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Pourquoi les productions médiatiques du groupe État islamique sont en net déclin

Du 22 au 23 novembre, durant 24 heures, l'organisation État islamique n'a mis aucune photo, vidéo, ni aucun communiqué en ligne via ses canaux officiels. Un hiatus sans précédent derrière lequel se cache une tendance.

Depuis son coup d'éclat sur la scène internationale en 2014, l'organisation État islamique (EI) n'a eu de cesse d'occuper l'espace médiatique avec ses communiqués et ses productions photo et vidéo d'excellente qualité technique. Cette stratégie lui a permis d'attirer jusqu'en Syrie et en Irak des centaines (voire des milliers) de recrues pour faire le jihad. Mais les pertes territoriales de ces derniers mois, et notamment les chutes de Mossoul en Irak et de Raqqa en Syrie, semblent avoir un impact direct sur les productions média de l'EI. 

Des journalistes de BBC Monitoring, l'une des cellules d'investigation du média public britannique, ont publié jeudi 23 novembre une analyse volumétrique et leur constat est sans appel : "les productions médiatiques du groupe ne sont maintenant plus que l'ombre d'elles-mêmes". Ainsi, de 29 productions quotidiennes avant la perte de Raqqa, l'EI n'en est plus qu'à 10. Et du mercredi 22 au jeudi 23 novembre, durant 24 heures, aucune photo, vidéo et aucun communiqué n'a été mis en ligne via les habituels canaux officiels. Un hiatus sans précédent, selon la BBC.

Durant un an, du 22 novembre 2016 au 22 novembre 2017, BBC Monitoring a minutieusement répertorié les contenus partagés en ligne par l'EI, notamment sur plusieurs chaînes de la messagerie cryptée Telegram, qui constituent la Nashir News Agency. Et la chute de Raqqa, capitale de l'autoproclamé califat, le 17 octobre, montre que le coup a été rude pour les médias de l'EI.

Des problèmes de réseau(x)

La BBC détaille ainsi l'effondrement des productions de l'EI. Le nombre de communiqués diffusés par l'agence de propagande Amaq est tombé de 421 en septembre à 193 en octobre. Le nombre de vidéos diffusées par cette même agence Amaq est passé de 52 en septembre à 11 en octobre. Entre septembre et octobre, le nombre de communiqués de l'EI est tombé de 138 à 52, les séries de photos de 175 à 81, les vidéos de 15 à 4. Le magazine mensuel de propagande Rumiyah, publié en anglais et dans 10 autres langues, n'est pas paru en octobre, une première depuis son lancement en septembre 2016. Quant aux journaux radio de al-Bayan, qui émet depuis avril 2015, ils n'avaient plus lieu que par intermittence depuis la perte de Raqqa, avant de cesser du 25 octobre au 11 novembre, reprendre brièvement sous la forme d'enregistrements avant que le silence revienne à nouveau. Le lien du streaming n'est d'ailleurs plus accessible depuis le 20 novembre.

Indéniablement, les capacités médiatiques de l'EI ont pris un sérieux coup.  Notons aussi que la coalition internationale antijihadiste dirigée par les États-Unis a d'ailleurs pris spécifiquement pour cible les cellules de propagande de l'EI, décimées au fil des mois. "Ils ont moins de moyens qu'avant et les équipes sont complètement itinérantes, elles ont moins la capacité de se fixer", explique Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvement jihadistes. "Ils s'arrêtent, cherchent une connexion, puis se déplacent à nouveau. La communication entre les différentes zones d'action est aussi maintenant moins fréquente. Tout cela explique une baisse qualitative et quantitative des productions de l'EI : ils font moins et moins long", ajoute-t-il.

Une réputation à tenir

Or, "le jihad médiatique, c'est la moitié du jihad", rappelle Wassim Nasr – cette citation est attribuée au chef d'Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri et a été reprise par l'EI. Ce n'est donc pas demain que l'EI va cesser ses activités en ligne, à n'en pas douter. Et si les images se tarissent ponctuellement en provenance de sa branche centrale (zone syro-irakienne), ses autres branches peuvent prendre le relais. Ainsi, la wilayat Khorasan, en Afghanistan/Pakistan, diffusait des images le 23 novembre pour rompre les 24 heures de silence planétaire de l'organisation.

"Pour un groupe dont l'efficacité a souvent été mesurée par ses opérations médiatiques, maintenir cette réputation est crucial pour son image et sa survie", résume BBC Monitoring. Et de rappeler que l'État islamique en Irak, ancêtre de l'EI, avait été battu militairement en 2007 par une contre-insurrection de tribus sunnites soutenues par les États-Unis. Boutés hors des villes, les jihadistes avaient continué à maintenir une présence forte en ligne pour s'assurer de ne pas tomber dans l'oubli. On connaît la suite de l'histoire, de leur regroupement en 2013 à la proclamation du califat en 2014.

Full report: The group's media operation is now a shadow of its former self.https://t.co/3IvjFTHi8m

— BBC Monitoring (@BBCMonitoring) 24 novembre 2017

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