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Bombes artisanales, militaires tués, incendies volontaires, la situation sécuritaire s’aggrave dans les régions anglophones du Cameroun. L’ONU a rappelé, vendredi, son "attachement à l'intégrité territoriale et à l'unité" du pays.

Un an après le début de la contestation dans les régions anglophones du Cameroun, la situation sécuritaire s’est considérablement dégradée et inquiète de plus en plus l’ONU. Vendredi 17 novembre, le bureau régional pour l'Afrique centrale (Unoca) s'est dit "particulièrement préoccupé par la recrudescence de la violence, y compris celle visant les populations civiles et les agents de l'État". Il réaffirme "l'attachement des Nations unies à l'intégrité territoriale et à l'unité du Cameroun" et invite "les différentes parties à résoudre leurs différends par des moyens pacifiques".

Cette communication de l’ONU intervient au moment où un hommage officiel a été rendu à quatre militaires tués en quelques jours en zone anglophone – trois gendarmes morts par balles dans la région administrative du Nord-Ouest et un soldat égorgé dans la région voisine du Sud-Ouest entre le 6 et le 10 novembre. Dans un message de condoléances lu lors de la cérémonie, le président Paul Biya a présenté les victimes comme des "gendarmes et (un) militaire courageux, dynamiques et dévoués à leurs missions" qui "demeureront un exemple (...) dans la lutte pour la préservation de la paix et de l'intégrité territoriale".

Un quotidien troublé par les violences

Ces attaques envers les forces de sécurité sont attribuées par le gouvernement aux séparatistes qui militent pour l'indépendance de ces deux régions. Les séparatistes démentent en être les auteurs. Depuis octobre 2016, la minorité anglophone, qui représente environ 20   % des 22 millions de Camerounais , proteste contre ce qu'elle appelle sa "marginalisation" dans la société. Outre les séparatistes qui réclament la proclamation d'un nouvel État, l'"Ambazonie", des anglophones exigent le retour au fédéralisme qui a prévalu dans le pays entre 1961 et 1972, avec deux États au sein d'une même République.

L'exécutif oppose une fin de non-recevoir aux revendications des manifestants. Yaoundé a pris des mesures fortes pour tenter de juguler cette crise   : couvre-feu instauré dans les deux régions anglophones, interdiction des réunions de plus de quatre personnes dans l'espace public, des déplacements entre les localités et accès limité à Internet.

À Bamenda, chef-lieu du nord-ouest et épicentre de la contestation, le quotidien des populations est aujourd’hui troublé par les violences, malgré l'omniprésence des forces de sécurité. En début de semaine, quatre bombes artisanales ont explosé dans la ville, sans faire de victime. Une des explosions s'est produite à proximité du Groupement mobile d'intervention (GMI), une unité de police. Une autre a été enregistrée près de Food Market, un supermarché bien connu localement, alors que les deux autres engins ont ciblé un carrefour de la ville et une rue voisine de la Commercial Avenue, le centre des affaires. Les incendies volontaires de commerces et d’écoles se multiplient.

La crainte d’une  insurrection armée

Des leaders sécessionnistes en exil, à l'image du "camarade" Ayaba Cho Lucas, appellent désormais ouvertement au "combat" pour répondre "aux balles et au mépris de l'occupant", alors que "le monde reste silencieux".  Déjà, le 1er octobre, 17 personnes ont été tuées par les forces de sécurité en marge de manifestations, dans plusieurs villes anglophones, ce qui fait de cette journée la plus sanglante depuis le début de la contestation selon Amnesty International.

"Du fait de cette répression meurtrière, les rangs des sécessionnistes augmentent de jour en jour, et certains d’entre eux évoquent plus résolument l’idée d’une lutte armée ou l’''autodéfense'. S’il veut éviter la naissance d’une insurrection armée dans les régions anglophones, qui ne manquerait pas d’avoir des répercussions en zone francophone, le président camerounais doit aller au-delà des mesures cosmétiques et prendre ses responsabilités pour trouver des solutions politiques à la crise", mettait en garde le centre d'analyse International Crisis group (ICG) dans un rapport publié mi-octobre et intitulé "Cameroun : l’aggravation de la crise anglophone requiert des mesures fortes". En réponse, Paul Biya a annoncé sa décision de suspendre toutes les activités du centre d’analyse du pays.