorité musulmane des Rohingya, accueille, lundi, le pape François. Ces derniers mois, il n'avait pas hésité à dénoncer le sort réservé aux Rohingya dans ce pays à majorité bouddhiste.
C'est une visite aussi inédite que délicate. Le pape François est arrivé, lundi 27 novembre, en Birmanie, minée par de fortes tensions religieuses et marquée par l'exode forcé des Rohingya, une minorité musulmane victime de multiples discriminations.
L'avion transportant le souverain pontife a atterri dans l'après-midi à Rangoun, la capitale économique de la Birmanie, majoritairement bouddhiste. Il a été reçu par le chef de l'armée birmane, Min Aung Hlaing, accusé de mener la campagne de "nettoyage ethnique" envers les Rohingyas :
"La Birmanie n'exerce aucune discrimination religieuse", a-t-il déclaré au pape, selon un message Facebook diffusé par ses services. "De même, notre armée (…) agit pour la paix et la stabilité du pays", a-t-il ajouté.
Les déclarations papales concernant le sort de cette population sont scrutées à la loupe. Évitera-t-il par exemple de prononcer le mot "Rohingya", tabou en Birmanie, comme le lui recommande l'Église locale, apeurée à l'idée qu'il puisse attiser la colère d'extrémistes bouddhistes ? Ces derniers mois, le pape François n'avait pas hésité à dénoncer à plusieurs reprises le traitement qui leur est réservé.
Pour son 21e voyage, le pape se rendra également au Bangladesh, où il a glissé dans son emploi du temps une rencontre avec un groupe de réfugiés rohingyas. Environ 620 000 d'entre eux ont trouvé refuge dans ce pays depuis fin août, après avoir fui leurs villages de l'État de Rakhine, dans l'ouest de la Birmanie, pour échapper à une campagne de répression de l'armée.

Entretien mardi avec Aung San Suu Kyi
La semaine dernière, la Birmanie et le Bangladesh ont annoncé un accord sur un retour des réfugiés rohingyas, mais le général s'est déjà dit opposé à leur retour en masse.
Le pape François rencontrera également la dirigeante birmane et prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, dont l'aura internationale a été ternie par son manque d'empathie affiché pour la minorité musulmane. L'opinion publique birmane, portée par un nationalisme bouddhiste, est chauffée à blanc par les remises en cause de la communauté internationale sur la façon dont le gouvernement gère cette crise.
"La grande majorité des gens en Birmanie ne croient pas au récit international des abus contre les Rohingya et à un exode en grand nombre de réfugiés au Bangladesh, explique Richard Horsey, analyste indépendant basé en Birmanie. Si le pape venait à évoquer de façon appuyée le sujet, cela attiserait les tensions", ajoute-t-il.
Plus de 150 000 personnes attendues à la messe papale
De leur côté, les quelque 700 000 catholiques de Birmanie – un peu plus de 1 % des 51 millions d'habitants du pays – espèrent beaucoup de cette visite. Dispersés aux quatre coins du pays, beaucoup ont afflué vers Rangoun durant le week-end pour accueillir le souverain pontife et assister à l'immense messe en plein air prévue mercredi, et à laquelle plus de 150 000 personnes se sont inscrites, selon le porte-parole de l'église catholique de Birmanie, Mariano Soe Naing.
Le pape accorde une grande importance au développement en Asie du catholicisme, qui ne rassemble que 3 % de la population mais connaît une belle croissance (+9 % entre 2010 et 2015). Il s'est déjà rendu en Corée du Sud, au Sri Lanka et aux Philippines. Et le Vatican, qui vient de nouer des relations diplomatiques avec la Birmanie, négocie aussi à petits pas un rapprochement avec le Vietnam et la Chine, deux États communistes.
Avec AFP et Reuters