![Razer Phone : de la difficulté de faire un smartphone pour les jeux vidéo Razer Phone : de la difficulté de faire un smartphone pour les jeux vidéo](/data/posts/2022/07/22/1658523138_Razer-Phone-de-la-difficulte-de-faire-un-smartphone-pour-les-jeux-video.jpg)
Esthétique, puissant et calibré pour les jeux vidéo, le premier smartphone de Razer nous promettait monts et merveilles. Un mois après notre première prise en main du Razer Phone, bilan.
Voilà désormais un mois que j’utilise le Razer Phone, disponible à la vente en France depuis le 17 novembre au prix de 749 euros. Il y a beaucoup de choses positives à dire sur le premier appareil mobile du fabricant de hardware américain : ses composantes internes, ses deux enceintes Dolby ou sa batterie impressionnante. Mais au fond, il n'y a qu’une seule chose qui me turlupine et pourrait distinguer le Razer Phone dans un marché saturé : quel genre de téléphone veulent les gamers en 2017 et pourquoi ?
Dans une galaxie lointaine, très lointaine, un seul téléphone était disponible pour les jeux vidéo : le Nokia N-Gage et nous étions en 2003. C’était une sombre époque où le Play Store n’existait pas et où les présentateurs télé parlaient encore d’ordiphones et de micro-blogging. Depuis, nous avons eu les applis, les iPhone C, S, X et les portages de classiques comme "GTA: San Andreas" sur mobile. Même Nintendo, qui s’y est longtemps refusé par peur de casser la dynamique de ses consoles portables, fait désormais des jeux destinés aux smartphones.
On pourrait croire qu’avec la démocratisation des smartphones et la multiplication des jeux mobiles, ceux-ci auraient pris du galon en qualité et en originalité. Mais non, sur l’App Store ou le Play Store, on trouve encore et toujours plus de bouses, de titres purement chronophages et de milliers de variantes de "Candy Crush" que de vrais jeux vidéo. Ceux-là sont finalement limités en nombre et quiconque cherchant de véritables expériences vidéoludiques sur mobile en 2017 se sentira rapidement frustré. Morale de l’histoire : un smartphone n’égale toujours pas une console portable.
Des caractéristiques qui ne mentent pas
C’est là que le premier smartphone de Razer pointe le bout de sa coque noire. L’entreprise américaine, fondée par Min-Liang Tang en 1998, crée des produits – souris, manettes, casques, PC – pour les joueurs. En une vingtaine d’années, la marque s’est construite une communauté très fidèle et une solide réputation.
J’avais largement détaillé l’ensemble des caractéristiques du smartphone lors de sa soirée de lancement, le 1er novembre. Pour rappel, le Razer Phone est grand (158 x 78 x 8 mm), plutôt léger (197 grammes, un peu plus qu'un iPhone X) et il est doté d'un écran LCD de 5,72 pouces à la résolution QHD (1440 x 2560 mégapixels). Ajoutez à cela 8 Go de RAM couplée à un processeur Snapdragon 835 et une fréquence de rafraichissement de 120 Hz, permise grâce à la technologie Ultramotion développée par Razer et Qualcomm. Enfin, le Razer Phone est équipé de deux haut-parleurs Dolby Atmos en façade.
Ce qui distingue le Razer Phone de ses concurrents à la prise en main, avant même de mettre à l’épreuve ses caractéristiques, c’est sa coque en métal froid, ses angles rectangulaires – alors que la mode est aux arrondis – et ses deux enceintes sur la façade. Trois éléments directement inspirés du mobile de Nextbin, une start-up rachetée par Razer en janvier dernier. Tout cela lui donne une allure de bloc, comme un petit ordinateur qu’on pourrait emporter partout. Des choix esthétiques qui font sens au vu des habitudes du public de Razer.
À mon sens, les deux haut-parleurs Dolby Atmos sont un des plus gros atouts du Razer Phone. Le son est tout simplement très bon, comme ceux d’une petite enceinte. On sent bien les basses et, en jouant, on ne bloque pas la sortie de la musique avec les mains ou les doigts. C’est un confort véritablement notable pour les joueurs qui aiment, comme moi, s'affaler sur leur canapé et se faire quelques parties peinard. On relève néanmoins l'abscence de prise jack, légèrement compensée par un adaptateur vendu avec le Razer Phone.
L’écran n’est pas un OLED, souvent considéré comme les plus qualitatifs. C’est un Igzo LCD, fabriqué par Sharp, avec une définition QHD qui bénéficie de la technologie wide color gamut, habituellement destinée aux écrans d’ordinateur ou les télévisions. Elle permet d’afficher un très bon rendu de couleurs, particulièrement visible sur des films ou des jeux. J’ai notamment apprécié m’essayer à "Don’t Starve: Shipwrecked" et "Brothers: A Tales of Two Sons", deux claques esthétiques du jeu vidéo indépendant sur PC, qui rendent parfaitement sur le Razer Phone.
Le taux de rafraîchissement à 120 Hz – qui ne sert absolument à rien pour traîner sur Facebook ou Instagram – est un plaisir sur des jeux exigeants, comme les "Modern Combat" ou les jeux de course du type "Gear Club". L’application "Razer Game Booster", intégrée au téléphone, permet d’ailleurs un certain nombre de choses pour améliorer l’expérience de jeu ou, au contraire, diminuer les capacités de l’appareil pour conserver de la batterie. On peut par exemple amoindrir la vitesse du CPU, la résolution de l’écran ou empêcher le téléphone de recevoir des notifications durant une partie. C’est un gadget que j'ai utilisé lors de parties en ligne.
La batterie à 4 000 mAh, l’un des gros arguments de vente de Razer, est également appréciable. Pour vous donner un exemple précis, je suis parti de chez moi un lundi à 10 h avec 39 % sur mon téléphone, sans avoir pris mon chargeur. J’ai utilisé le téléphone normalement et en mode économie d’énergie toute la journée, en jouant environ une trentaine de minutes dans les transports en commun. En rentrant chez moi autour de 20 h, il me restait encore 8 % de batterie. Pas mal, non ? Notons qu'en mode normal et sans diminution des capacités du téléphone, la batterie reste soumise aux mêmes contraintes que ses concurrents. Elle tiendra une bonne grosse journée sans recharge, pas plus.
Un téléphone pour les joueurs, pas pour le jeu
Félicitations, vous êtes arrivé aux deux tiers de cet article, vous gagnez un Razer Phone ! Non, je déconne. Mais vous avez sans doute compris que j'apprécie la machine et que je considère qu'il s'agit d'un premier mobile de qualité. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir quelques défauts, comme l'absence véritablement regrettable de prise jack ou le fait que le mobile n'est pas pas waterproof.
On peut également noter le fait que le téléphone chauffe pas mal si l'on joue trop longtemps, comme j'ai pu m'en rendre compte après une bonne heure sur "Arena of Valors", un MOBA développé par Tencent et intégré au téléphone. Concernant le software du mobile, il est livré avec la version 7.1.1 Nougat, mais la marque a communiqué sur l'arrivée d'Android 8 Oreo pour le printemps prochain. Nous verrons si les performances du téléphone suivent.
En réalité, la plus importante critique qu’on peut adresser à Razer est aussi son meilleur argument de vente : c’est un téléphone pour les joueurs. Ce qui signifie qu’il cherche la puissance, la longévité de la batterie, la qualité visuelle. Le Razer Phone réussit sans problème dans ces trois domaines, mais quel joueur sur mobile a besoin d’un taux de rafraîchissement à 120 Hz ou de 8 Go de RAM ? À l’heure actuelle, la réponse est simple : aucun. Les jeux que nous prenions en exemple plus haut (de "Brothers" à "Gear Club") tournent brillamment sur le Razer Phone. Mais ils le font aussi avec un téléphone à 60 Hz. Comme nous le disions au début de cet article, malgré de nombreux espoirs, le jeu vidéo sur mobile reste trop casual pour un smartphone de cette envergure. Et je doute fortement que les jeux mobiles à 120 images par seconde deviennent la norme dans un futur proche.
J'ajouterai également une autre remarque. Je pense que Razer aurait dû aller plus loin avec ce téléphone. En faire un véritable hybride entre la console portable et le smartphone. On aurait presque pu envisager l'ajout de deux boutons sur une des faces lattérales du téléphone, comme les touches R1 et L1 de la DualShock de PlayStation. Ou des sticks de contrôle qu'on pourrait clipser sur le téléphone et utiliser en Bluetooth, par exemple. D'un point de vu logiciel, cela aurait été envisageable étant donné que certaines manettes, comme la gamme Nvidia Shield, sont déjà compatibles Android. Je n'essaie pas de mesurer la faisabilité d'un tel projet, mais il faut simplement souligner que Razer est resté dans sa zone de confort avec ce produit.
Alors, au final, qui a besoin du Razer Phone pour jouer ? Personne. Mais les joueurs, ceux qui aiment le gaming sur mobile ou qui apprécient la marque, ont besoin du Razer Phone. Parce que c'est le seul téléphone à s’identifier à eux et à proposer un smartphone qui tire le jeu vidéo mobile vers le haut, qui propose une configuration optimale pour les jeux vidéo. Pour résumer, tant que le jeu vidéo mobile ne sera pas doté d’un véritable catalogue, proche de ceux d’une PS VITA ou d’une Nintendo DS, le Razer Phone n’aura pas d’utilité propre.
Malgré toutes ses capacités intrinsèques, le Razer Phone est donc limité par une situation sur laquelle la marque n’a pas vraiment de prise. C’est un smartphone de grande qualité, pas révolutionnaire pour autant, qui s’adresse à une communauté qui a confiance dans les capacités de Razer.
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